ENFANTER LE LIEN - MERE - ENFANT - PERE- jeannette Bessonart

ENFANTER LE LIEN - MERE - ENFANT - PERE- jeannette Bessonart

181 - le deuil périnatal


page181 - le deuil périnatal

CRÉER DES LIENS à la naissance dans le deuil périnatal 

Le deuil périnatal 
Accompagnement de la famille 
Prévention des répercussions chez l'enfant 
Dr PIERRE ROUSSEAU  obstétricien 


     La mort d'un enfant à la naissance provoque un deuil intense et prolongé chez les parents et les membres éventuels de la fratrie. Les autres pertes périnatales que sont les fausses-couches précoces et tardives, les malformations et handicaps congénitaux, la stérilité involontaire, causent des réactions de deuil tout aussi affligeantes. Ces deuils sont compliqués de dépression et de psychose chez la mère, de mésentente dans le couple, de perturbations sévères et de «maltraitance» des enfants. La mort d'un membre de la famille, enfant, compagnon, frère ou sœur, père ou mère, à l'occasion d'une grossesse ou d'une naissance, provoque également des réactions de deuil qui peuvent se répercuter sur le nouveau-né. 

     Ces constatations permettent de comprendre que le deuil périnatal n'est pas limité à la mort d'un enfant en période périnatale telle qu'elle est définie par la législation pour la déclaration des naissances et par l'usage du recueil des statistiques: de 180 jours de gestation à 7 jours après la naissance. Il inclut les réactions causées par toutes les pertes périnatales et aussi celles qui peuvent survenir à l'occasion de toute grossesse et de toute naissance. 

     La méconnaissance de ces réactions par la société et la famille confèrent aux soignants une tâche d'accompagnement dans un but de soutien humanitaire et surtout de prévention des complications décrites par la littérature. 

     Ce cours comporte trois parties: l'accompagnement des parents qui perdent un enfant à la naissance, le deuil causé par les autres pertes périnatales, la prévention des répercussions des réactions de deuil des parents chez leurs enfants déjà nés ou à naître. La compréhension du sujet nécessite la connaissance de la clinique du deuil. Elle est résumée dans un chapitre d'introduction. 

sommaire

1 - introduction : théorie du deuil
     1a - définition
     1b - description
          . symptomes physiques
          . travail psychique
          . modifications du comportement
     1c - le deuil chez l'enfant
     1d - pathologie du deuil
     1e - le rôle des médecins et intervenants

2 - l'accompagnement des parents qui perdent un efnat en période périnatale
      2a - les difficultés du deuil périnatal
      2b - accompagnement en cas de mort périnatale
      
3 - le deuil des autres échecs de la procréation humaine
     3a - les fausses-couches
     3b - les interruptions volontaires de grossesse
     3c - les malformations et handicaps congénitaux
     3d - la stérilité involontaire

4 - Prévention des répercussions du deuil des parents sur leurs enfants
     4a - chez les enfants déjà nés
     4b - le deuil anticipé de la mort du nouveau-né
     4c - chez les enfants à naître

5 -  conclusion       

 

1 - Introduction: théorie du deui


1a - Définitions 

    Le deuil est l'état dans lequel nous met la perte d'une personne aimée ou d'une abstraction qui a de la valeur pour nous. C'est une réaction extraordinairement douloureuse qui nécessite un travail psychique intense dont la fonction est de détacher du mort les souvenirs et les espoirs du survivant (S. Freud). Les manifestations du deuil comportent des aspects somatiques, psychiques et comportementaux. Elles varient selon la culture à laquelle appartient l'individu, mais elles ont toujours la même signification: lui permettre de s'adapter à la perte éprouvée. 

    Le deuil anticipé est le travail psychologique qui précède la perte et commence dès la perception de son éventualité. Il peut contribuer à atténuer considérablement la violence du choc et faciliter ultérieurement l'évolution vers la guérison. Il peut aussi avoir des conséquences désastreuses lorsqu'il aboutit au détachement complet avant le moment de la mort ou lorsqu'elle ne se produit pas alors qu'elle était attendue, comme cela arrive lors de séjours de nouveau-nés en unité de néonatologie, surtout s'ils sont prématurés. 

     Les anniversaires, en rappelant la perte, provoquent des réactivations des diverses émotions du deuil. Elles ne sont pathologiques que lorsqu'elles prennent des dimensions nettement exagérées, se manifestent sous forme de plaintes somatiques ou entraînent des complications majeures comme le suicide. 

1b - Description 

Symptômes physiques 

     Les symptômes somatiques du deuil peuvent être classés en deux groupes qui évoluent séparément. Les symptômes aigus sont: sensation de détresse physique extrême avec soupirs, faiblesse musculaire et parfois syncope, malaises digestifs, accès d'agitation entrecoupés de crises de larmes et de sanglots. Les perturbations chroniques, qui peuvent se produire en l'absence de manifestations aiguës, sont: fatigue, asthénie, diminution des capacités intellectuelles, insomnies, variations de poids, troubles du rythme cardiaque, modifications endocriniennes et dépression de l'immunité. 

Travail psychique 

     Le travail psychique du deuil se ferait pour J. Bowlby en quatre phases évolutives sans cesse retravaillées. 

