ENFANTER LE LIEN - MERE - ENFANT - PERE- jeannette Bessonart

ENFANTER LE LIEN - MERE - ENFANT - PERE- jeannette Bessonart

302 - charte des droits de la parturiente

Textes adoptés par le parlement européen 

Vendredi 8 juillet 1988 

RÉSOLUTION 

sur une charte des droits de la parturiente 

Droits de la parturiente (doc. A2-38/88) 

Le Parlement européen, 

A. conscient des efforts que déploie la Commission des Communautés européennes en vue de contribuer à ce que la vie de la femme se déroule dans les meilleures conditions possibles; 

B. considérant que la méthode d'accouchement et la préparation à l'événement font, dans beaucoup d'États membres, l'objet de débats; 

C. considérant que la maternité doit être l'aboutissement d'un libre choix; 

D. considérant que la diminution de la mortalité périnatale qui touche tous les enfants et les parturientes en Europe s'explique en grande partie, et entre autres raisons, par l'assistance pré- et postnatale, par le type de traitement appliqué lors de l'accouchement et par les soins dispensés aux nouveau-nés, grâce aux progrès de la médecine, à la spécialisation croissante des médecins et à la formation appropriée des accoucheuses; 

E. faisant toutefois part des vives inquiétudes que lui cause la mortalité élevée - qui, dans certains États membres, est encore en hausse - due au syndrome de mort subite des nourrissons, les bébés de 2 à 6 mois surtout, ce, pour ces raisons essentielles que, d'une part, le corps médical sait, aujourd'hui encore, peu de chose au sujet des causes de cette affection et que, d'autre part, la plupart des parents en ignorent tout, quand bien même il s'agit en l'espèce de la cause principale de mortalité postnatale; 

F. estimant que les facteurs psychologiques jouent un rôle important lors de l'accouchement, dans la mesure où ils créent un climat de tension particulière selon le pays et selon la situation professionnelle, sociale et économique de la femme et de sa famille; 

G. considérant que les facteurs culturels jouent un rôle important lors de  l'accouchement et sont le reflet de la manière dont la société accueille le nouveau-né comme l'un de ses nouveaux membres; 

H. exigeant que soit dispensé le traitement approprié à la femme pendant sa grossesse et lors de son accouchement en fonction de ses besoins et de ses caractéristiques personnelles; 

1. considérant que, même si la société a déployé des efforts considérables pour démystifier l'inquiétude au moment de l'accouchement, il semble persister un certain état psychologique de crainte ancestrale, qui s'explique par la persistance parallèle de risques pendant la grossesse et au moment de l'accouchement; 

J. considérant en outre qu'il est dans l'intérêt, aussi bien de la femme que de la société en général, de résoudre les problèmes relatifs à la grossesse et à l'accouchement et de fournir à la femme une information complète et appropriée, qui lui permette de prendre ses propres décisions dans toutes les situations auxquelles elle est confrontée; 

K. considérant qu'aucune intervention chirurgicale (césarienne) ne doit être pratiquée lors des accouchements en milieu hospitalier, sauf en cas d'absolue nécessité; 
                                                  -------------------

1. estime que l'accouchement ne peut se dérouler dans un climat de sérénité que lorsque la femme bénéficie d'une assistance appropriée de la part d'un personnel spécialisé, qu'elle choisisse d'accoucher en milieu hospitalier ou à domicile et lorsque les futurs pères et mères disposent d'une information appropriée et que chacun peut accéder gratuitement à une assistance prénatale, sur les plans préventif, médical, psychologique et social; 

2. souhaite qu'une information appropriée et complète soit largement diffusée dans les centres de consultation médicale et centres hospitaliers sur l'assistance sociale dont peuvent bénéficier les futures mères en détresse; 

3. demande à la Commission de prendre de nouvelles initiatives en vue d'arrêter une directive qui alignerait, autant que faire se peut, les dispositions législatives nationales relatives aux facilités prévues pendant la grossesse, au moment de l'accouchement et pour les parents sur les réglementations et les dispositions de l'État membre le plus avancé en la matière; 

4. estime indispensable que les États membres procèdent en outre à une profonde révision et à un aménagement de l'ensemble de la législation relative à la femme pendant sa grossesse et lors de son accouchement, aussi bien en ce qui concerne les services sociaux que l'équipement des centres médicaux et les soins dispensés aux nouveau-nés; 

5. estime insuffisante l'initiative de la Commission d'élaborer un code de conduite en matière de protection sociale de la maternité et demande qu'une directive soit consacrée à ce sujet; 

6. déplore le nombre sans cesse croissant de césariennes pratiquées dans la Communauté; 

7. déplore que le taux d'allaitement au sein soit si peu élevé dans certains États membres de la Communauté; 

8. souligne la nécessité de mettre en place des centres de santé pour les femmes (sur le modèle des « Well Women Centress» p.e.) afin que ces dernières puissent avoir accès aux consultations et à une bonne médecine préventive; 

9. demande en outre à la Commission d'élaborer une proposition relative à une charte des droits de la parturiente, applicable dans tous les pays de la CEE, qui permette à toute femme enceinte d'obtenir une fiche médicale et de pouvoir ainsi choisir le pays, le lieu géographique et le centre où elle veut être traitée. Cette fiche, reprenant les droits de la parturiente, devra en outre assurer à la femme les prestations, services et droits suivants: 
- une fiche obstétricale reprenant les données relatives à la grossesse et mise à la disposition de la femme et des personnes qui l'assisteront pendant et après la grossesse; 
- un diagnostic prénatal comprenant un test de floculation, une échographie et une amniocentèse gratuite et pratiquée sur une base volontaire, en accord avec la femme et conformément aux conseils du médecin; 
- la participation, avec le partenaire, à des cours de préparation à l'accouchement, afin de connaître le déroulement de la grossesse et de l'accouchement sur le plan physique, ainsi que les techniques et les méthodes en usage;
- l'information, avant l'accouchement, au sujet des risques et des symptômes existants ainsi que des précautions et des médicaments à prendre notamment ceux auxquels les services de santé assurent la gratuité -, ce, en ce qui concerne les causes les plus importantes de mortalité postnatale, en général, et la mortalité due au syndrome de mort subite des nourrissons, en particulier; 
- le libre choix de l'hôpital et des modalités (position) de l'accouchement et de la façon d'allaiter et d'élever l'enfant; 
- l'assistance appropriée lorsque la femme opte pour l'accouchement à domicile en tenant compte de l'état psychique et physique de la parturiente et de l'enfant à naître ainsi que de l'environnement; 
- l'accouchement naturel, sans que l'accouchement soit accéléré ou retardé, si ce n'est pour des raisons absolument impérieuses et justifiées par l'état de la parturiente et de l'enfant à naître; 
- le recours à la césarienne en cas d'absolue nécessité; 
- la présence, si la parturiente le souhaite, d'une personne choisie parmi le couple, les parents ou les amis, avant, pendant et après l'accouchement; 
- le droit pour la parturiente de décider conjointement avec le médecin, après avoir reçu une information détaillée à ce sujet, des thérapies et des traitements; 
-  la possibilité pour la mère d'avoir son enfant à ses côtés pendant la période d'allaitement et de le nourrir selon ses propres exigences, plutôt qu'en fonction des horaires des hôpitaux; 
- le libre choix pour la parturiente de permettre d'utiliser son lait maternel pour d'autres nouveau-nés; 
_ la possibilité pour les membres de la famille de rendre visite à la mère et au nouveau-né, sans compromettre pour autant les soins à dispenser au nouveau-né; 
-le droit à une période de congé suffisante pendant l'allaitement pour la femme qui travaille et la mise en place généralisée d'un horaire flexible; 
- l'installation de salles de pédiatrie dûment équipées et disposant d'un personnel compétent pour les prématurés, dans les maternités ellesmêmes; 
- un livret médical qui permette à la femme enceinte de bénéficier de soins dans tous pays de la Communauté; 
- certaines facilités, comme des interprètes pour les femmes enceintes allochtones, afin que ces dernières puissent bénéficier également des dispositions prévues ci-dessus; 

10. demande aux États membres de laisser aux parturientes la faculté d'accoucher anonymement et, si nécessaire, d'inscrire les nouveau-nés à l'état-civil sans qu'il soit fait mention des ascendants ou en tenant leur identité secrète; 

Il. invite les États membres à protéger la parturiente en déclarant irrecevables toute demande de saisie de l'habitation, des meubles et des biens personnels ou toutes autres mesures exécutoires y afférentes, dans un délai de huit semaines avant et après l'accouchement; 

12. demande en outre aux États membres: 

a) d'adopter les mesures appropriées en vue de favoriser la nomination de femmes médecins et la formation d'accoucheuses en mesure de s'occuper des femmes pendant la grossesse, lors de l'accouchement et dans la période qui suit; 

b) de favoriser et de financer les recherches sur les causes de la stérilité chez la femme et chez l'homme, y compris les causes liées à l'environnement et à l'activité industrielle; 

c) d'organiser des campagnes d'nformation pour attirer l'attention du public sur le danger de l'utilisation de médicaments pendant la grossesse; 

d) de mettre en œuvre le programme AIM (informatique médicale avancée en Europe) en vertu duquel il convient de consulter les organisations de médecins et de patients en tant qu'utilisateurs et consommateurs; 

e) de diffuser toute la réglementation existant au niveau communautaire, ainsi que toute proposition émanant des institutions de la Communauté, et plus particulièrement les résolutions adoptées par le Parlement européen sur l'harmonisation des législations des États membres relatives aux préparations pour les nouveau-nés et aux laits de substitution; 

f) de représenter aux partenaires sociaux qu'ils sont tenus de respecter strictement la convention 103 de l'OIT sur la protection de la maternité dans le milieu professionnel, en général, et en ce qui concerne l'interdiction de licenciement et l'affectation des travailleuses enceintes ou allaitantes à des tâches appropriées à leur état, en particulier; 

13. demande à la Commission de mener une étude approfondie sur les causes de la mortalité infantile et maternelle dans la Communauté, notamment sur la pauvreté, la mauvaise santé et l'état des logements, d'accorder, à cet égard, une attention particulière à la mortalité due au syndrome de mort subite des nourrissons ainsi qu'à l'état actuel de l'étiologie de cette affection, de lui faire rapport sur ses conclusions en précisant ce qu'elle propose quant aux moyens de soutenir au mieux les recherches dans ce domaine; 

14. charge son Président de transmettre la présente résolution à la Commission et au Conseil, à l'OMS, au Conseil de l'Europe et aux gouvernements des États membres. 

