ENFANTER LE LIEN - MERE - ENFANT - PERE- jeannette Bessonart

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291 - quelle naissance pour 2000


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L'Organisation mondiale de la santé : 

Quelle naissance pour l'an 2 000 ? 

Dr MARS DEN WAGNER 1 

Responsable de la section Maternité, 
Santé des Femmes et Pédiatrie, au sein 
de l'Organisation mondiale de la santé 

ACTE! 

L'INVASION TECHNOLOGIQUE 

      Le drame obstétrical, de nos jours, se présente en deux actes. 

     Le premier acte a plus de 100 ans. C'est l'histoire de la médicalisation de la naissance. L'accouchement n'est pas une maladie ni un processus pathologique, ni même un problème de santé. La naissance est un phénomène biologique et social, de par sa nature, un processus féminin et sexuel. Pour s'approprier la naissance, la médecine l'a médicalisée, l'a rendue pathologique, l'a placée dans un hôpital sous notre contrôle, à nous médecins (mâles). Elle contrôle le travail des sages-femmes et renie également les caractéristiques féminines et sexuelles de la naissance ... 

     Cette médicalisation de l'accouchement présente différents aspects principaux. Tout d'abord, le mécanisme de l'accouchement: la femme est perçue et traitée en tant que machine reproductrice, à laquelle d'autres machines peuvent être rattachées. Actuellement, la prolifération incontrôlée de l'invasion technologique a atteint son sommet. Exemple: en Angleterre, pays de Galles et Ecosse, on utilise les forceps dans 13,3 % des cas, alors que dans huit pays du continent européen, le plus fort pourcentage est de 3,2 %. Pour les autres pays, il tourne autour de 1 %. En Angleterre et au pays de Galles, un accouchement sur cinq (20,6 %) entraîne une intervention chirurgicale (forceps, ventouse ou césarienne). Là aussi, le taux est plus  important que dans les huit autres pays européens, sauf en Ecosse où il est de 23,7 %! 

     La dernière technologie envahissante dont je voudrais parler est l'épisiotomie. Entre 30 et 90 % de toutes les accouchées d'Europe de l'Ouest et d'Amérique du Nord ont leur «ouverture vaginale» (périnée) coupée avec des ciseaux durant l'accouchement, malgré les études soigneusement établies de la littérature médicale qui concluent que le plus fort pourcentage raisonnable ne doit pas être supérieur à 20 %. Dans certains hôpitaux que nous avons visités dans le Kazakhstan, une république soviétique, le taux d'épisiotomie est de moins d'un pour cent, avec moins de 5 % de déchirures naturelles. Or les travaux de recherches ont démontré qu'une coupure à l'aide de ciseaux produit plus de douleurs et entraîne plus de problèmes sexuels qu'une déchirure naturelle. 

     Il y a des organisations dans toute l'Europe qui font campagne contre la mutilation des organes génitaux dans certains pays africains où l'excision est pratiquée.« Charité bien ordonnée commence par soi-même », donc chez soi. Pourquoi ne pas entreprendre une action contre une opération chirurgicale inutile, touchant les organes génitaux féminins, largement répandue dans nos pays au cours de l'accouchement? 

     Autre caractéristique de la mécanisation de la naissance: l'ignorance des aspects sociaux et psychologiques; ne voir en la femme qu'un utérus et un canal propres à la naissance. 

     L'OMS a étudié les procédures médicales de routine durant la grossesse et l'accouchement. Cette étude montre que beaucoup de procédures n'ont jamais fait l'objet d'évaluations scientifiques, alors qu'elles ont des effets psychologiquement et socialement indésirables. Dans 23 pays européens étudiés par l'OMS, les femmes ont trop rarement le choix quant aux routines ou procédures de l'accouchement. Qu'on en juge: 
- Rasage du sexe: possibilité de choix dans 5 pays sur 23 ; 
- Personnes présentes pendant le travail et l'accouchement: choix dans 10 pays sur 23 ; 
- Monitoring électronique ( de routine) : choix dans 5 pays sur 23 ; 
- Accouchement normal, anesthésie: choix dans 10 pays sur 23 ; _ Episiotomie: choix dans 1 pays sur 23 ; 
-position de l'accouchement: choix dans 3 pays sur 23. 