     La première phase, l'incrédulité et l'engourdissement, dure de quelques heures à une semaine. La personne présente à des degrés divers les symptômes décrits ci-dessus et continue à vaquer à ses occupations comme si rien n'était arrivé. 

     La deuxième phase, la nostalgie et la recherche du disparu, appraît dès que la réalité de la perte commence à s'imposer. La recherche du disparu est fondamentale. D'un point de vue phylogénétique, elle existe dès qu'une espèce animale présente une forme sociale d'existence et un attachement entre les individus. Elle est caractérisée par des épisodes d'irritabilité, de colère, d'anxiété et de peur entrecoupés d'accès de tristesse et de pleurs. Elle est accompagnée de tentatives d'explication des causes de la mort. 

     Les accès aigus sont provoqués par tout ce qui rappelle la perte et fait croire un certain temps qu'elle n'a pas eu lieu. La déception chaque fois renouvelée entraîne une frustration. La colère qui en résulte et dont l'importance est généralement sous-estimée dans le deuil normal, peut être dirigée contre n'importe qui, Dieu, la mort, ceux qui essaient de consoler, ceux qui sont tenus pour responsables de la perte, les soignants notamment, ou soi-même sous forme de culpabilité. 

     La prise de conscience et l'acceptation de la réalité provoquent la tristesse, la nostalgie et les manifestations du chagrin. La douleur engendrée par la répétition des alternances d'espoir et de déception fait craindre leur réapparition et naître la peur, l'anxiété. 

     La troisième phase, la désorganisation et le désespoir, et la quatrième, la réorganisation qui lui est associée, commencent après quelques semaines ou quelques mois. Elles nécessitent l'acceptation de la perte comme définitive, le démantèlement des habitudes nouées avec le disparu, une redéfinition de soi-même et un réaménagement de la vie. Les sentiments caractéristiques de la troisième phase sont le désespoir et la dépression, ceux de la quatrième sont une impression de libération, mais aussi la peur de perdre tout nouvel objet d'attachement. 

     Le travail du deuil peut aboutir à l'identification plus ou moins complète au disparu de la personne endeuillée elle-même, d'une autre personne ou d'un objet ou à une idéalisation de son image. 

     Toutes ces transformations sont longues; elles demandent habituellement plus d'un an lors de la perte d'un conjoint ou d'un enfant. Beaucoup racontent avoir eu l'impression d'être en voie de rétablissement après une crise de larmes subite et prolongée. 

     Les principaux obstacles à l'évolution favorable du deuil sont les défenses qui s'établissent pour éviter la détresse intense pressentie, les difficultés personnelles et sociales rencontrées dans l'expression des émotions éprouvées ainsi que le caractère inacceptable de certains aspects de la perte éprouvée. 

Modifications du comportement 

     Les modifications du comportement les plus évidentes sont les manifestations de tristesse et surtout de colère sous forme d'agressivité envers tout ce qui est accessible, ainsi que les états qualifiés à tort de dépression qui caractérisent la phase de désorganisation. Il existe des réactions plus inconscientes: affaiblissement de la mémoire, du pouvoir de concentration et de la capacité de prendre des décisions, variations dans la prise des aliments, développement d'illusions et apparition d'hallucinations. 

1c - Le deuil chez l'enfant 

     Le deuil chez l'enfant existe incontestablement. L'enfant n'est pas angoissé par la mort aussi longtemps qu'il n'a pas été traumatisé par un deuil difficile. Il peut parfaitement mener à terme son travail de deuil si les circonstances sont favorables. Ces circonstances sont la capacité des parents ou de celui qui reste de partager leurs véritables sentiments avec ceux de l'enfant et de lui conserver suffisamment d'intérêt, malgré leur propre peine, pour comprendre ses conduites symboliques et essayer de les lui expliquer. 

     Dans le cas contraire, l'enfant va percevoir et amplifier les réactions des adultes qui l'entourent. L'habitude du déni va entraîner des déformations de sa perception de la réalité. Les frustrations vont provoquer des colères démesurées. La peur qu'il ressent va être  doublée de celle de perdre le ou les parents dont il a besoin. Le sentiment de culpabilité va se développer parce qu'il croit facilement que ses pensées de destruction sont réellement responsables de la mort de la personne disparue et du chagrin de ses parents si ceux-ci ne lui en expliquent pas la cause. 

1d - Pathologie du deuil 

     Il y a trois mécanismes psychologiques par lesquels le deuil évolue vers la pathologie. 

     L'absence de deuil conscient est favorisée par la soudaineté et la prématurité de la perte qui entraînent un état prolongé de choc ou d'incrédulité constituant des mécanismes de défense contre l'immensité de la souffrance entrevue. L'absence de marques extérieures de tristesse fait penser à l'entourage que la perte est assumée avec beaucoup de courage. Les symptômes apparaissent plus tard sous forme de somatisations, d'accès d'angoisses, de sentiments de culpabilité, d'impression persistante de présence de la personne décédée? 