Note de S.-F.M. : il est intéressant de bien analyser les déclarations de l'OMS et du Parlement européen afin de voir leurs possibilités d'applications pour l'amélioration du suivi des naissances en Europe et dans le monde. 

Il sera aussi intéressant de voir, dans les prochaines décennies, comment ces deux organismes vont vraiment reconnaître la place des sages-femmes autonomes et totalement responsables comme praticiennes de la naissance normale et de la prévention du risque périnatal. 




07/02/2013
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page 025 - politique périnatale

Questions posées aux candidats à l'élection présidentielle à l'occasion du congrès international des 15/16-10-88 sur la création des liens parents /enfants à la naissance. 

    L'ensemble de ces questions ont-été préparées à partir de la vie des mères/pères et sages-femmes dans tout ce qui fait leur vie dans les naissances. 
    Il ne s'agit pas là de débat politique au sens politicien du mot mais de vie dans la Cité. 
    Les réponses-promesses faites par les candidats non pas en leur nom propre mais au nom de la politique périnatale en France  ont-elles été tenues. A vous d'en juger ? 

La famille et la politique en faveur de la natalité 

    Quelles mesures sociales et financières comptez-vous promouvoir et soutenir pour favoriser les naissances et la relation mère/ enfant/père en périnatalité? 
    Pensez-vous que les incitations sociales et financières soient suffisantes pour donner aux parents le désir de mettre des enfants au monde?  Et (ou) ne faut-il pas que soient respectées: 
- la physiologie de la maternité comme événement de la vie, 
- la personnalité des parents et leur libre choix, 
-la place totale des sages-femmes dans la physiologie obstétricale. 

    Pour faciliter aussi le désir des parents de mettre un enfant au monde, quelles mesures comptez-vous prendre en ce sens? 

La naissance et la politique d'accompagnement médical et humain 

    Quelles politiques d'accompagnement médical des naissances allez-vous soutenir: 
- centralisation du suivi médical et humain, dans une option curative de toutes les grossesses-accouchements-suites de couches dans les grandes structures d'hospitalisation (C.H.U./C.H.R.) avec fermeture des maternités locales? 
- décentralisation du suivi humain et médical des maternités près du lieu de vie et de travail des mères, des pères avec respect du «tissu social» et familial dans des petites structures au niveau local (urbain et rural), et pratique d'une médecine préventive de terrain faite par les sages-femmes (libérales et salariées). Cela permet un dépistage des pathologies obstétricales à orienter vers les CH.U- CH.R. 
    Comment pensez-vous aider l'organisation d'une infrastructure de transfert (type SAMU) existant en France en l'élargissant à l'urgence obstétricale et au transfert des mères de leur domicile ou des structures locales d'accouchement vers les CH.U-CH.R. traitant les pathologies lourdes 

1. Le respect du libre choix des parents 

    Que comptez-vous faire afin de favoriser dans la prévention primaire, au niveau du domicile, des quartiers, dans les villages, le libre choix des parents pour un suivi humain et médical des grossesses, accouchements et suites de couches, par des sages-femmes et en particulier des sages-femmes libérales? 
    Que comptez-vous faire pour une réelle participation des parents et des sages-femmes aux décisions à prendre en matière de politique de santé face à la maternité selon les conseils de l'Organisation mondiale de la santé, lors de sa réunion à Fortaleza au Brésil? 

2. Le suivi médical et humain de la grossesse 

    Que comptez-vous faire pour la généralisation de la visite mensuelle de surveillance de la grossesse dans les lieux de vie et de travail des parents, par des sages-femmes libérales et salariées? 

3. Les préparations aux naissances 

    Quelles mesures sociales comptez-vous mettre en place afin que les mères et les pères qui travaillent puissent participer dès le début de la grossesse aux préparations à la naissance faites par les sagesfemmes? 
    Quelles mesures comptez-vous prendre pour limiter le développement des activités appelées improprement « préparation à la naissance» et faites par des professionnels paramédicaux ou sociaux? 

4. L'accouchement et les suites de couches 

    Que comptez-vous faire afin que le libre choix des parents pour les lieux d'accouchement soit respecté, c'est-à-dire à domicile, en clinique ou en hôpital? Que comptez-vous faire pour faciliter l'accouchement à la maison, dans ce premier lieu où se crée, dans un environnement de vie le lien père/mère et lien mère/enfant/père?         Que comptez-vous faire afin que les parents puissent trouver dans les maternités publiques et privées la possibilité de vivre l'accouchement selon la manière (la méthode) de préparation qu'ils ont choisie? 
    Que comptez-vous faire pour humaniser les structures publiques et privées d'accouchement dont certaines ressemblent plus à des usines de production de bébés où la maternité est « hypermédicalisée» et analgésiée par péridurale, trop systématiquement employée comme une opération chirurgicale? 
    Que comptez-vous faire pour transformer les institutions publiques et privées d'accouchement en lieux favorisant le lien mère/enfant/père au niveau architectural ainsi que pour la formation des personnels aux sciences humaines? 
    Que comptez-vous faire pour favoriser une gestion plus solidaire et conviviale des équipes médicales, paramédicales et administratives des maternités? Actuellement, les maternités sont trop souvent gérées d'une manière solitaire et arbitraire par des médecins chefs de service. 
    Que comptez-vous faire pour favoriser la sortie précoce des mères et de leurs bébés de la maternité pour favoriser le lien familial dans le milieu de vie de la famille, avec surveillance à domicile par des sages-femmes libérales et salariées et une infrastructure de travailleuses familiales? 
    Que comptez-vous faire pour faciliter les congés postnatals pour le père (il a trois jours actuellement) afin que soient favorisés la relation père/enfant/mère dès la naissance et le soutien des mères dans la période postnatale précoce? 
    Que comptez-vous faire pour faciliter l'allaitement maternel? 
    Que comptez-vous faire pour un soutien social plus efficace des familles en suites d'accouchement: aides familiales, crèches, gardes à domicile, congés parentaux... ?
 
5. Mass médias 

    Que comptez-vous faire pour favoriser une information utile, efficace, vraie, faite par les médias sur la maternité et la naissance? 

6. Prévention périnatale 

    Quelle est votre attitude face à la prévention périnatale faite depuis l'enfance, l'adolescence, par une information sexuelle globale (comprenant une information sur la maternité/paternité et l'établissement du lien familial). Quelles places pour la famille et l'école? 

    Comment comptez-vous soutenir ?
 
a) des structures de prévention primaire près des lieux de vie (quartiers) et de travail des parents tels que: 
    -les associations et groupes de parents et professionnels s'occupant de réflexions et actions sur les naissances, 
    -les cabinets médicaux privés des sages-femmes libérales, 
    -les centres de PMI (urbains et ruraux) sous la responsabilité conjointe d'une sage-femme et d'un médecin, 
    -les sages-femmes en médecine du travail. 

b) une réelle reconnaissance du temps de prévention périnatale inclus dans la consultation des sages-femmes avec revalorisation du prix de la consultation; 

c) un élargissement des consultations de suivi à domicile des grossesses à risques par des sages-femmes libérales et salariées; 

d) la reconnaissance des séances de préparation à la naissance faite par les sages-femmes comme temps de prévention très précieux avec obligation faite aux mères d'y participer afin de bénéficier de la prime prénatale; 

e) l'organisation de consultations de suites de couches au domicile des femmes après sortie précoce de la maternité (selon le choix des parents); 

f) l'élargissement des congés postnatals pour la mère et le père. 

7. Prématurité 

Il y a actuellement en France une augmentation du nombre des prématurés: 
- de 1970 à 1982 : un programme de prématurité mis en place et se donnant les moyens financiers de son action fait passer le nombre de prématurés de 5,8 % à 4 %, - de 1982 à 1987 : « des signes avant-coureurs confirment l'augmentation de la prématurité en France» - Professeur Papiernik. 
    Le Professeur Dreyfus, de la maternité d'Haguenau (France), dit: «la prématurité ne se soigne pas avec des médicaments, mais par une action sur le mode de vie». Nous ajouterons : « elle se soigne surtout par une surveillance et un accompagnement des naissances confiées globalement aux sages-femmes». Il n'est pas indifférent, dans ces dernières années, que la prématurité augmente et que la profession médicale de sages-femmes se dégrade. Que comptez-vous faire face à ce problème? 

