ENFANTER LE LIEN - MERE - ENFANT - PERE- jeannette Bessonart

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79 - être père aujourd'hui


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PAROLES DE PERES

                               « Le père c'est celui qui aime... » Marcel Pagnol 

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                    Etre père aujourd'hui en France RONALD MARY journaliste
 
Dans notre enquête, la plupart du temps la paternité nous a paru être menée en commun avec la maternité, en parallèle. Je voudrais parler tout de suite d'une chose: A la question: « Qu'est-ce qui aurait pu empêcher l'éclosion du sentiment de paternité? », beaucoup de pères ne nous ont pas répondu parce que cela ne les concernait pas. Et ceux qui nous en ont parlé l'ont fait assez rapidement.

L'harmonie  
    Pour le père, l'harmonie c'est aussi important que pour la mère, et cette rupture d'harmonie est une raison souvent avancée par les pères comme ne facilitant pas la paternité. Roger, animateur en entreprises, explique qu'il a eu plus de mal à se sentir père pour son second enfant que pour son premier à cause de la séparation familiale entraînée par la naissance en maternité. Sa fille de trois ans ne pouvait pas entrer dans la chambre de sa mère où était le bébé. Cela a duré quelques semaines avant que le père investisse de son amour cet enfant qui était en chambre. Les pères reviennent souvent sur cette séparation du début. Il y a aussi la césarienne urgente où l'instant se transfor-
me en intervention chirurgicale ..., la mésentente du couple, etc. 

Etre père, c'est un jour... à une occasion 
    Il n'y a pas de moment précis, défini, où le père se sent concerné par son enfant... c'est un jour, à une occasion. Mais ce qui importe, c'est la structure du lieu où naît l'enfant. Peut-être que la naissance à domicile pourrait favoriser un attachement précoce des pères à leurs enfants? Mais quand se sent-on père? Il n'y a aucun moment précis et beaucoup de moments à la fois. Il y a ce couple qui dit: «Nous avons eu beaucoup de mal à faire cet enfant pendant 18 mois. Nous avons subi des inséminations artificielles». Il y a là une osmose complète entre l'homme et la femme. Et Alain me disait:« Je me suis senti père dans une cabine téléphonique» quand au téléphone le laboratoire lui a confirmé que c'était positif. Vous voyez que les lieux et les moments peuvent paraître incon-
grus! 
    Autre moment, le moment de la conception. Plusieurs hommes nous ont affirmé avoir fait l'amour d'une façon très particulière en pensant, à ce moment-là, que c'était pour faire un enfant. Ils se sont dit: «Je fais un enfant». Encore un moment très important lié à notre société de technologie, c'est l'échographie. C'est vrai que la mère ressent en elle un bouleversement physiologique. Mais pour le père ce n'est qu'une idée, de la théorie, un concept et soudain, sur un écran, ça existe, ça vit, ça bouge. C'est un moment important pour les pères, et beaucoup d'entre eux, depuis quelques années, récupèrent la petite photo pour la mettre au début de l'album de photos de leur enfant. 
    Il y a aussi ce sentiment vécu depuis très longtemps et dont on commence un peu à reparler: la couvade. Beaucoup de pères expliquent maintenant qu'ils se sont sentis pères au moment des rondeurs de leurs femmes; plus ça s'arrondit, et plus ils se sentent investis et responsables. Je connais un père qui aidait sa femme à monter les escaliers parce qu'elle était un peu lourde. Il se mettait derrière et il la poussait. Cette façon de s'investir dans l'espace vital de sa femme a été sa façon de devenir père, de s'assumer et de dire à sa compagne: «tu vois, je suis père aussi ».
 
Le grand moment... le jour de l'accouchement 
    Mais le grand moment où le père commence à se sentir père, c'est le moment de l'accouchement. Et alors là, il y a autant d'histoires qu'il y a d'accouchements.  J'en ai retenu un qui est brocanteur et poète. Il s'appelle Alain et il dit : «J'ai eu la sensation de devenir père le jour où les douleurs ont commencé pour ma femme. Auparavant, je n'avais pas eu l'impression de participer à sa grossesse, mais j'ai éprouvé ces douleurs d'une façon très particulière: ça a duré très longtemps, six ou sept heures. Pendant tout ce temps-là, je souffrais avec elle et j'écrivais ». Sa façon d'accoucher c'était d'écrire. « Le troisième être existait déjà avec nous par l'intermédiaire de cette souffrance que je ne pouvais partager que mentalement». Voilà quelqu'un qui vit la douleur de l'accouchement en même temps que sa femme et qui trouve un palliatif à cette douleur (qu'il ne vit pas dans son corps) en écrivant. 