     Le deuil ambivalent survient lorsque les relations avec le disparu étaient marquées de disputes ou d'aspects négatifs de l'ambivalence. La personne manifeste rapidement des signes de soulagement et semble être en bonne voie de rétablissement. Après une période de latence plus ou moins longue, apparaissent des sentiments de nostalgie, de désespoir, de culpabilité et des conduites d'autopunition qui peuvent aller jusqu'au suicide. 

     Le deuil chronique est la prolongation anormale des réactions à une perte. La personne ne peut accepter certains aspects de la perte de l'objet et garde de ce fait des désirs irréalistes de le retrouver. Les symptômes sont dus à la persistance de la colère sous forme de nervosité, d'irritabilité, d'agressivité, qui se tranforment peu à peu en dépression. 

     Les symptômes les plus courants de deuil pathologique sont: l'absence de manifestations ou la prolongation anormale de manifestations stéréotypées, l'apparition d'une agressivité exagérée ou d'un état dépressif profond et durable, la détérioration du niveau socioéconomique par des comportements inadaptés, une plus grande consommation de tabac, d'alcool, de somnifères, voire de drogue, les altérations pondérales importantes, la dégradation de l'état de santé par la persistance des modifications endocriniennes  et de la dépression du système immunitaire, les troubles psychioatriques graves.

1e - Le rôle des médecins et des intervenants 

   Le rôle des médecins dans la prévention des complications du deuil peut être résumé dans les points suivants: 
- apprendre l'art d'annoncer les mauvaises nouvelles en sachant que les circonstances de cette annonce vont constituer des souvenirs très vivaces qui peuvent influencer l'évolution du deuil; 
- rendre la perte réelle et encourager la participation aux rites funéraires pour favoriser l'initialisation du processus du deuil; 
- favoriser l'expression des émotions par une écoute empathique et rassurer quant à leur normalité; 
- limiter la sédation au traitement des insomnies particulièrement pénibles pour ne pas inhiber le travail psychique indispensable à l'adaptation à la nouvelle situation créée par la disparition de la personne aimée;
- surveiller l'état de santé des survivants, et plus particulièrement d~ ceux qui présentent plusieurs facteurs de risque de deuil pathologique; 
- assurer la communication entre les soignants de différentes disciplines, vérifier la qualité du soutien social existant et, si besoin, en susciter l'organisation. 

     L'accompagnement du deuil peut s'avérer éprouvant sur le plan émotionnel. Il n'est pas rare de rencontrer du surmenage psychique et des états dépressifs chez les intervenants. Il demande une formation qui consiste en premier lieu à percevoir ses propres émotions pour éviter qu'elles n'interfèrent avec celles des patients. 

     Le rôle des psychiatres et des psychologues n'est pas l'intervention primaire auprès des patients. Il se situe dans les complications psychiatriques avérées du deuil, dans la formation et le soutien des intervenants. 

2 - L'accompagnement des parents 
qui perdent un enfant en période périnatale 


2.a - Les difficultés du deuil périnatal 

     Le deuil des mères. Le travail du deuil est rendu difficile par une douloureuse impression de vide comparée par certaines mères à l'amputation d'un membre, par l'absence d'un corps à pleurer si la mère n'a pas vu son enfant et par l'absence d'un prénom. Il se complique de troubles d'identité qui perturbent surtout la primipare. Pendant la grossesse en effet, la femme devient progressivement mère; elle change de statut au sein de la famille en devenant l'égale de sa propre mère et se retrouve sans enfant dans une maison  vide. Il est aggravé par le manque de compréhension et la fuite des personnes dont les mères cherchent le soutien, médecins, personnel soignant, clergé, familles, amis et par les conseils incorrects comme «vous êtes jeune, vous avez le temps d'en faire un autre pour le remplacer ». 

     Toutes ces difficultés facilitent l'apparition de dépressions prolongées et d'accès de psychose qui surviennent surtout après la naissance suivante. 

     Le deuil des pères. Les pères éprouvent des réactions d'une intensité différente, souvent plus faibles, mais dans 25 % des cas plus fortes que celles de leurs compagnes. Le père ne peut manifester ses sentiments pour des raisons culturelles et doit faire face à des situations difficiles à la fois à la maison, dans son travail et parfois dans deux hôpitaux éloignés, avant de devoir régler seulles formalités funéraires. Les sentiments de colère, de culpabilité et d'incapacité d'aider sa compagne sont les plus fréquemment rapportés. 

     Dans 1/3 des cas environ, le deuil des pères évolue vers la chronicité. Ils interdisent à leurs compagnes de reparler de l'événement et se réfugient dans les activités extérieures, l'alcoolisme et l'infidélité. 

     Les complications pour le couple. Pour certains auteurs, la principale difficulté du deuil périnatal est la mésentente qui s'installe dans le couple. Elle est due aux différences d'attachement de chacun des partenaires à l'enfant qu'ils perdent, à la différence des réactions qu'ils ressentent, à la différence de vitesse de l'évolution du deuil de chacun et au manque de communication des pensées, des émotions et des sentiments éprouvés. 

     Cette mésentente se manifeste par des difficultés sexuelles, une détérioration du niveau socio-économique du couple et se termine souvent par la séparation. 