Les sages-femmes, partenaires dans la politique de la santé 

    De quelle manière comptez-vous agir afin que soient utilisées les compétences totales des sages-femmes libérales et salariées, et que leur soit confié par le gouvernement (comme aux Pays-Bas) le suivi global des maternités normales (85 %)? 
    Comment comptez-vous améliorer les conditions d'installation et de pratique des sages-femmes libérales avec: 
- diminution des frais divers d'installation et de fonctionnement,
- revalorisation de la nomenclature avec la Sécurité sociale, 
-ouverture de plateaux techniques hospitaliers publics et privés, 
- liberté d'association entre sages-femmes et médecins, entre sages-femmes libérales et salariées? 
    Que comptez-vous faire pour l'amélioration du statut des sagesfemmes salariées du secteur public hospitalier? 
    Que comptez-vous faire pour les sages-femmes salariées du secteut privé? 
    Quelle est votre analyse à propos de la libre circulation des sages-femmes dans les pays du Marché commun pour y exercer leur profession? 
    Actuellement, ce sont les sages-femmes françaises qui ont la meilleure formation, et nous craignons un nivellement par le bas de la formation et de la pratique professionnelle qui nous tranformeraient en exécutantes de soins, sous la totale responsabilité des médecins, comme dans les autres pays du Marché commun? 
Ce questionnaire a été adressé à MM. Mitterrand, Lajoinie, Barre et Chirac.

Réponse de M. François Mitterrand


Paris, le 22 avril 1988
«... La famille est le lieu privilégié d'accueil de l'enfant, celui où se noue le lien entre générations et à partir duquel d'autres liens se forment.
L'ampleur de ses évolutions est un des phénomènes les plus importants de la seconde moitié du XXe siècle, et, loin d'être une institution figée, la famille est à l'inverse un facteur d'adaptation sociale au changement, le lien où le changement social s'opère le plus naturellement.

Il n'est donc pas possible de parler de la famille comme d'une entité homogène. Elle admet de plus en plus souvent des choix variés quant au moment du mariage, à sa nécessité, au rôle des parents. Un nombre croissant d'enfants sont élevés par un seul parent. Il n'y a pas de modèle familial, chacun invente le sien.
On ne peut oublier que des inégalités considérables subsistent entre les familles. L'insécurité économique, les faibles revenus, le poids d'un travail pénible, constituent un défi perpétuel à la survie de certaines d'entre elles.

La politique familiale doit donc nécessairement respecter le choix des individus et être globale. Elle s'intéresse à tous les aspects de la vie économique et sociale.
Elle ne se réduit pas à une politique de prestations et inclut également une politique du logement, et une politique d'accueil de la petite enfance.

Il est grave que le Gouvernement de J. Chirac ait, dans tous les domaines de la politique familiale, détruit les instruments mis en place entre 1981 et 1986. La libération des prix des loyers, la baisse de l'aide personnalisée au logement, le désengagement de l'Etat pour les logements sociaux cumulés avec la suppression de la prime de déménagement, ont contribué à créér un environnement rendant plus difficile pour les familles la venue de nouveaux enfants.
Les familles modestes ont été durement touchées par cette politique. La suppression du cumul des allocations au jeune enfant, du complément familial maintenu, des prêts aux jeunes ménages, ont diminué le pouvoir d'achat des familles modestes, et particulièrement de celles qui ont des enfants en bas âge.
Une politique familiale juste et solidaire doit corriger, par les prestations familiales, les inégalités dont sont les victimes les familles en permettant à tous d'accueillir les enfants désirés. Elle doit offrir à chaque famille un cadre de vie qui prenne en compte les aspirations des parents, qu'il s'agisse du logement, de l'urbanisme, des loisirs ou de la garde des enfants.
C'est ainsi que l'on pourra obtenir une reprise durable de la natalité.

L'accueil de l'enfant commence dès la grossesse. Grâce à un effort d'équipement important et à l'action vigilante des médecins et de leurs équipes, la mortalité périnatale a été réduite. Cependant, des améliorations peuvent être apportées pour que soient assurés la sécurité de l'accouchement et le confort auxquels ont droit les femmes qui mettent au monde des enfants. L'accouchement est un grand moment dans la vie de la mère de l'enfant, de la famille tout entière. A ce propos encore, on peut déplorer que le gouvernement de J. Chirac ait supprimé le congé de naissance du père.
Le développement de techniques nouvelles dans un nombre croissant d'établissement hospitaliers vise à créer des conditions psychologiques et physiques meilleures de la mère et de l'enfant qui, . conjuguées aux avancées de la médecine pré et périnatales, permettent que la quasi-totalité des naissances se déroulent dorénavant dans les conditions optimales.

Les sages-femmes y jouent un rôle essentiel, et les propositions que vous avez élaborées sont une base de travail sérieuse pour la réflexion et les travaux d'un gouvernement soucieux de faire profiter au mieux tous les Français du progrès médical et de revaloriser le rôle des professions de santé dont la compétence n'est pas toujours traduite à sa juste valeur dans le statut professionnel... »

Réponse de M. André Lajoinie


Paris, le 13 avril 1988

«... Mettre un enfant au monde est le choix d'une femme, d'un couple, mais c'est en même temps un acte social à l'égard duquel la société a des responsabilités à assumer.
Aussi, il convient, d'une part de créer les meilleures conditions pour que chaque grossesse se déroule sans problèmes tant physiques, matériels que moraux, et, d'autre part, que soit mise en place une réelle politique familiale afin que les familles aient les moyens d'élever leurs enfants.

En ce qui concerne l'accueil de l'enfant et le déroulement de la grossesse, des mesures devraient être développées à différents niveaux, pour l'information, le suivi, l'aide aux femmes, pour tous les problèmes qui peuvent se poser, pour la prévention de tous les risques, la préparation à l'accouchement et pour l'accouchement lui-même, afin que les meilleures conditions soient mises à la disposition de la femme et des couples.
Si des pas importants ont été faits en France grâce aux évolutions de la médecine, à une meilleure prise en compte de la grossesse par les femmes, il y a encore trop d'accidents post ou périnatals dus aux conditions de vie et de travail.
Cela concerne notamment les femmes qui se situent dans les couches les plus défavorisées et les femmes qui ont des conditions de travail difficiles, comme l'indiquent les études et comme l'avait démontré Jack Ralite au cours de son tour de France de la santé lorsqu'il était ministre.

Il faut constater aussi que de nombreuses femmes accouchent encore sans aucune préparation. Il y a donc nécessité d'effectuer de nouveaux pas dans ce
domaine, et les sages-femmes peuvent jouer un grand rôle. En effet, la pratique et l'expérience le montrent, les fonctions qu'exercent les sages-femmes dans la surveillance, la préparation, les soins, dans l'accompagnement moral, la prévention des accidents et dans l'accouchement, sont promordiales et reconnues de tous.

Le département de la Seine-Saint-Denis, par exemple, sous l'impulsion de mon ami Georges Valbon, développe une politique importante dans ce domaine d'information, de relations entre les différents intervenants, pour le suivi et l'aide des grossesses, les sages-femmes ayant l'activité primordiale dans cet ensemble, ce qui a permis de faire baisser le taux d'enfants prématurés, comme une étude l'avait montré.
Des moyens doivent être mis en place pour une généralisation de ces pratiques, pour l'application de la loi du 19 mai 1982 qui apportait une redéfinition de votre profession dans un sens qui correspondait mieux aux faits.
Mais il faut constater que la politique menée depuis plusieurs années ne va pas dans le sens d'une amélioration et d'un développement de votre profession, des services nécessaires et d'une médecine de qualité au service de tous.
En effet, les attaques répétées contre la Sécurité sociale, la suppression de milliers d'emplois dans la fonction publique et les hôpitaux, la baisse du budget de la santé alors que des milliards sont gaspillés dans les armes nucléaires, les restrictions que doivent s'imposer les départements et les collectivités locales, sur qui l'Etat veut faire peser de nouvelles charges en supprimant notamment la participation de la Sécurité sociale aux PMI et aux centres de santé, vont aggraver la situation et même entraîner une réelle régression.

Je refuse une telle situation, à l'aube de l'an 2000, où les progrès fulgurants des sciences et des techniques doivent permettre à chaque individu d'avoir accès à de meilleures conditions de vie, de travail, à une réelle appropriation de toutes les capacités matérielles et intellectuelles qu'offre notre époque, afin d'être un réel acteur de sa vie et de la vie du pays.

C'est pourquoi, je propose:
- de développer un système de soins moderne, efficace, au service de la population, dans lequel seront prises en compte et étendues les diversités des formes de distribution de soins, d'action et d'information.
- en ce qui concerne la maternité, je propose:
. que le congé de maternité soit porté à 6 mois;
. la réduction du temps de travail dès le début de la grossesse; . que soient développés les services nécessaires et les équipements publics, notamment les PMI, au plus près des habitants; c'est la meilleure façon de faire circuler les informations, de développer une réelle prévention, de faciliter la liaison entre tous les intervenants ;
. que soient prises les dispositions pour la protection de la femme enceinte, avec l'augmentation du nombre de visites, la généralisation du remboursement à 100 % des soins et des examens dès le début de la grossesse;
. la protection de la grossesse dans les entreprises en liaison avec les comités d'hygiène et de sécurité, dans lesquels les sagesfemmes peuvent avoit une action;
. l'amélioration des conditions de la naissance;
. de relancer la préparation de l'accouchement et favoriser la participation des pères. Je propose également que soient créées 50 000 places de crèches par an. Le groupe communiste a d'ailleurs déposé une proposition de loi en ce sens. Je pense que ces mesures sont de nature à améliorer d'une façon sensible cette période importante pour la vie d'un couple et de l'enfant à naître et de favoriser le libre choix... »

Réponse de M. Raymond Barre


Mai 1988

1/ Le libre choix des parents pour le lieu et les modalités de l'accouchement

Il est évident que les parents doivent avoir le libre choix. Cependant, actuellement, l'accouchement à domicile présente encore trop de risques, en particulier en cas de troubles obstétricaux. Nous n'avons pas pour le moment d'infrastructures nécessaires pour donner toutes les garanties de sécurité aux parents.
Par contre, il serait urgent de réfléchir et de créer une infrastructure pour permettre aux parents qui le souhaitent d'accoucher àdomicile en toute sécurité comme par exemple aux Pays-Bas:
- mise en place d'accords avec les centres chirurgicaux, - aide-ménagère à domicile...