      Parlant de la position de l'accouchement, une sage-femme du Niger me suggérait qu'avant d'émettre une opinion sur la position de l'accouchement, tout obstétricien mâle devrait être soumis à une «diète de constipation» pendant 3 jours, puis être placé sur le dos, les jambes dans les étriers, pour lui commander d'aller à la selle! 

Le manque de choix se prolonge au niveau de la préparation de l'accouchement. Les femmes ont très longtemps, dans la plupart des préparations, été entraînées à deux choses: 

- ne pas écouter leur propre corps, pour y répondre en conséquence, mais avoir plutôt une série de réponses (respiration, etc.) conditionnées, appliquées aveuglément; 

- se soumettre aux demandes de l'équipe médicale pendant toute la période de l'accouchement. 

Suppression du rôle des sages-femmes 

     Un autre aspect principal de la médicalisation de la naissance est la suppression du rôle de la sage-femme. 

Le concept de risque 

     La sécurité est un principe central de la naissance médicalisée, l'autre face étant le concept «dangereux» ou «risque ». Le risque est la « matraque» utilisée pour effrayer non seulement les femmes, mais aussi les politiciens et le monde de la santé. Insécurité ou risque est un concept, non un fait, ni même une réalité, puisque 90 % des naissances, si elles sont correctement menées, sont normales. 

     Les soins apportés à la femme enceinte sont influencés selon le choix de l'un ou de l'autre de ces concepts. Si le concept pathologique est utilisé, les soins consistent alors dans une poursuite inexorable de la pathologie, et il en résulte deux conséquences: 
-les médecins, implacables, seront amenés tôt ou tard à déceler ce qu'ils définiront comme «risque ou insécurité »? La dissimulation devient un moyen de recrutement dans le système médical, et le pourcentage des femmes enceintes étiquetées «hauts risques» devient de plus en plus important. 

     D'égale importance est le dépistage systématique qui peut, dans certains cas, créer ou augmenter le potentiel de complications, auquel cas les insécurités ou« risques» deviennent alors un concept d'autosatisfaction. 

     Le concept d'insécurité a également été promu par la manipulation des statistiques. Un des thèmes en vogue est de considérer en bloc tous les accouchements à domicile, planifiés ou non. Sachant qu'un grand nombre de naissances, non planifiées, hors de l'hôpital, sont précipitées ou prématurées, le taux de complication est élevé, et toute appréciation d'une naissance normale et prévue à domicile est submergée par la pathologie du « non programmé », qui apparaît comme non sécurisant. Je suis franchement amusé par les efforts désespérés des professionnels de l'obstétrique qui expliquent toujours que le pays d'Europe de l'Ouest qui effectue 1/3 des naissances à domicile, a aussi l'un des meilleurs rapports en ce qui concerne la sécurité de la mère et de l'enfant. La vérité est qu'il n'a jamais été démontré que pour une femme enceinte normale, l'accouchement à l'hôpital est plus sûr que l'accouchement à domicile. Voici pour la sécurité! 

     Le premier acte de notre drame pourrait alors se résumer en disant: «le médecin (mâle) a écrit le drame obstétrical de manière à en être lui-même la star plutôt que d'attribuer ce rôle à la femme ... » 

ACTE Il 

LE RESPECT DES TRADITIONS POSITIVES 

     Mais passons aux bonne nouvelles. Le second acte du drame. 