     Les complications du deuil chez les enfants. Les complications décrites sont sévices et négligences, manifestations de culpabilité, phobies, cauchemars, énurésie, troubles de l'apprentissage, identification au mort dans l'enfant de remplacement, dépression, fugues, suicide, psychose. 

     Les réactions de deuil de l'équipe soignante. L'obstétricien ou le pédiatre qui «perd» un nouveau-né présente des réactions de deuil comparables à celles des parents. La joie de la présentation aux parents d'un enfant normal et en bonne santé est remplacée par une tragédie. La frustration qui en résulte entraîne de l'irritation, des sentiments d'échec et de culpabilité. L'agressivité souvent manifestée par la famille renforce les sentiments des médecins et les pousse à éviter tout contact avec elle. Les sages-femmes ou les infirmières ressentent de la tristesse et de la culpabilité. Elles éprouvent de la gêne et de la répugnance à entrer en relation avec les mères endeuillées et les rendent ainsi mécontentes des soins qu'elles leur donnent. 

2b - Accompagnement en cas de mort périnatale 

     Mort du foetus in utero. Lorsqu'un tel diagnostic est posé au cours d'une séance d'ultra-sons, le médecin de la future mère, généraliste ou gynécologue, ou à son défaut l'échographiste, doit annoncer la mort d'une manière non ambiguë pour l'aider à dépasser le stade de l'incrédulité et atténuer la violence du choc qu'elle ressent quand rien ne lui est dit. Ce premier entretien a lieu si possible en présence du père de l'enfant. Il doit comporter l'explication de ce que l'on sait déjà des causes de la mort et un résumé des réactions de deuil, en insistant sur la nécessité d'exprimer ses sentiments et de les partager au sein du couple. 

     L'accouchement du foetus mort in utero. La présence, aux côtés de la patiente, du père de l'enfant ou d'une personne de soutien choisie par elle, est conseillée pendant toute la durée de l'accouchement. 

     Après l'accouchement, les causes de la mort sont à nouveau expliquées aux parents. La proposition de montrer l'enfant est faite à ce moment. Cette prise de connaissance est préparée par la description verbale de son corps et des modifications apportées par la mort. Il est conseillé de donner un prénom à l'enfant mort-né et de prendre des photos.' La demande d'autopsie ne présente en général pas de difficultés si elle rejoint les questions des parents et si elle est présentée comme moyen de prévenir un accident ultérieur. Un effort doit être fait pour informer les autres membres de la famille et surtout les grands-parents, pour éviter de leur part des prises de position autoritaires qui compromettraient l'action entreprise et causeraient des regrets ultérieurs. 

     Mort néonatale. Il est établi que la plupart des parents souhaitent donner les derniers soins à leur enfant mourant. Il est donc recommandé de les faire participer aux décisions lorsque le pronostic d'un nouveau-né gravement malade ou handicapé devient fatal. En phase terminale, la priorité doit être donnée au confort du patient et au soutien du deuil de la famille. Si le décès a lieu après un transfert dans une autre institution que celle où la mère est hospitalisée et incapable de se déplacer, il est conseillé de ramener le corps pour qu'elle puisse revoir son enfant. 

La suite de l'hospitalisation. Les diverses possibilités d'hospitalisation sont discutées avec la mère afin de connaître son avis sur la proximité éventuelle de jeunes mères et de leurs nouveau-nés. La présence du père de l'enfant dans la chambre de sa compagne est conseillée pendant les premières nuits afin de favoriser le partage de leurs sentiments. L'enfant restera accessible et, si possible, visible jusqu'aux funérailles pour répondre au besoin de le revoir le plus longtemps possible souvent exprimé par la mère et la famille. Les formalités funéraires sont expliquées et facilitées dans toute la mesure du possible. La participation de la mère aux funérailles est encouragée dans la mesure où son état de santé le lui permet. 

     A l'occasion de l'un de ses entretiens avec les parents, le médecin leur conseille d'expliquer ce qui arrive aux autres enfants éventuels et de partager leurs sentiments avec eux. Il recommande d'éviter qu'une nouvelle grossesse survienne trop rapidement, avant que les réactions les plus fortes du deuil soient atténuées, en insistant sur la différence d'identité entre l'enfant qu'ils viennent de perdre et un enfant conçu ultérieurement. 

     Un rendez-vous est fixé pour la visite postnatale. A ce moment, les résultats complets des investigations pratiquées pour identifier la cause de la mort et pour éviter une éventuelle récidive seront transmis et expliqués aux parents en même temps que seront vérifiées les difficultés de l'évolution de leur deuil. 

     En résumé, la présentation de l'enfant mort aux parents, l'explication des diverses réactions et des difficultés du deuil, l'aménagement de possibilités d'expression des émotions, les conseils donnés pour l'organisation et la participation de la mère aux cérémonies funéraires, vont donner de la réalité à la perte éprouvée, conférer à cet enfant la place qui lui revient dans la famille et permettre à la jeune femme de s'afficher en tant que mère aux yeux de tous. Ces attitudes ont pour but d'initialiser le processus du deuil et de donner aux parents les matériaux nécessaires au long travail psychologique à accomplir. 