2/ La médicalisation de la grossesse

Il est entendu que la grossesse n'est pas une maladie, et, par conséquent, une médicalisation à outrance d'un phénomène purement physiologique est mauvaise car facteur de risque d'angoisse pour la future mère. Il ne faut pas négliger le fait que la surveillance de la mère a apporté une amélioration du suivi de la grossesse, une baisse de la mortalité périnatale, et même permis de nouvelles pathologies.
On ne doit donc pas tomber dans l'excès d'une hypermédicalisation, mais il est indispensable que le femme soit suivie, rassurée et si nécessaire traitée en cas de risques..

3/ Le statut des sages-femmes

Les sages-femmes, actuellement, ne se sentent pas assez considérées. Il faut rappeler qu'elles ont un Conseil de l'Ordre et qu'elles doivent être partie prenante dans le suivi de la grossesse et de l'accouchement. En aucun cas, il ne doit y avoir opposition entre obstétriciens et sages-femmes, mais partage des compétences, complémentarité et surtout collaboration étroite.

4/ La politique de la famille

- L'élaboration d'un statut de la mère de famille lui garantissant des droits propres pour la sécurité sociale et la retraite.
- Un doublement de l'allocation parentale d'éducation (pendant la durée actuelle) ou, au choix des parents, une extension de l'allocation à 6 ans (au taux actuel).

5/ Politique d'incitation à la famille

Pour une femme, être enceinte dans l'entreprise ne doit pas être pénalisant. Il faut donc permettre aux femmes qui le désirent de mettre au monde des enfants en leur garantissant un retour dans l'entreprise au même poste, quelle que soit la durée de l'interruption de travail:
- mise en place de cycles de formation ou de recyclage pour leur permettre de redevenir immédiatement opérationnelles dans l'entreprise,
- tout mettre en oeuvre pour leur permettre de concilier le rôle de femme, de mère et de femme active.

6/ Comment favoriser le lien familial?

- Aménagement des horaires.
- Mise en place de solutions alternatives, en particulier réflexion de l'interaction inter-génération (jeunes retraités).

Réponse de Mr Jacques Chirac


pas de réponse.


07/02/2013
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page037 - amour et harmonie

Entre l'amour et l'harmonie... en France, être mère aujourd'hui 
MARIE BORREL journaliste

                                        
Être en harmonie 

    Avant d'être mère, il faut le devenir. Et ce moment particulier où se noue le lien entre la mère et l'enfant varie considérablement d'une femme à l'autre. Pour l'une, c'est au moment où elle se sait enceinte; pour l'autre, c'est lorsque l'enfant bouge dans son ventre, lorsqu'elle le voit à l'échographie, lorsqu'il naît, parfois même plus tard, dans les heures ou les jours qui suivent... ... Il y a, selon les parents, un fait déclenchant. Ils lient le sentiment qui les relie à leur enfant à un fait de départ. 
C'est souvent quelque chose de très anecdotique, mais ils ont la sensation que ça a commencé à ce moment-là. 

    Après, le lien se construit dans la vie quotidienne, dans le rapport avec leur enfant, mais il y a eu un déclic et qui peut se situer à n'importe quel moment. Cela démarre parfois dès la conception et peut aller jusqu'à l'accouchement. Il y a autant d'histoires qu'il y a de familles. On peut tirer très peu de constantes. La seule chose qui nous a semblé évidente en ce qui concerne les mères c'est l'harmonie très souvent rappelée. C'est un moment d'harmonie qui a permis la création du lien mère/enfant. Mais c'est une harmonie au sens très large parce que, selon la mère, selon son histoire familiale, son milieu de vie, ses désirs, sa profession, cette harmonie peut prendre des formes très différentes... Dans certains cas. des parents nous ont dit: «dès qu'on a su qu'il existait, on s'est senti parents.» Je pense à un jeune couple dont l'histoire nous a paru très particulière et significative. Ils nous ont raconté avoir eu du mal à faire cet enfant. Pendant 18 mois, ils ont fait des inséminations artificielles. Ils étaient obligés de se rendre dans une ville qui était à 120 km de chez eux. Cette implication très forte a fait que le jour où on leur a dit « ça y est», ils se sont sentis parents tous les deux, très fort. Tout le reste est passé après: grossesse, accouchement, le bébé, tout cela leur est apparu comme le prolongement de ce moment-là. C'est vraiment le témoignage le plus précoce que nous ayons eu, qui se situait très tôt dans l'histoire de la maternité. 

    Il y a aussi un élément qui revient souvent: c'est «le premier...», le premier coup de pied, la première tétée, le premier sourire, la première peur aussi. Cette harmonie dont je parlais tout à l'heure, des personnes l'ont sentie à travers une peur. Cela peut paraître contradictoire, mais une maman nous a dit «je me suis sentie mère au moment où j'avais très mal et je pensais que ce bébé-là avait aussi mal que moi; j'avais peur pour lui. C'est dans ce moment d'osmose que j'ai senti une harmonie entre lui et moi ». Il y a aussi une autre maman qui nous a dit «le lien, je l'ai senti quand le bébé était sous une lumière bleue parce qu'il avait une jaunisse. Je suis allée le voir; sa bande s'était déplacée de dessus les yeux et j'ai eu peur pour lui. Je me suis sentie mère pour la première fois. Avant, ça ne m'avait pas fait cet effet-là ». 

    Ce sont toujours des petits faits comme cela qui sont au départ de la création des liens. Si on prend les événements de façon plus chronologique, on arrive à l'échographie qui est aussi parfois un moment où se crée le lien. Mais c'est aussi très partagé. Il y a des mères qui disent « ça m'a perturbée de voir une image comme cela. J'avais une image de mon bébé dans la tête, et ce que j'ai vu sur l'écran semblait venir interférer et je n'aimais pas du tout cela. » Il y en a d'autres qui disent: « la première fois que j'ai vu ce petit truc bouger... le médecin m'a dit: voyez là son pied... sa main - cela a été sa matérialisation, et là je me suis sentie mère ». 

    Un autre moment où se crée cette harmonie, c'est la préparation à l'accouchement. Et là, toutes les femmes qui font référence à la préparation à l'accouchement comme étant un élément qui a favorisé leur rapport à leur bébé font référence à l'ambiance. C'est l'atmosphère, la chaleur des sages-femmes, c'est la possibilité de choisir la façon dont on veut vivre cette préparation. A l'inverse, les femmes qui disent que cela les a perturbées (ou tout au moins qu'à cette époque-là, elles ne se sentaient pas du tout prêtes à la création des liens) c'est toujours parce qu'on les avaient obligées à... Elles étaient dans une ambiance où elles n'avaient pas choisi ce qu'elles avaient envie de faire, parce que c'était trop médical, parce qu'elles avaient l'impression d'être malades, et non pas en train d'attendre un heureux événement. 

Se sentir responsables 

    On peut donc remarquer que le fait que les mères se sentent «propriétaires », responsables de leur grossesse, suppose qu'elles vivent ce moment-là selon leurs désirs et dans une ambiance d'harmonie avec le corps médical qui les entoure, avec les sages-femmes, avec le lieu de naissance, et tout cela favorise beaucoup la création des liens. 

    Ensuite, bien sûr, vient le moment de l'accouchement qui est un moment intense où souvent les liens se nouent. Le comportement de l'équipe soignante est souvent évoqué par les mères, soit dans un sens, soit dans l'autre, comme à propos de la préparation pour l'accouchement. 

    Pour certaines femmes, il semble que la médicalisation fasse un peu écran à l'émotion et qu'à ce moment-là, le moment d'émotion se passe après quand elle rentre dans la chambre, quand le bébé est à côté d'elle, quand le papa est là, au moment où se recrée la famille à la maternité. Mais tout ce qui s'est passé avant était un moment médical qui ne pouvait pas être révélateur de cette harmonie dont je parlais au début. A l'inverse, certaines mamans parlent avec beaucoup d'émotion du moment où on leur a posé le bébé sur le ventre, au moment où il a rampé jusqu'au sein et toujours parce qu'il y avait autour une atmosphère et une harmonie générales qui leur semblaient propices. C'est souvent quand le père est là. 

En famille 

    Un élément est revenu parfois: les mères regrettent que les enfants précédents, quand il s'agit du 2ème ou du 3ème bébé, ne soient pas là. Pas nécessairement pour être présents à l'accouchement, mais pour être là en suites de couches, deux heures après dans la chambre. Le fait que l'on a du mal à faire entrer les enfants en maternité leur semble perturbant. Elles auraient aimé, au retour dans la chambre, montrer le petit frère ou la petite sreur aussitôt à la famille. Il leur semble que c'est important pour la création de la famille, car souvent elles se sont senties vraiment mères au retour à la maison quand la famille était enfin réunie. 

La douleur éloigne... 

