ENFANTER LE LIEN - MERE - ENFANT - PERE- jeannette Bessonart

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240 - en Chine


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Le lien mère/enfant/père dans la naissance en Chine 
Dr CHEN OUING Ru 
sage-femme, ostétricienne 

Introduction 

     En Chine, il naît entre 8 à 15 millions d'enfants par an, soit 22 à 41 000 enfants par jour (en France, il naît 750 000 enfants/an). Mais chaque naissance reste unique dans ce pays où la naissance n'est pas chose anodine et dépourvue de sens. Aux significations traditionnelles de la venue d'un enfant au monde, s'ajoute une intense attente due à la politique de l'enfant unique. 

     Mais le passage des comportements traditionnels aux besoins de la modernité, suppose un changement de mentalité; il semble relativement aisé dans les villes, mais pas toujours dans les régions reculées, dans lesquelles on associe abondance d'enfants à abondance tout court. 

     Le contrôle des naissances avait déjà été proposé par l'ancien Premier Ministre Zhou En Laï et, quelques années plus tard, par le célèbre démographe Ma Yin Zhou. Tous deux préconisaient la limitation des naissances à deux enfants par famille. Ils n'ont malheureusement pas été écoutés, et c'est pourquoi 35 ans plus tard, nous avons doublé notre population et sommes obligés d'appliquer un contrôle des naissances très rigoureux. 

     Aujourd'hui, dès qu'un couple désire un enfant, il doit d'abord demander l'avis de l'unité de travail de la femme, qui donnera son accord suivant le « quota de naissances» autorisées dans le quartier ou le district d'habitation du couple. D'autres organismes sociaux et sanitaires prendront en charge le suivi de la grossesse, tâchant d'assurer au futur bébé le meilleur accueil possible. Le comité vicinal, qui travaille en étroite collaboration avec le planning familial, indiquera aux futurs parents l'hôpital dans lequel est prévu l'accouchement. C'est lui qui consignera la naissance dans le livret de familial délivré lors du mariage. 

     Dans l'hôpital où je travaille, dans le quartier de Haïdian, nous avons chaque jour entre 3 et 5 naissances. Avant l'accouchement, 3 visites médicales sont prévues, ainsi que des cours de préparation auxquels participent une centaine de femmes souvent accompagnées de leurs maris. 

     Actuellement, les citadines accouchent à la maternité. A la campagne, il en est de même lorsqu'il se trouve une clinique ou un dispensaire à proximité. Cette situation est relativement récente, car il y a 20 ans, les femmes accouchaient au foyer. Ceci a permis d'améliorer les conditions d'accouchement et de diminuer les risques postnatals; mais la médicalisation de l'accouchement a fait pencher les médecins vers des techniques modernes, au détriment du savoir-faire et de la médecine traditionnels. Jadis, par exemple, la plupart des actes médicaux se faisaient sous acupuncture, comme pour les césariennes. Aujourd'hui, on a abandonné l'acupuncture pour les césariennes à cause de la lenteur de l'effet anesthésiant; cependant, on l'utilise encore pour accélérer les contractions. 

     Lorsque l'enfant naît, il est présenté à sa mère puis il est séparé d'elle pendant une dizaine d'heures. Nous veillons surtout à l'hygiène et à ce que la mère récupère ses forces. Puis l'enfant est mis au sein si la mère le désire. Mère et enfant se verront six fois par jour. Une salle d'allaitement est prévue dans notre hôpital. 

     Nous enregistrons dans tout le pays des pics de naissances suivant les mois de l'année, conséquence directe des dates de mariage qui ont lieu, soit pendant la tète du printemps en février, la tète de la Lune en septembre ou le jour de la tète nationale, le premier octobre. 

     A la campagne, le planning familial est plus souple, car les gens attachent beaucoup d'importance à la présence d'un enfant mâle pour le travail aux champs. Si le premier est une fille, une deuxième naissance est autorisée. 