Après le retour à domicile. Les difficultés du deuil, l'isolement social de la famille endeuillée et surtout de la mère, risquent de compromettre l'action entreprise. Les médecins généralistes et les travailleurs médico-sociaux ont un rôle important à jouer dans l'accompagnement du deuil par la surveillance de l'état de santé, le dépistage et la « guidance» des réactions pathologiques, la mise en place d'un soutien social là où il est déficient, et tout simplement par l'écoute qui permet la parole et ses effets structurants. L'organisation systématique de visites à domicile par l'infirmière de l'O.N.E. qui s'est occupée de la mère avant la perte de son enfant, constitue un soutien fort apprécié. 

3 - Le deuil des autres échecs 
de la procréation humaine 


3a - Les fausse-couches 

Le terme fausse-couche est préféré à celui d'avortement spontané à cause du sens donné par le langage courant au mot avortement qui, signifie interruption volontaire de grossesse et dont l'utilisation culpabilise les patientes. 

Lorsqu'un couple a un projet d'enfant, le diagnostic de grossesse débutante et la visualisation des images échographiques entraînent la personnalisation du produit de conception. Il est donc normal que la perte de la grossesse soit suivie d'un deuil intense. 

Les différences dans le degré d'attachement à l'enfant perdu et dans le mode d'expression des sentiments peuvent entraîner une mésentente, parfois très grave, entre la femme et son compagnon. L'absence de reconnaissance sociale de la valeur de la perte, par la famille et la mère notamment, empêche l'expression du chagrin et l'évolution du deuiL 

Le deuil qui accompagne une deuxième fausse-couche ou les fausses-couches à répétition est de loin beaucoup plus intense. 

Souvent soulagé par le début d'une nouvelle grossesse, le deuil inachevé d'une fausse-couche est réactivé plus tard, lors des anniversaires, âge gestationnel ou date de la perte précédente. 

3b - Les interruptions volontaires de grossesse 

Les études des conséquences psycho-sociales des avortements provoqués montrent qu'environ 70 % des patientes sont affectées par des sentiments de culpabilité et de regrets qui semblent ne durer que quelques mois. Les complications lointaines sont des troubles psychiatriques sévères et prolongés qui atteignent 5 % des patientes. Les facteurs qui les favorisent sont l'ambivalence, la cœrcition, l'indication médicale et les antécédents psychiatriques, de même que les attitudes des professionnels de la santé pendant la procédure.

Un deuil particulièrement pénible est celui qui suit une interruption de grossesse pour malformation fœtale. Dans la seule étude dont nous disposons, près de la moitié des mères présentent encore des symptômes de deuil aigu six mois plus tard. L'étude conclut que le soutien apporté par la société à ces patientes est certainement insuffisant. 

3c - Les malformations et handicaps congénitaux 

     La moindre anomalie du nouveau-né provoque chez les parents des réactions de deuil qui peuvent être extrêmement violentes. Ces réactions sont causées par la perte de la normalité de l'enfant construit mentalement pendant la grossesse, la perte de l'impression de normalité par les parents. Elles sont aggravées par les légendes qui règnent encore à ce sujet, par l'incompréhension rencontrée et par les blessures d'amour-propre fréquemment infligées par l'entourage. Elles sont de longue durée, car la réorganisation psychique qui termine tout deuil est sans cesse remise en question par la permanence du handicap et son évolution avec la croissance de l'enfant. 

     Le deuil de l'enfant parfait qu'est l'enfant imaginaire doit être accompli pour que les parents puissent s'attacher à l'enfant réel, et donc l'aimer en tant que tel. Le deuil inachevé amène les parents à percevoir leur enfant à travers l'image de l'enfant parfait qu'ils n'ont pas pu abandonner et qui les empêche de voir ses difficultés réelles et de s'y adapter. 

     L'anomalie doit être annoncée aux parents aussitôt que possible après sa découverte et de la manière la plus complète possible. La vérité à leur dire doit faire l'objet d'une recherche constante pendant la durée des explorations pratiquées pour compléter le diagnostic. C'est la meilleure façon de les aider à s'adapter au handicap de leur enfant. La découverte ultérieure d'une anomalie imprévue entraîne toujours une grave crise de confiance à l'égard de l'équipe médicale. 

     L'annonce d'une malformation ou d'un handicap congénital doit être accompagnée de l'explication des réactions de deuil qui vont être éprouvées et de la mise à la disposition des parents de l'aide médicale, psychologique et sociale adaptée à l'anomalie découverte. Le meilleur moyen d'offrir cette aide est de les mettre en relation avec les diverses associations spécialisées de parents. La liste de ces associations devrait être constamment mise à jour et disponible dans les services de maternité et de néonatologie. 

3d - La stérilité involontaire 

    Les personnes qui consultent pour stérilité, surtout quand il s'agit de stérilité primaire, présentent les mêmes réactions, peur, colère, tristesse, culpabilité, que celles qui subissent une perte périnatale, d'une intensité aussi grande et d'une durée souvent très longue, car beaucoup ne guérissent qu'après la naissance de leur enfant. Leur deuil est complexe, car il est causé par plusieurs types de pertes: perte d'espoirs nourris depuis le plus jeune âge, perte du statut de normalité, et surtout pertes répétées de l'enfant espéré lors de chaque cycle menstruel et, finalement, perte du sens de la vie. 