    A propos de l'accouchement, on ne peut pas ne pas évoquer la douleur. Et là encore, bizarrement, il m'a semblé que c'était évoqué en termes d'harmonie ou de dysharmonie. Il y a des femmes pour qui la douleur de l'accouchement fait écran par rapport aux sentiments. Il leur semble impossible de parler d'un sentiment vis-à-vis du bébé tant qu'elles ont mal, très mal. Et pour celles-là, la péridurale apparaît comme une solution miracle dans la mesure où ça leur permettrait d'être disponibles.
 
La douleur rapproche
 
    En revanche, d'autres femmes évoquent la douleur de façon bizarre... comme un moment, ou un lien, particulier vis-à-vis de leur bébé: «j'ai mal, il a mal, donc on est ensemble, et c'est à ce moment-là que je me suis sentie le plus près de lui pour la première fois ». 

Le couple 

    En suites de couches, il n'y a encore pas de constantes si ce n'est cette harmonie. Ensuite, c'est le moment de la première tétée qui est souvent un fait déclenchant pour les parents, et puis il y a aussi tout ce qu'on pourrait appeler l'environnement social, familial, culturel. 

    Tout d'abord le couple. Nous avons eu des témoignages de personnes qui nous disaient «pour le premier bébé, ça ne s'est pas très bien passé. Je ne me sentais pas bien avec cet enfant, parce que mon couple et ma vie n'allaient pas bien. A l'inverse, pour le second, c'est venu tout de suite et cela a été très beau parce que j'étais heureuse, le père était là. J'avais un homme dans ma vie avec qui je m'entendais mieux ». Finalement, cette harmonie autour du bébé facilite le lien qui peut se créer avec lui. C'est aussi à ce moment-là que certaines femmes ont évoqué l'environnement familial; rentrer à la maison après le séjour à la maternité, fatiguée, c'est un moment perturbant où on n'est pas disponible pour vraiment sentir le départ d'un lien particulier. Cela se fait plus tard quand elles sont reposées et disponibles, quand elles ont pris le rythme de la vie courante, souvent, il faut un moment d'adaptation pour que tout se normalise. 

    Un fait a été évoqué. C'est que les choses ne se passent pas de la même façon quand il s'agit d'un premier enfant ou d'un second ou troisième. Les femmes qui ont eu deux ou trois enfants disent que pour le premier, elles ont mis plus de temps avant de sentir la création de ce lien, soit, au contraire, que cela s'est fait tout de suite parce que c'était le premier. Alors que pour le second, c'est plus naturel, cela vient tout seul, elles ont plus de mal à donner un fait déclenchant, une origine à ce sentiment. Il est venu comme cela parce que c'était normal alors que le premier c'était plus magique et c'est resté gravé différemment.
 
L'harmonie quoi qu'il arrive
 
    A côté de toutes ces personnes qui nous ont répondu comme on le leur demandait en nous donnant leurs sensations, il y en a certaines qui nous ont dit :« franchement, on peut vous dire ce qui s'est passé au moment où j'étais enceinte, au moment où j'ai accouché, après... mais quoi qu'il ait pu se passer, j'ai la sensation que je n'aurais pas pu aimer mon bébé davantage ». Et là, il y a l'amour, l'investissement du sentiment sur le bébé, et les circonstances n'ont rien à voir là-dedans. Elles pensent qu'on aurait pu améliorer leur accouchement, qu'elles auraient pu se sentir mieux, avoir moins mal, être plus à l'aise avec l'équipe soignante, il aurait pu se passer des tas de choses qui soient mieux, cela n'aurait rien changé à l'amour de leur enfant. Là l'harmonie existe, quoi qu'il arrive. Mais ce ne sont pas là les témoignages les plus courants. 

Mères et pères: différents, mais ensemble 

    J'ajouterai deux faits à tout cela: d'une part, on a fait une séparation entre la mère et le père qui a semblé un peu artificielle. C'est vrai que les processus d'attachement sont différents chez les mères et les pères, mais quoi qu'il en soit c'est un processus qui se fait parallèlement et ensemble, même si on peut en analyser la genèse séparément et voir des différences significatives. On ne peut pas séparer aussi artificiellement qu'on l'a fait mères et pères. 

Dans la structure familiale élargie
     
    Un dernier élément sont les modifications dans les structures familiales. On vit actuellement la famille nucléaire, souvent les  grands-parents sont loin, et cela modifie les choses. Les femmes ont l'impression parfois que si elles avaient été plus près de leur famille, de leur mère, si la structure familiale au sens large avait été plus proche d'elles, le lien se serait fait différemment dans une atmosphère plus familiale, plus conviviale, et ça aurait changé quelque chose.   Enfin, en matière d'amélioration, les éléments qui nous ont été confiés ont tous trait à l'amour, la chaleur, l'harmonie, «nous laisser choisir, nous laisser le temps d'écouter notre bébé, prolonger le congé de maternité pour avoir plus de temps pour rester avec lui à la naissance, démédicaliser les visites prénatales car on a l'impression de se sentir malades alors qu'on est enceinte ». Ce qui paraît le plus essentiel c'est d'avoir une présence plus chaleureuse tout au long de la préparation à la naissance et de l'accouchement pour préserver cet amour et cette harmonie.
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Extrait du livre - ENFANTER le lien mère/enfant/père - publié par J.Bessonart pour sages-femmes du monde - editions Frison Roche Paris

 


07/02/2013
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page043 - enfanter aux Pays Bas

Le respect de la qualité EILEEN KEASBERY mère de famille
(témoignage 1989) 

 
accouchement aux Pays Bas - 4 aout 2007
photo extraite de 
http://www.planete-elea.com/article-11724737.html


Accoucher à domicile - accoucher à l'hôpital : 
    Assez souvent, j'ai remarqué un sentiment d'étonnement de la part des gens étrangers avec qui je parle de mes accouchements à domicile. Cet étonnement est causé par « l'ignorance» (mes interlocutrices - ou interlocuteurs - ne sont pas au courant du système hollandais qui permet de pouvoir choisir entre accouchement à la maison et accouchement à l'hôpital) ou bien il est lié à l'idée « que je dois bien avoir du courage, de préférer accoucher à domicile...» Cet étonnement est bien compréhensible, puisque mes interlocutrices sont élevées dans et imbibées d'un système différent du nôtre - du moins en ce qui concerne les soins dispensés à la future maman. Il est bien normal qu'elles aient des problèmes à vraiment comprendre pourquoi beaucoup de femmes hollandaises trouvent tellement important de pouvoir mettre au monde leurs. bébés à l'intérieur du foyer familial, donc pourquoi elles insistent tant sur la liberté de pouvoir choisir entre les 2 possibilités: accoucher à la maison ou bien à l'hopital avec l'aide d'une sage-femme.

J'ai accouché à l'hopital et à domicile
    Je veux bien essayer d'expliquer la situation en Hollande, de donner des « arguments» pour la naissance à la maison et de démontrer qu'il ne s'agit pas d'une sorte de courage, mais que pour moi, ainsi que pour beaucoup de femmes hollandaises, c'est plutôt une question de qualité de préférer accoucher à domicile.Pour me situer un peu: je suis une femme hollandaise, professeur de néerlandais et de français, 37 ans au moment où j'écris ces lignes, mère de 3 enfants dont l'aînée est née à l'hôpital (car j'avais eu des problèmes gynécologiques avant cette grossesse-là); les deux autres sont nés à l'intérieur de notre foyer familial. Je tiens à dire que je ne suis pas sage-femme ou médecin, mais seulement une femme très intéressée à tout ce qui concerne la naissance.
 
    Tout d'abord, il faut souligner que le désir de pouvoir accoucher à domicile ne fait pas partie d'une sorte de « mouvement de retour à la nature» - ce qui suggère une sorte de «hors-réalité» parfois insensée. Il y a en Hollande un système où la femme pour qui la grossesse se développe tout normalement (dans le sens de «sans problèmes») choisit elle-même d'accoucher à la maison ou bien à l'hôpital, avec l'assistance d'une sage-femme. Si elle préfère accoucher à l'hôpital, elle n'utilise que la salle d'accouchement et rentre chez elle 24 heures après la naissance. Les assurances ne payent d'ailleurs pas les frais de cette hospitalisation de 24 h pour un accouchement; elles payent seulement l'hôpital s'il y a quelque raison médicale (ou sociale). Sinon, c'est à ses propres frais qu'on accouche ou séjourne à l'hôpital, ce qui est déjà une bonne indication que l'Etat a parfaitement confiance en ce système de sages-femmes libérales qui tiennent leur cabinet, font les contrôles au cabinet de consultation, aident à faire naître le bébé à domicile et qui se servent de la salle d'accouchement seulement si la femme en question l'a choisie comme endroit convenable pour accoucher. Il s'agit donc ici de grossesses normales et de naissances normales. S'il y a quelque chose qui ne va pas (le bébé ne pousse pas assez; la tension est trop élevée; le délai de 2 semaines après la date à terme est dépassé, etc...), la sage-femme a le devoir de confier la femme enceinte au gynécologue/ obstétricien... et alors là, les assurances payent les frais du médecin spécialiste, etc... 
    Nous, les femmes qui préférons accoucher à la maison, ne sommes pas si bêtes pour refuser les techniques modernes des hôpitaux, dans le cas où il pourrait y avoir des complications malgré une déception certaine de n'avoir pu mener à bonne fin l'accouchement idéal... ! 

j'espère vivement que ces quelques mots pourront vous aider à mieux comprendre qu'ici, en Hollande, on ne décide pas finalement d'accoucher à la maison, mais que c'est plutôt le contraire: il y a des raisons pour lesquelles on décide finalement d'accoucher à l'hôpital.