     Mais dans certaines régions, malgré les avantages que comporte le fait de n'avoir qu'un enfant, les familles sont si attachées aux vertus traditionnelles de la fécondité, que les journaux ne cessent de parler de ce sujet brûlant en Chine: la surpopulation. Il y aurait un million de naissances non enregistrées. 

     L'année 88 est l'année du Dragon, et l'on dit qu'un petit dragon est appelé à occuper un rang élevé dans la société; il aura tout au moins de la chance dans sa vie et amènera le bonheur dans sa famille. C'est pourquoi, cette année, nombreux sont les couples à avoir programmé la naissance de leur enfant pour 1988. 

L'accouchement en Chine: selon les régions 

     Comme tout le monde le sait, la Chine est un pays vaste et peuplé. Elle possède une longue histoire et différentes nations. Chaque région est différente et possède son propre niveau économique et sa propre culture. Il en est de même pour 1'accouchement. Dans les régions dév~loppées économiquement, la femme enceinte est 1'objet de toutes les attentions. Les femmes qui travaillent bénéficient de soins médicaux gratuits et bénéficient de la protection sociale. Elles ont droit à de nombreuses consultations prénatales fréquentes et systématiques. Elles ont aussi des cours de préparation à 1'accouchement. Lorsque la grossesse se présente mal, évidemment, les soins sont plus intensifs, et la mère est régulièrement suivie. 

La politique de l'enfant unique

     Maintenant, en Chine, nous appliquons la politique de 1'enfant unique. Les femmes qui viennent en consultation n'ont donc pas encore d'enfants. Nous insistons sur le fait qu'elles soient bien nourries, qu'elles soient reposées et qu'elles dorment beaucoup. Si il y a des vieilles personnes dans sa famille, la femme enceinte est encore mieux soignée. Elle attend son enfant sans faire de ménage. Sa mère et sa belle-mère préparent les vêtements pour le bébé. Les femmes restent tranquilles et de bonne humeur. On leur conseille de lire (même des livres étrangers), de regarder des fleurs et de belles images, d'écouter de la musique pour donner au fœtus une ambiance prénatale qui favorise son épanouissement; 1'enfant n'en sera que plus joli et plus intelligent. Les femmes qui suivent ce genre de conseils sont plutôt des intellectuelles. 

     Mais à la campagne ou dans les hauts pâturages, on manque de médecins et de sages-femmes. De plus, les jeunes, par superstition, par timidité et parce que ce n'est pas la coutume, ne consultent pas le médecin ou sage-femme. Bien souvent, elles ne consultent qu'au dernier moment, lorsqu'elles ont un problème d'accouchement. Lorsque je travaillais au Qinghai, dans la région des pâturages, c'était souvent le cas. Je me suis rendue une fois au secours d'une femme qui souffrait depuis trois jours d'un accouchement difficile! C'était une grossesse gémellaire. J'ai aidé la femme, qui s'est couchée sur le sol, dans sa tente, après beaucoup d'efforts. Heureusement, la mère et l'un des fils se sont sortis d'affaire, mais le deuxième enfant était mort asphyxié. Cette femme n'avait en fait jamais consulté un médecin ni une sage-femme. Ce n'est pas dans 1'habitude des Tibétains de faire des consultations médicales pour la femme enceinte. De plus, dans les pâturages, les habitants sont très dispersés, les moyens de transports sont rares ou absents. Pour sauver cette jeune femme, j'ai suivi le jeune Tibétain qui était venu me chercher; nous avons dépassé des cols et des montagnes et, au bout  de 6 heures à cheval, nous sommes arrivés auprès de cette femme. A cause des mauvaises conditions d'hygiène et du manque de moyens de transport, le taux de mortalité des femmes en couches et des bébés est très élevé. Par manque de connaissances sur ce qui se passe à l'étranger, je ne peux pas faire de comparaison entre les accouchements en Chine et ceux dans les autres pays. 