L'existence de ces réactions et leur persistance après une naissance peuvent entraîner des troubles de l'attachement de la mère à son enfant, à cause de l'incrédulité dans la réussite et de la peur de le perdre, sentiments qui accompagnent normalement les réactions de deuil. 

4 - Prévention des répercussions du deuil 
des parents sur leurs enfants 


La compréhension des mécanismes psychologiques qui favorisent les répercussions du deuil des parents chez leurs enfants permet de proposer des interventions appropriées pour les éviter. 

4a - Chez les enfants déjà nés 

Il faut savoir que les enfants ressentent les émotions de leurs parents. Quand ceux-ci sont préoccupés par un deuil, irritables, tris~ tes ou déprimés, les enfants se sentent abandonnés, mal aimés, et se culpabilisent du chagrin qu'ils constatent s'ils n'en connaissent pas l'origine. Ils se sentent frustrés s'ils découvrent par hp.sard qu'une mort dans la famille leur a été cachée. 

Il est conseillé d'expliquer aux parents la nécessité de parler clairement à leurs enfants de la perte éprouvée et de partager avec eux les émotions qu'ils éprouvent. Il est utile de discuter avec eux de la manière de leur annoncer la nouvelle et de leur conseiller de rechercher l'aide des grands-parents. 

La présence des enfants aux funérailles est généralement recommandée à partir de l'âge de 5 ou 6 ans. Le meilleur critère de décision semble bien être leur désir ou leur refus d'y assister. S'ils n'y vont pas, il est utile qu'ils soient gardés par une personne qui a leur confiance et qui pourra leur décrire ce qui se passe. 

4b - Le deuil anticipé de la mort du nouveau-né 

Des réactions de deuil anticipé peuvent se produire dès qu'une maladie grave ou une menace de mort existe chez un membre de la famille. Elles peuvent être inadaptées et aboutir au désinvestissement de cette personne, c'est-à-dire à une organisation de la vie qui ne tient plus compte de son existence. Ces réactions inadaptées se produisent plus facilement si l'attachement n'est pas complètement établi, comme c'est le cas après la naissance et plus encore pendant la grossesse. 

En période néonatale. En dépit des résultats remarquables de la néonatologie moderne, il existe une fréquence trois à quatre fois plus élevée de retards staturo-pondéraux, de «maltraitance » et de désordres psycho-affectifs chez les anciens prématurés et les enfants de faible poids de naissance. Une partie de ces perturbations peut être attribuée aux troubles des relations parents-enfants qui résultent d'un deuil anticipé causé par la prématurité, la maladie et l'hospitalisation du nouveau-né. Dans ces cas, en effet, la mère est balancée entre l'espoir de survie de son enfant et la peur de sa mort. Il arrive que cette dernière l'emporte et aboutisse au retrait complet de l'investissement affectif qui s'était établi pendant la grossesse. 

     La notion importante à connaître est que l'intensité des réactions de deuil anticipé n'est pas proportionnelle à la gravité de la maladie du nouveau-né. Il importe donc de prévenir et de surveiller leur apparition. La prévention consiste à développer l'attachement de la mère à son enfant par les échanges sensoriels et les interactions en encourageant la vue, le toucher, la parole et la réalisation des soins, et à maintenir l'espoir chez les parents aussi longtemps que le pronostic n'est pas définitivement fatal et la mort imminente. La surveillance de leur apparition consiste à en observer les symptômes, espacement, brièveté des visites, et surtout à demander de leurs nouvelles, à écouter les parents. 

     Les interventions préconisées par Klaus et Kennell pour réaliser cette prévention sont résumées aux pages 169 et suivantes de leur livre Parent-infant bonding, réédité en 1982 chez Mosby: 

1. ouvrir les unités de soins intensifs de nouveau-nés aux parents; 
2. transporter la mère à proximité de son enfant quand il est hospitalisé dans une institution éloignée de son domicile; 
3. faire effectuer les soins quotidiens des prématurés par leur mère; 
4. faciliter le séjour de la famille dans l'unité de soins intensifs; 
5. hospitaliser la mère dans l'unité de soins intensifs pendant les jours qui précèdent la sortie de son enfant pour qu'elle puisse progressivement s'occuper entièrement de lui; 
6. faire la sortie aussi précocement que possible; 
7. consacrer du temps à l'écoute des parents et organiser des interviews régulières pendant l'hospitalisation; 
8. former des groupes de parents de prématurés; 
9. programmer les contacts et les interactions réciproques avec les parents en fonction des possibilités de l'enfant; 
10 laisser le prématuré bien portant à sa mère; 
11. organiser des visites à domicile après la sortie, surtout s'il s'agit de jeunes parents; 
12. rencontrer les parents après la sortie. 