Accoucher à domicile c'est une question de qualité
    Et alors, pourquoi vouloir accoucher à la maison? C'est plutôt une question de qualité, de la qualité de la vie: j'ai la conviction qu'accoucher à l'hôpital est bien, accoucher chez soi est mieux, si tout se passe normalement. Et d'où vient cette conviction? J'énumère quelques avantages: 

- * Le contact entre femme enceinte et sage-femme est plus personnel, plus « personnalisé» : Les sages-femmes sont 2 (ou 3) à tenir leur cabinet; pendant la grossesse j'y passe plus ou moins 12 fois; il y a donc la possibilité d'établir une relation personnelle entre nous : je sais d'avance que l'une de ces 2 (ou 3) m'aidera pendant l'accouchement. Par contre, à l'hôpital, on ne sait pas qui sera de service au moment de la naissance. 

- *En plus, je peux emmener mes enfants (et mon mari) aux consultations prénatales - ce qui aide à rendre la naissance plus réelle, plus «tangible» pour eux (surtout pour les enfants, c'est important !). A l'hôpital, ceci n'est pas interdit, mais c'est quand même moins « fait », moins normal. Pour mes deux enfants Renske et Bart, c'est grâce aux visites chez la sage-femme qu'ils ont pu se familiariser avec l'idée qu'un bébé pousse dans mon ventre et qu'il y aura un changement à l'intérieur du foyer familial par sa naissance.
 
- * La naissance à la maison assure une ambiance bien connue et familiale: La femme est maître (maîtresse!) de la situation, elle reçoit chez elle la sage-femme et peut-être des ami(e)s pour assister à la naissance, c'est elle qui fait «le boulot»: elle garde jusqu'à la fin son rôle actif. Les deux fois où j'ai accouché à la maison, je me suis sentie beaucoup plus sûre de moi qu'au moment de la naissance de ma fille aînée à l'hôpital sous la super-
vision de l'obstétricien. 
        A l'hôpital, on est plus « patiente », plus personne malade qui vient demander de  l'aide médicale, plus passive, même plus « victime» : on arrive à l'hôpital,  l'infirmière vous indique une salle d'accouchement, c'est tout blanc, ou tout au plus gris, c'est plus stérile au sens figuré du mot (et bien sûr au sens littéral aussi, et c'est  bien nécessaire étant donné qu'un hôpital est un endroit favorable aux microbes,              etc...); il faut se mettre en pyjama, au lit, etc... ; des inconnus entrent et s'en vont... Alors, très souvent, les contractions diminuent ou s'arrêtent même complètement: ces choses-là « dérangent ». 

    A la maison, par contre, on peut faire ce qu'on a envie, jusqu'au moment où on sent le besoin/l'envie de se coucher (ou de prendre place sur le tabouret d'accouchement «Birthmate ») (1). 

        Même chose après la naissance - il y a le règlement de l'hôpital, le personnel décide  de ce qu'il faut faire avec le nouveau-né, on vous cède tout juste un petit moment votre bébé pour «l'enlever» ensuite afin de faire les choses dites nécessaires. 

    Quant au mari, il se sent plus utile à la maison, on ne le « tolère» pas comme à l'hôpital, mais il joue un rôle actif. 

        A l'hôpital, la naissance est plutôt médicalisée,' la femme est plus sujette à des soins systématiques, même sans raison évidente: A l'hôpital la femme risque de devoir  subir des choses techni ques, même si ce n'est pas nécessaire (par exemple, les fils  que l'on pose sur la tête du bébé pour enregistrer son activité cardiaque, ce qui n'est  pas du tout nécessaire dans des situations normales et qui immobilise la mère," il y  a pour cela le «doptone mobile », petit appareil moins dérangeant). Même chose  pour les médicaments narcotiques distribués assez facilement. Il ne faut pas oublier  que c'est une habitude bien humaine de se servir plus facilement et plus vite des  techniques, du moment qu'on les a «en stock », même si ce n'est pas nécessaire. Les hôpitaux doivent bien fonctionner, donc pourquoi ne pas faire ceci ou cela,  puisque aussi ça remplit les caisses... ?) 

- * Ne pas quitter le foyer familial est certainement mieux s'il y a déjà d'autres enfants. Surtout quand on a déjà des enfants, c'est plus agréable et certainement mieux pour les enfants de ne pas quitter le foyer familial pour rentrer par la suite. Avec un bébé nou- veau, le choc est déjà grand. Il est sans doute plus grand si la bonne, la chère maman quitte ses enfants pour revenir avec un petit «concurrent» qui demandera ensuite toute l'attention des parents! En outre, beaucoup d'hôpitaux ne permettent pas que les enfants rendent visite à la mère, ou tout juste pendant bien peu de temps - l'hôpital, c'est moins un événement joyeux vécu par toute la famille. 

- * Les soins postnatals qu'on donne à la maison sont plus personnels, mieux adaptés aux besoins individuels du couple (ou de la mère, si elle vit seule...). En Hollande, il y a ce système où une kraamverzorgster (aide familiale «élargie ») vient à la maison pendant 8 à 10 jours. Ces femmes-là s'occupent de la mère et du bébé, du ménage et des autres enfants, s'il y en a. La mère peut donc bien se reposer, s'accoutumer à la nouvelle situation et à son bébé, recevoir ses amis qui viennent voir le nouveau-né. A part ça, il y a la sage-femme qui passe plus ou moins 5 fois pendant les IO premiers jours pour «inspecter» maman et bébé, pour donner des conseils, surveiller que tout se passe bien (sinon, encore une fois, elle fait le contact entre le gynécologue/pédiatre et la mère). 
    
    Si d'ailleurs au moment de la naissance tout ne se passe pas comme il faut, la sage-femme prévient par téléphone l'hôpital, et, dès que l'on arrive, obsté-
tricien et pédiatre sont déjà là pour nous accueillir. On est, chez nous, tellement habitué à ce système complémentaire d'accouchement à la maison et d'accouchement à l'hôpital que ça ne pose pas de problème. 
    Les sages-femmes «indépendantes» ont leur « entrée» dans chaque hôpital. Généralement, les sages-femmes sont plus compétentes pour aider à mener à terme grossesse et naissance normales que les gynécologues, qui sont, eux (ce sont surtout des hommes), plutôt plus expérimentés dans les cas pathologiques, du moins chez nous en Hollande. 
    Il y a des motifs pour lesquels une femme décide d'accoucher à l'hôpital, aussi dans une situation «normale» Ge ne parle donc pas ici des indications médicales), par exemple: - situation un peu pénible de la maison (troisième étage; escaliers raides; pas d'eau chaude; maison éloignée d'une demi-heure de l'hôpital le plus proche; pas de téléphone chez soi, etc...) - premier accouchement pour une femme âgée de plus de 35 ans, - naissance précédente qui a connu des complications, -le sentiment subjectif que la femme a de se sentir plus en sécurité à l'hôpital qu'à la maison. 
    C'est dans ces cas-là que la femme décide d'accoucher à l'hôpital et de retourner à la maison 24 heures après. 

    Ces raisons d'accoucher à l'hôpital sont parfaitement légitimes et peuvent être discutées avec tous les gens compétents: la femme, son mari ou partenaire, la sage-femme, le généraliste, les médecins à l'hôpital. Mais si tout se passe comme il faut, l'accouchement à la maison est bien chose normale grâce à la parfaite formation des sages-femmes, à la distribution bien répandue de «l'éducation prénatale» préventive et aux accords de coopération assez harmonieux entre hôpitaux et sages-femmes indépendantes. 

    Ce n'est donc pas une question de courage de vouloir accoucher à la maison, c'est simplement question de qualité: mieux vaut me savoir entourée de tout ce qui m'est cher, parce qu'ainsi le « déroulement natal» naturel est le moins dérangé par des influences de l'extérieuf... 

PS: Je me sers souvent de l'expression concurrence saine pour expliquer la situation qui existe ici en Hollande entre gynécologues et sages-femmes. Je l'appelle saine, parce que c'est à cause de la compétence des sages-femmes (qui sont plus susceptibles que les gynécologues de répondre aux désirs des femmes enceintes) que les hôpitaux sont bien obligés de mieux tenir compte de la volonté de la femme en train d'accoucher. Par conséquent, les hôpitaux aussi deviennent, de plus en plus, des endroits «humains» pour accoucher. 
    Si ce système de libre choix (pour la naissance physiologique soit 95% des accouchements) disparaît, la Hollande risque bien de s'américaniser en ce qui concerne la naissance: accoucher aux heures de bureau, médicaments pour faciliter les choses, etc. On accoucherait «aux heures de bureau» et vite grâce aux médicaments pour déclencher et activer les choses, etc. Ce serait dommage! Mais la sagesse des Néerlandais éviterait cela. 

Extrait du livre - ENFANTER le lien mère/enfant/père - publié par J.Bessonart pour sages-femmes du monde - editions Frison Roche Paris
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(1) Tabouret d'accouchement conçu par les sages-femmes néerlandaises pour aider les mères dans la naissance verticale.

 BIRTH MATE ou tabouret d'accouchement pour faciliter la naissance verticale de l'enfant et diminuer les douleurs de la  mère 
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témoignage de Stéphanie Van den Berg (http://www.planete-elea.com/article-11724737.html)

LA HAYE (AFP) - 09/08/07 -  Une statistique particulière distingue les Pays-Bas des autres pays occidentaux: on y trouve le plus haut pourcentage d'accouchements à domicile, méthode soutenue par le système de santé... et prisée par les futures mères.