     Tout d'abord, je peux témoigner qu'il y a des endroits du globe où la médicalisation de la naissance a été contrebalancée par de fortes traditions en place. J'ai déjà mentionné le Kazakhstan où la technologie de la naissance a été réduite au minimum. Il y a deux ans, alors que j'était en Chine, j'ai observé une césarienne utilisant une seule aiguille d'acupuncture dans un des deux lobes de l'oreille, alors que la femme était pleinement éveillée, discutant avec l'équipe médicale. Cette année, nous avons visité «la Ferme », dans le Tennessee (USA), où des sages-femmes «sauvages» combinent les méthodes traditionnelles avec les bases des techniques modernes, de manière à éliminer presque toute la médicalisation. 

Les lemmes prennent en charge leur santé 

     La deuxième partie des bonnes nouvelles est que là où la tradition a cédé le pas à la médicalisation, des réactions apparaissent. Les femmes ont déjà commencé à prendre le speculum dans leurs propres mains pendant leurs grossesses; ces mêmes femmes commencent à maîtriser leurs propres corps, se mettent à l'écoute d'ellesmêmes, choisissent leurs propres positions et décident également des personnes présentes pendant ce moment si important. 

     L'OMS a lancé une étude concernant les pratiques alternatives, et cette équipe a découvert qu'il existe dans chaque pays des enseignements parallèles assurant aux femmes une approche différente de la naissance. 

     L'accouchement à domicile 

     Ces alternatives de l'accouchement peuvent prendre différentes formes. La plus fondamentale est l'accouchement à domicile. Durant mes voyages, j'ai remarqué que lorsque je mentionnais l'accouchement à domicile à une audience médicale, chacun réagissait de manière émotionnelle, le plus souvent avec colère. Pourquoi? Parce que le médecin, pour être en position de force, doit être dans sa propre échope. 

     Certains ont essayé de rendre la naissance à l'hôpital plus proche de l'accouchement à domicile, en suspendant des rideaux aux fenêtres, en installant un téléviseur. Cela me rappelle l'enseigne d'une boulangerie disant: «vendons du pain fait maison » ... Ce genre de considérations bien intentionnées masque la différence essentielle entre l'hôpital et le domicile. La maison est le nid qui entoure la femme, assure un environnement physique, émotionnel et social familiers, apporte une sensation de sécurité et de détente qui facilite une naissance aisée et qui ne peut, en aucun cas, être reproduite en dehors de cette maison. Ainsi, progressivement, les femmes demandent des accouchements à domicile ou des accouchements non médicalisés à l'hôpital. 

     A l'hôpital comme à la maison, avec des sages-femmes autonomes et responsables 

     Il est de toute évidence essentiel que la femme puisse également opter pour un accouchement à l'hôpital; ainsi pouvons-nous voir apparaître de plus en plus d'alternatives significatives dans le cadre de l'hôpital. Le rôle des sages-femmes est primordial dans ce genre d'actions; elles ont souvent apporté d'importantes informations en ce qui concerne les injustices du système obstétrical. Cependant, elles ont été, trop souvent, des collecteurs d'injustices sans pour autant prendre position de façon concrète. 

     Finalement, les bonnes nouvelles s'étendent à un niveau international. Je conclurai par cette remarque tirée d'une publication de l'OMS: «l'hyper-technologie est-elle toujours appropriée? La plupart des enfants pourraient naître à domicile en complète sécurité, mais si ceux-ci doivent naître à l'hôpital, les femmes devraient être plus considérées et plus écoutées dans l'utilisation des moyens sophistiqués des unités de maternité ». 

     Ainsi, le deuxième acte du drame a commencé; il pourrait être résumé de la manière suivante: « la femme est en train de réécrire le scénario obstétrical, de sorte que la naissance ne soit plus un drame obstétrical, mais un drame humain ». 

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question : Où en est-on en 2009 de la prise en charge par les femmes de leur histoire de naissance ? -t-on vraimeent fait des progrès ? j'en doute  !!!!!


07/02/2013
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