Le moment où on devient «copain avec ce petit bout-là... » 
    D'autres ont vécu ce moment de façon très particulière, moment de tension: «le bébé s'est trouvé coincé dans l'utérus, explique un père, on voyait très nettement qu'il souffrait sur le monitoring. J'ai senti une telle proximité entre la vie et la mort que j'en ai été bouleversé. Et c'est là que je me suis senti père, soudain investi d'une responsabilité. Je me suis tout de suite senti très, très copain avec ce petit bout-là». 
    A ce moment de l'accouchement, il y a aussi des pères pour qui c'est pénible. C'est vrai que les hommes ont envie de s'investir dans l'accouchement, dans la grossesse de leurs épouses, mais peut-être ne faudrait-il pas qu'il y ait des règles définies .., Il y en a un qui souffre avec sa femme et qui est bien. Si vous l'enlevez de la proximité de sa femme, il souffrira encore plus. Un autre est dans la salle de naissance, et le médecin lui tend «ce paquet gluant et verdâtre que je n'ai pas envie de toucher». Il ne va accepter son enfant, sa fille, que le lendemain quand elle a été lavée, quand c'est un bébé présentable du même type que celui des magazines. Ne pas imposer aux pères une attitude ou une autre. 
Il faut aussi qu'ils puissent avoir le choix de dire oui ou non.
 
C'est le bébé qui fait naître le père 
    Pour d'autres pères, l'accouchement a été le bouleversement de leur vie. Certains d'entre eux nous ont parlé de ce moment où l'on pose le bébé sur le ventre de la mère, silence... et le papa parle. Alors, l'enfant se retourne et regarde vers cette voix qu'il reconnaît. Et là le père se sent reconnu, et naît le sentiment de paternité sur un regard, quelque chose d'impalpable et que seuls deux êtres pouvaient ressentir: le père et cet enfant. En fait, c'est le bébé qui fait naître le père. Plus schématiquement après ce moment de l'accouchement quelques hommes se sentent pères dans les premiers jours du retour à la maison; d'autres, c'est au premier biberon qu'ils vont prendre en charge. Encore une fois cette idée de responsabilité. 
    Certains pères ne se sentent pas pères tant qu'ils n'ont pas assuré un minimum de responsabilité à quelque niveau que ce fût, changer l'enfant ou passer l'aspirateur. Parfois aussi, et c'est fréquent, ce sont les pères qui ont passr leur première nuit blanche auprès du bébé. Ça a été un moment de réflexion et de tête-à-tête intéressant avec ce bébé qui vit. Le père se sent concerné par cet enfant. 

Le rite de l'état-civil 
    On vit une société qui n'a plus beaucoup de rites, et c'est vrai qu'un des rites attachés à la naissance est le rite de l'état civil. 95 % des pères se sont sentis pères et investis au moment où ils ont signé l'état civil et au sortir de la mairie où il y a ces quelques minute! de béatitude « sur un petit nuage» : «je ne suis plus le même. Ma vie ne sera plus comme avant ». 
    Aussi, il semble que ce soit um erreur que les lieux d'accouchement déclarent les enfants systématiquement à la place des parents. Que ce service existe, parce qu'il  a des gens qui en ont envie, soit. Mais, encore une fois, il ne faut pas l'imposer. Car beaucoup de pères, en allant à la mairie, et au sortir de la mairie, ont vécu quelque chose de très particulier, ur moment de passage. Et une société qui n'a plus de moment de passage devrait conserver ou retrouver certains de ces moment! pour s'équilibrer.
  
LE PÈRE, C'EST L'AMOUR       
    Enfin, l'idée qui revient chez les pères c'est l'amour. On devient père au moment où l'on aime. Je me souviens de Marcel Pagnol faisant s'exprimer César, le père de Marius, disant à celui-ci, à propos de l'enfant qu'il avait fait à Fanny avant de fuir: «quand il est né ton petit, il pesait 4 kilos, aujourd'hui il pèse 9 kilos et ces 5 kilos: c'est 5 kilos d'amour ». Et lorsque Marius proteste, arguant que c'est lui qui lui a donné la vie, César répond: «les chiens aussi donnent la vie, et la vie tu ne la lui as pas donnée, il te l'a prise. Le père c'est celui qui aime... » 
En effet, le moment où l'on se sent père, c'est le moment où l'on commence à aimer. 

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Extrait du livre - ENFANTER le lien mère/enfant/père - publié par J.Bessonart pour sages-femmes du monde - editions Frison Roche Paris

07/02/2013
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