     Pendant la grossesse. Le deuil anticipé de l'enfant ne se produit pas seulement quand il est séparé de sa mère par une hospitalisation néonatale. Le détachement progressif de l'enfant attendu peut se  produire chaque fois qu'une grossesse est menacée. Le rejet et la haine de l'enfant qui en résultent sont dus à la lourdeur et à la durée des traitements médicaux (hospitalisation, repos au lit, tocolyse intraveineuse, monitorage quotidien ... ) «imposés pour rien puisqu'il va quand même mourir ». Les liens affectifs qui se sont noués avec l'enfant jusqu'au jour où la menace de sa mort a été perçue par sa mère sont progressivement remplacés par les émotions qui accompagnent les étapes classiques du deuil. La violence de ces émotions de colère, chagrin, peur, culpabilité, expliquent l'intensité des sentiments négatifs éprouvés après la naissance et les difficultés de l'établissement des relations affectives normalement attendues. 

     Les conditions qui favorisent le désinvestissement anticipé de l'enfant attendu sont la brutalité de la prise de conscience du danger qui pèse sur la grossesse, l'existence de pertes périnatales antérieures, l'absence de soutien du mari et, comme on vient de le voir, la durée du traitement. 

     Comme pour les parents dont le nouveau-né est hospitalisé, il est nécessaire d'organiser une écoute et, quand cela s'impose, un soutien et une « guidance» de la mère et aussi du père chaque fois que la grossesse est menacée. 

4c - Chez les enfants à naître 

     L'enfant de remplacement. Le mécanisme le plus connu est le dessein et la conception d'un enfant de remplacement. La perception de cet enfant est alors déformée, remplacée chez les parents par la représentation mentale de l'enfant mort dont ils ont voulu faire l'économie du deuil. Lorsque le deuil est encore vivace, la substitution mentale se fait parfois sous forme d'hallucinations fort pénibles. C'est alors l'identité de la personne disparue, et non la sienne propre, qui est proposée par les parents à leur nouvel enfant, avec toutes les répercussions que cela entraîne sur le développement de sa personnalité et son comportement. 

     La prévention de l'enfant de remplacement doit commencer dès la mort ou la menace de mort d'un enfant de la famille par des conseils étayés par des explications sur le deuil et l'impossibilité de remplacer un mort. Ces conseils devraient être répétés pendant toute l'évolution du deuil et pendant la grossesse suivante pour contrebalancer la tendance des parents à court-circuiter la souffrance inévitable et les incitations à « en faire un autre pour le remplacer », trop souvent émises par l'entourage et même par des médecins. 

     La survenue trop rapide d'une grossesse doit être déconseillée après un deuil, et surtout après une mort en période périnatale. Des émotions de deuil encore trop intenses peuvent se somatiser et aboutir à un accouchement prématuré. Lors de la grossesse qui suit une mort périnatale, ce danger est le plus grand à l'approche des anniversaires de la date de la mort et de l'âge gestationnel où la perte de la grossesse précédente s'est produite. Plus tard, les souvenirs des deux grossesses risquent de se superposer sur les calendriers de deux années successives, favorisant la confusion entre les deux enfants, le mort et le vivant, surtout s'ils sont de même sexe et portent le même prénom. 

     Les symptômes du remplacement d'un enfant se manifestent dès le début de la grossesse par un malaise profond qui se traduit par l'envie et parfois la demande de l'interrompre. Ce sont l'écoute et la connaissance des antécédents familiaux qui permettent le diagnostic. L'intervention appropriée consiste à faire parler de l'enfant perdu et des circonstances qui ont entouré sa mort, de manière à provoquer l'évolution du deuil. 

L'inhibition de l'attachement. La situation la plus fréquemment rencontrée après une perte périnatale ou la mort d'un enfant est l'inhibition de l'attachement de la mère au nouvel enfant pendant la grossesse et après la naissance. La peur de perdre tout nouvel objet d'attachement est en effet caractéristique de la phase de réorganisation, et donc de guérison du deuil. Le refus de penser au nouvel enfant durant la grossesse donne à la mère l'impression que ce dernier est un étranger. L'absence d'éclosion de sentiments d'amour qui en est la conséquence est ressentie comme affreusement anormale. Le choc qui en résulte augmente les difficultés de réponse de cette mère aux besoins de son enfant. Les femmes qui on triomphé de cette épreuve disent qu'à un moment donné, elles ont décidé d'adopter leur enfant et qu'il a fallu un an d'efforts pour réussir. 

     L'inhibition de l'attachement de la mère à son enfant pendant la grossesse ou après l'accouchement n'est pas facile à identifier et à éviter. Pendant la grossesse, l'expression la plus fréquente en est l'angoisse qui, sous ses différentes manifestations, revèle la peur d'une nouvelle perte. La consultation prénatale tardive, le port de vêtements inadaptés, le manque de préparation des affaires du bébé, peuvent en être des symptômes lorsque rien n'est exprimé. Après l'accouchement, des signes précoces et intenses de dépression peuvent en être la seule manifestation. 

     La gravité de la situation nécessite une intervention appropriée.  Les paroles rassurantes ne servent à rien. La seule attitude susceptible de lever l'inhibition est de faire prendre conscience à la mère de sa peur et de son origine, et d'envisager avec elle la possibilité toujours réelle d'une nouvelle perte. La perception de l'aggravation de sa souffrance par le manque d'amour envers l'enfant qu'elle attend, s'il vient à mourir, lui fait comprendre la nécessité de s'y attacher. 