Avec un tiers des naissances à domicile assistées par des sages-femmes, les Néerlandais vont à contre-courant d'une pratique jugée ailleurs dépassée et risquée.

"Les Pays-Bas ont le plus haut pourcentage de naissances à la maison parmi les pays développés", déclare à l'AFP Sjaak Toet, accoucheur à Rotterdam et président de l'association néerlandaise des sages-femmes (KNOV).

Quelque 30% des femmes néerlandaises accouchent à la maison, 60% à l'hôpital, et les 10% restants dans des polycliniques spécialisées qu'elles quittent immédiatement après avoir donné naissance.

Ces chiffres contrastent avec ceux de pays tels que l'Allemagne, la France, la Grande-Bretagne, la Belgique et les pays scandinaves, où seul 2% des naissances ont lieu à la maison.

"C'est une question d'attitude, nous sommes terre-à-terre. Les femmes me disent: +tous les enfants de ma mère sont nés à la maison et tout c'est toujours déroulé sans problèmes. Pourquoi irais-je à l'hôpital ?+, explique M. Toet.

Les accouchements à domicile aux Pays-Bas se font sans péridurale ou autre anti-douleur. "Seuls les médecins sont habilités à les administrer", explique M. Toet.

Selon l'approche néerlandaise, la grossesse n'est pas une maladie et les assurances-maladie ne couvrent l'entierté des frais d'hôpital qu'en cas d'impératif médical.

La plupart des femmes sont satisfaites du système, bien que certaines jugent qu'elles sont trop livrées à elle-mêmes.

La maison et l'hôpital ont chacun leurs avantages, selon Laura Westendorp. Agée de 33 ans, cette mère de deux enfants a connu les deux systèmes.

La naissance de sa fille Lisa (2 ans) était "très sereine, très belle. Nous avions mis de la musique et des chandelles".

Ikar (11 mois) est né à l'hôpital. "Sa naissance n'était pas très intime, plus clinique", mais la proximité des soins et de l'aide, au cas où une complication se serait produite, était rassurante.

"Les femmes estiment généralement qu'accoucher à la maison est plus confortable car elles n'ont pas à se précipiter à l'hôpital pour y accoucher en vitesse et rentrer ensuite à la maison après une douche rapide. Aux Pays-Bas, s'il n'y a aucune complication pour le bébé ou la maman, ils sont renvoyés chez eux le jour même", indique M. Toet.

Selon le ministère de la Santé, les Pays-Bas ont toujours encouragé les naissances à la maison, estimant que ce qui peut être accompli en dehors de l'hôpital doit l'être. "Le système tente de ne pas médicaliser la naissance", selon sa porte-parole Ellen Timmer.

Près de la moitié des femmes qui ont opté initialement pour l'accouchement à la maison finissent par aller à l'hôpital, car les accoucheurs les y envoient dès le moindre signe que quelque chose pourrait ne pas se passer comme prévu, pendant la grossesse ou lorsque le travail à commencé.

Branwen Spence, 40 ans et maman de Dylan (5 semaines), est heureuse d'avoir finalement accouché à l'hôpital.

Ce n'est qu'alors que le travail avait déjà commencé qu'elle a compris que la sage-femme ne pourrait pas lui administrer d'anti-douleur. Malgré la décision de la transférer, quatre hôpitaux l'ont refusé, arguant que les péridurales ne sont administrées que pendant les heures de travail.

"Je ne vois pas la grossesse comme une maladie, mais selon moi, les sages-femmes voient cela trop comme une routine", dit cette ancienne infirmière.


07/02/2013
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page049 - un enfant cadeau

Je suis mère d'un enfant porteur d'un handicap moteur cérébral

    J'ai accouché à un terme de six mois. L'accouchement a duré 40 heures parce qu'on a essayé de le retarder au maximum (cerclage, perfusion...). Pendant toutes ces longues heures, il y a eu avec moi une jeune femme, élève sage-femme. Les infirmières, les médecins venaient, partaient... mais cette jeune femme est restée là, pendant 48 heures, assise sur un tabouret. Elle n'a pas été dormir et elle me parlait, m'écoutait, me consolait... Je devais commencer mes cours de« respiration» la semaine suivante et donc, parmi d'autres choses, il incombait à cette jeune femme de tout m'apprendre, en très peu de temps. Sije m'exprime aujourd'hui c'est en partie pour pouvoir dire «merci» à cette jeune femme que je n'ai jamais pu retrouver - et merci à vous toutes sages-femmes d'être si présentes à un moment tellement extraordinaire.

    Un des risques de grande prématurité est le risque de handicap moteur cérébral. Je suis mère d'un enfant porteur de ce handicap. 

    Le lendemain de mon accouchement, j'ai trouvé en face de mon lit un berceau vide avec un panneau marqué «garçon vivant, l kg 600 ». Cinq jours après mon accouchement, est arrivée une équipe de médecins qui m'annonçait que mon fils était transporté d'urgence dans un autre centre hospitalier. J'étais obligée de quitter la maternité, les mains vides, par la petite porte, me disait-on, pour« m'épargner» la vue des mères plus comblées que moi. Car mon fils allait mourir et je ne pouvais pas le voir. Je partais les bras vides. Pour moi, a commencé une période de deuil. Je suis partie au bout de quelques semaines en Corse parce que je ne pouvais pas voir mon fils. Je n'avais qu'une ligne téléphonique qui me reliait à l'infirmière de garde. Mais au bout de deux jours, j'ai appelé l'hôpital encore une fois, et, à mon grand étonnement, mon fils avait presque un mois. On m'a dit: «Il est sorti d'affaire. Vous pouvez venir »... Je me suis reprécipitée à Paris. 
    En fait, la périnatalité, je ne connais pas : ni les mois qui précèdent l'accouchement «normal », ni les moments d'une première rencontre heureuse avec cette partie de nous-mêmes. J'étais jugée incapable et renvoyée. J'ai été privée de tous ces rapports normaux et beaucoup de parents d'enfants grands prématurés ou nés handicapés le sont aussi. Nous ne savons pas ce que c'est d'allaiter un enfant, notre lait n'est pas bon (enfin soi-disant); de toute façon, nous n'avons aucun contact tactile avec cet enfant; souvent on nous impose un deuil non justifié, mais qui prend énormément de temps pour revenir à la vie. On apprend à re-aimer quelque chose qui est mort. J'ai commencé à ce moment-là des visites que vous devez toutes connaître: voir un enfant dans une couveuse, à travers une vitre. Ensuite pouvoir s'habiller en chirurgien complètement stérile et passer sa main dans un gant qui entre dans la couveuse; et on caresse son enfant avec un doigt et éventuellement, grande joie, on peut prendre son enfant dans ses bras. Cette période a duré trois mois. J'avais en même temps recommencé mon travail. Mais comme parent j'étais jugée incapable. Je n'avais que la possibilité d'aller à l'hôpital après mon travail, enfiler une blouse, voir mon enfant 1/4 d'heure ou 1/2 heure, rentrer, faire le dîner de mon mari. Quand mon enfant a eu 4 mois, une assistante sociale m'a annoncé que je pouvais le reprendre à la maison. Il y a une chose qu'il faut expliquer aux professionnels de la santé. 
    Etant mise à l'écart de toute pratique maternelle, je n'en voulais plus de cet enfant. C'est très difficile à vous dire cela, mais, c'est vrai. Et ça demande un certain courage de pouvoir vous le dire. J'avais été très claire avec tous les chefs de service, avec les personnes soignantes : s'il y avait un risque de quelque chose que je n'étais pas capable d'assumer moralement ou physiquement, j'étais tout à fait d'accord pour qu'on ferme les robinets de cette couveuse. Et qu'on n'en parle plus. A partir du moment où on m'a offert mon enfant, je me suis dit: «on me donne mon enfant, c'est que c'est bon ». 
    Là, je suis entrée dans une période que j'appelle l'année de grâce. J'avais une année avec mon bébé. Je le trouvais très beau comme toutes les mères. J'ai appris à jouir de mon enfant et à l'âge de 15 mois, voyant certain retard, je l'ai emmené à l'hôpital. Je l'emmenais souvent à la visite, mais personne ne me disait rien. Les gens prenaient peut-être des gants. De toute façon, me disait-on, le retard était normal pour sa grande prématurité et il n'était jamais question de handicap. Comme mon enfant, à 15 mois, n'était toujours pas en position assise ou debout, j'ai été voir un professeur dans un 3e service hospitalier, et là, on m'a annoncé de but en blanc que mon enfant était débile profond et grabataire. J'ai recommencé un deuxième deuil, mais peut-être parce que j'ai guéri du premier deuil avec un résultat positif, j'ai décidé que cè n'était pas possible et que cette année de grâce m'avait laissé tisser certaines fibres maternelles, que mon enfant allait s'en sortir. Il avait peut-être un corps qui ne fonctionnait pas tout à fait comme les autres, mais il y avait un être humain dedans, et cet être humain avait le droit de vivre aussi complètement que possible. 
    Nous, les parents des enfants nés avec un handicap, nous ne demandons pas que le personnel médical et paramédical assume notre problème, notre «déception », mais nous demandons de ne pas être mis à l'écart, de ne pas être traités seulement en parents. On ne demande pas que ça devienne une affaire de spécialiste, mais on demande aussi un dialogue clair et honnête et d'avoir en face de nous des interlocuteurs qui nous étayent, c'est-à-dire qui nous aident à comprendre et à vivre. On demande à ce que les pédiatres du quartier ne refusent pas de suivre nos bébés, sous prétexte qu'ils sont différents. Après tout, une varicelle ou une rougeole c'est pareil pour tous les enfants. On demande à ce que vous nous aidiez à faire face à la société qui refuse accès ou cache ces enfants différents. On ne veut pas d'argent, on veut ouvrir des écoles « normales» et des centres aérés à nos gosses, on veut des ascenseurs dans les lycées, des « bateaux» sur les trottoirs, avoir accès aux piscines, etc... 
    On vous demande de nous aider à créer un pacte avec l'enfant: un pacte de combativité qui nous permettra de l'aider à se surpasser, à nous surpasser. Il est essentiel que le parent et l'enfant comprennent qu'il y a un travail à deux. Si j'ai une chose, un conseil à vous offrir, il faut bien expliquer aux parents qu'en fait, ils sont privilégiés dans ce rapport parentenfant. 
 Car cet enfant, c'est un enfant cadeau. L'enfant aveugle vous apprendra à voir, l'enfant sourd vous apprendra la valeur du verbe et l'enfant LM.C. vous apprendra le courage du geste quotidien, l'optimisme et surtout à connaître des capacités qu'on a en soi et dont on n'a jamais douté. Mon fils, Balthazar, était « classé» débile profond et grabataire à l'âge de 15 mois. Aujourd'hui, il est valide, en 5eme dans un lycée, un des premiers de sa classe, très indépendant et adolescent. Il boite, c'est vrai, il marche avec des cannes. Mais il marche. Certains de ses camarades portent des lunettes, d'autres des appareils dentaires. 