     Voici maintenant ce qui se passe en Chine en matière d'accouchement. Les méthodes d'accouchements varient selon chaque région et chaque nation. Depuis mon expérience, il y a plusieurs façons d'accoucher. 

1. En ville et dans les campagnes développées, la surveillance de la grossesse est bien faite et il y a de bonnes conditions médicales; généralement, les femmes accouchent à l'hôpital général ou à l'hôpital de district, là où l'on dispose d'un matériel moderne. Dans mon pays, nous appelons cette méthode où la sage-femme aide la future mère: «le nouvel accouchement ». J'imagine que cette méthode est celle pratiquée dans les pays étrangers. Bien entendu, nous utilisons cette méthode dans toutes les villes et dans certaines campagnes développées. Grâce à ses avantages hygiéniques et au taux très bas de mortalité, cette méthode a très bonne réputation. 

2. Dans certaines régions, en dépit du développement économique et culturel, la tradition est encore très forte. On prépare une «maison de travail» (d'accouchement) dans la famille et, au moment de l'accouchement, on appelle la sage-femme. En général, les sages-femmes sont des femmes âgées qui n'ont jamais reçu d'éducation, ni en médecine, ni en formation d'aide à l'accouchement. Elles aident les femmes selon leur expérience. Elles n'ont pas les capacités pour faire les accouchements difficiles. La stérilisation n'existe pas. Elles coupent le cordon ombilical avec des débris de bol en porcelaine et elles ligaturent le cordon avec des fils non stérilisés. Pour éponger le sang, elles utilisent des chiffons et de la poudre d'encens. Cela cause très fréquemment d'épouvantables infections qui entraînent la mort de la mère et du nouveau-né. Auparavant, en Chine, l'accouchement était très craint. On disait de la femme qui accouchait qu'elle avait un pied dans le cercueil. On peut imaginer, grâce à ce proverbe, la tournure dramatique que pouvait prendre un accouchement. On appelle maintenant ce genre d'accouchement « accouchement d'autrefois » . 

• Cela existe dans des régions isolées où l'on manque de médecins et de sages-femmes, mais aussi dans les villes. En effet, dans certaines familles, les femmes pensent qu'il est plus pratique et plus confortable d'accoucher à la maison qu'à l'hôpital. Depuis ces 30 dernières années, le gouvernement chinois fait appliquer la méthode du «nouvel accouchement ». D'autre part, il fait donner à ces sages-femmes (non cultivées) une formation médicale gratuite, une aide économique, un équipement médical, des médicaments et du matériel pour la stérilisation des instruments. 

     Ces sages-femmes peuvent percevoir un prix de consultation des femmes chez qui elles vont. Ce prix est fixé par l'Etat; dans de nombreuses régions, le Gouvernement leur attribue une pension qui leur permet d'avoir un niveau de vie moyen, basé sur le niveau de vie de la région. Actuellement, bien que les accouchements à la maison existent encore, que ce soit en ville, à la campagne ou dans les pâturages, les sages-femmes qui aident à l'accouchement ont, dans la mesure du possible, reçu une formation et ont adopté la méthode du « nouvel accouchement ». 

     Les «diablesses ou sorcières» qui profitaient des accouchements pour faire de la superstition n'ont pas le droit de recevoir de formation, ni de percevoir un salaire. Le Gouvernement leur retire le droit d'exercer comme sages-femmes. Moi-même, j'ai dû former des sages-femmes, en leur faisant adopter les règles d'hygiène élémentaires. C'est un excellent moyen pour augmenter le nombre de sages-femmes dans le pays. Actuellement, nous n'avons pas suffisamment de sages-femmes et nous manquons aussi de médecins à l'hôpital. Il y a un grand déséquilibre dans la distribution des sages-femmes dans le pays.  


07/02/2013
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