     Ce type d'intervention se révèle souvent efficace_ Il demande de la bienveillance et de la préparation pour supporter les manifestations de révolte, puis les pleurs qu'elle ne manque pas d'entraîner. Les marques de tristesse sont indispensables, car elles témoignent de l'acceptation de la réalité nécessaire à la reprise de la construction mentale de l'enfant attendu et des projets qu'il suscite. 

     La concurrence entre le deuil et l'attachement. Il arrive que le deuil inachevé d'une perte périnatale antérieure se réactive ou qu'un autre deuil vienne frapper une femme au cours de sa grossesse ou peu de temps après l'accouchement. Cette situation est dangereuse, car elle peut être suivie de troubles psychiatriques chez l'enfant. La littérature montre en effet des taux plus élevés de psychose chez les enfants nés après la mort d'un frère ou d'une sœur, après la mort de leur père, un ou deux ans avant ou après la mort d'un aïeuL 

     Dans ces circonstances, les préoccupations causées par le travail du deuil empêche l'anticipation de l'enfant attendu et favorise la naissance d'un enfant perçu comme « étranger ». Après l'accouchement, la nouvelle accouchée en proie à un deuil est confrontée à deux tâches psychologiques majeures qu'elle ne peut mener en même temps: faire le deuil de l'enfant ou du proche qu'elle a perdu et répondre aux sollicitations de son enfant nouveau-né. Les interactions précoces mère-enfant sont alors perturbées. 

     Lorsque son attention est attirée sur la difficulté qu'elle vit, la mère prend conscience de la double tâche qu'elle doit mener de concert. Elle se met alors à rechercher de l'aide, aussi bien pour s'occuper de son nouveau-né que pour faciliter le deuil qu'elle doit faire. Le concours du père de l'enfant se révèle précieux quand il est informé de ce qui se passe chez sa compagne. L'aide apportée et la verbalisation des sentiments éprouvés rendent alors possible les interactions précoces avec le nouveau-né et le processus de l'attachement mutuel. 

     L'exemple le plus démonstratif de ce qui vient d'être décrit est la perte de l'un des deux jumeaux. Au cours de la grossesse, la constatation de la disparition de l'un des embryons lors d'une séance d'échographie est connue sous le nom de syndrome du jumeau évanescent. Dans ce cas, comme après la mort de l'un des jumeaux à la naissance, le deuil inhibe le processus de l'attachement anténatal ou les interactions précoces avec le survivant. 

     La transmission inconsciente du deuil, d'une génération à l'autre. Des crises inexpliquées d'angoisse ou de délire surviennent chez les femmes enceintes ou chez des mères à l'occasion de la grossesse de leur fille. Certains de ces accès trouvent leur origine dans la naissance d'un ou de plusieurs enfants mort-nés à la génération précédente et dont personne ne parle. La grossesse réactive les émotions du deuil, et plus particulièrement l'angoisse. 

En présence de telles perturbations associées à une grossesse, il faut revoir l'anamnèse familiale et rechercher les pertes périnatales «cachées ». Des entretiens avec la mère et la fille permettent alors, à l'une de se souvenir des enfants qu'elle a perdus, et à l'autre de comprendre l'origine de son angoisse ou tout au moins d'être soulagée de savoir qu'il existe une explication à son délire. Lors de la grossesse de sa fille, la mère qui a eu une ou plusieurs pertes périnatales avant de la mettre au monde, sent à nouveau monter en elle l'angoisse provoquée par la peur d'une nouvelle perte. La fille ressent cette angoisse qu'elle connaît bien pour l'avoir éprouvée dans sa petite enfance, mais dont elle ignore l'origine. La perception inconsciente et répétée de l'angoisse de sa mère provoque chez la femme enceinte de l'énervement, de l'irritabilité, de l'angoisse, de la panique qui peuvent se transformer en idée délirante lorsque le seuil de tolérance est dépassé. 

L'intervention consiste à parler avec la mère et la fille enceinte des pertes périnatales dont le deuil n'a pas été achevé et des émotions qui y sont associées. L'explication du mécanisme des troubles dont se plaint la future mère est suivie d'une rapide amélioration et de témoignages de gratitude après la naissance. 

5 -Conclusion 


Les quelques répercussions du deuil périnatal qui viennent d'être abordées montrent que le clinicien est en présence de trois niveaux de réalités dont il devrait tenir compte dans sa pratique: les données physiques de la maladie, les réactions subjectives du patient et les modifications du comportement qui en résultent. Lors d'une perte périnatale, il n'y a pas de malade. C'est la famille qui devient le patient et qui doit retenir l'attention du médecin. L'aide qu'il peut apporter nécessite une connaissance de la clinique du deuil pour aider les patients à identifier les difficultés qu'ils vivent, et une formation à l'écoute pour leur permettre de les structurer par la parole. 

Remerciements 

Les données nécessaires à la rédaction de ce cours ont pu être recueillies grâce à un subside de l'Office de la Naissance et de l'Enfance de la Communauté française de Belgique (O.N.E.) accordé à la recherche sur le deuil périnatal. 



07/02/2013
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