    Personne n'est comme personne, et personne n'est parfait. 

    Mon fils est aujourd'hui un membre à part entière de la société qui n'en voulait pas. Il existe, il vit. Il ne faut pas que cette société refuse accès à nos  entants. :SI VOUS gantez un entant dans une sItuation hospitalière fermée, vous allez en faire un infirme. Vous sortez l'enfant et vous le mettez en combativité avec la société telle qu'elle existe, il va être obligé de faire ses armes et participer. Il faut que vous nous aidiez à cela. 

Conclusion 

Dire enfant handicapé, c'est utiliser un concept global qui me en avant l'étiquette, sous laquelle disparaît l'enfant. Avant tout, c'est d'un enfant qu'il s'agit...Et c'est l'enfant, l'êtfl humain, qu'il faut écouter, comprendre, aimer... C'est avec l'enfan que les liens se créent; avec une étiquette, on n'a pas de lien. San ces liens d'amour, l'enfant ne pourrajamais dépasser son handicap. Aussi, je voudrais dire quelques mots sur la formation ou plutôt le manque de formation du personnel qui est « annonceur» du pro blème. Les premiers contacts, les premiers mots utilisés, seront infiniment importants. Or, dans la plupart des cas, le personnel est tellement gêné paniqué, désolé, horrifié, qu'il ne fait que transmettre son angoissl sur la mère. Cela va de soi. Si elle est traumatisée, l'enfant le ser: aussI. Il faut former des gens pour cette tâche terrible, qui malheureu sement concerne 2 % de toutes les naissances.

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Extrait du livre - ENFANTER le lien mère/enfant/père - publié par J.Bessonart pour sages-femmes du monde - editions Frison Roche Paris

Sandie site : www.satine03.ch | le 17/12/2007 à 10:47:57 
Bonjour Holly, 

Un petit message pour vous dire à quel point votre livre m'a secouru et m'a redonné espoir il y a déjà 3 ans. J'ai retrouvé ma fille dans la volonté, la force, la joie de vivre et le combat contre les frustrations de votre fils! Je me suis reconnue dans vos colères et dans certaines impatiences! Je vous admire et nos enfants aussi! Merci Holly! 
Je me suis aussi décidée à écrire un livre mais le témoignage sera plutôt basé sur les 3 ans d'hospitalisation de ma fille. Je n'ai pas votre talent mais je suis aidée! 

Je vous souhaite de belles fêtes de fin d'année et je vous envoie, à vous et à Baltazar, mes plus respectueuses salutations! 

Sandie


07/02/2013
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page053 - valentin, mon naître cher

Valentin mon naître cher
Mais tu es sûre au moins? demande le chéri. Comment ose-t-il ? Evidemment que je suis sûre !... mes dernières règles datent du Il janvier, nous sommes le 27 février, fais le compte. Ta fille a cinq semaines, et, vue de loin, elle doit ressembler à un haricot rouge!
 
Valentine attendue... 
    Troisième enfant, troisième fête. Celui qu'on n'osait pas tout à fait mettre en chantier. Il est là, au chaud. J'en voulais, je l'ai, je le garde. Pouvoir stopper la course du temps, ces jours qui passent si vite, trop vite! Neuf mois de bébé, c'est si bon et si court. Et les deux aînés qui n'en peuvent plus d'attendre: mais maman, pourquoi ton ventre y grossit pas? Et leurs quatre petites mains qui vérifient sans cesse si ça pousse... A force de caresses, Valentine s'est mise à gratter dedans. Trois mois et demi déjà et quelques kilos en plus, les grands frères exultent: ça y est! T'es grosse! assurent-ils fièrement. Et c'est vrai, ça se voit! Valentine, coiffe tes boucles et fais ta cuisse potelée, on nous regarde... 

Rupture de la poche des eaux à 4 mois et demi 
    Premiers vrais jours d'été, mi-juin, retour d'école avec les petits copains. Tout ce joli monde rit, se court après en criant et constate l'enfer de la vie entre deux sauts de cabri: «maman, j'ai au moins quinze tonnes de devoirs» ; comme si elle participait à cette liesse générale, Valentine gigote vigoureusement. Mais où diable vont-ils  chercher toute cette énergie? 
    Et puis voilà, tout doucement de l'eau coule entre mes jambes. Oh t ce n'est pas une tempête ou un raz-demarée, non quelques gouttelettes tièdes et claires qui roulent le long de ma cuisse et viennent s'écraser sur le parquet. Les enfants n'ont rien vu. Seconde d'horreur pure. Je reste paralysée, droite comme un i, un cartable et deux cabas à provisions dans les mains. Je viens de rompre la poche des eaux, et mon petit bout de bébé a tout juste quatre mois et demi. 
    A la maternité, il ne faudra que quelques instants pour confirmer une rupture des membranes, constater la parfaite souplesse de mon utérus et l'excellente tonicité de mon bébé. Mais alors, et les contractions? Et la fausse-couche? Rien... Docteur, on fait quoi? Docteur est contrarié. Dans les livres, qui dit rupture des membranes dit accouchement dans les heures qui viennent, et à ce terme, fausse-couche. Mais pour faire une fausse-couche, il faut avoir des contractions; et des contractions, je n'en ai pas l'ombre d'une. Et puis une fausse-couche, c'est plus logique lorsque le bébé est mort. Le mien remue bras et jambes, indifférent au remue-ménage qu'il vient de créer. Un, deux, puis trois médecins m'entourent à présent. Ça bredouille dans les moustaches... infection... déclenchement... perfusion... Et moi, je pleure, je ne suis plus qu'une flaque. Pourquoi veux-tu partir, petite Valentine? T'étais pas bien chez moi? Comme pour me dire qu'elle m'aime, petite Valentine répond gentiment. L'eau coule un peu plus, vaguement sanglante. Perplexe, Docteur s'approche de moi et dit: «Il n'y a rien à faire, on attend encore quarante-huit heures, et si rien ne se passe, on déclenche ».
 
Prendre le parti de l'espoir 
    A partir de ce moment-là, tout bascule. Je passe la nuit la plus longue de ma vie, les yeux grands ouverts dans le noir, les deux mains accrochées à mon ventre qui ruisselle. Tu vas partir, dis «ma» bébé? Je t'aime, moi. Je veux rester avec toi. Tapie dans l'incertitude, Valentine bouge peu, elle garde ses forces pour la suite. Elle a tout compris avant les autres. Les ovules de prostaglandine ne seront pas pour elle. «Ma» bébé suivra le chemin qu'elle aura choisi. Rien ni personne ne lui dictera ce qu'elle a à faire. 

A l'échographie... c'est Valentin! 
    Dernière échographie. Valentine est un garçon. Les proportions sont normales. Aucune anomalie visible. Tonique. «Mais alors, avance faiblement la mere, peut-erre peut-on essayer de... garder un bébé dans ces conditions! » « Mais vous n'y pensez pas! C'est de la folie furieuse, ça n'a aucun sens! »Paroles d'hommes. Certitudes médicales et scientifiques. Messieurs, un peu d'humilité, que diable... Et l'amour, dans tout ça, vous en faites quoi au juste? La force de vie plus puissante souvent que celle de mort, la certitude instinctive, celle qui vient du fond de mon ventre et clôt cet utérus bien plus efficacement que n'importe quel cerclage, ça ne vous dit rien, n'est-ce-pas ?.. Maman, t'avais raison, la maternité est une affaire de femmes. D'ailleurs, seules deux femmes, l'une sage-femme, l'autre médecin, vont me faire entrevoir une alternative. A mes yeux, la seule possible, la seule humaine, la seule intelligente. On ne fait rien, on ne bouge pas, le petit homme choisira son destin. J'ai cru à cet enfant. 

« 59 jours de liens passionnels dans mon ventre» 
    Valentin va mettre cinquante-neuf jours à se décider; cinquante-neuf jours pendant lesquels lui et moi allons tisser la passion la plus délirante de nos vies, l'histoire d'amour la plus dévorante de nos existences. Cinquante-neuf jours pendant lesquels je ne vais pas cesser une seconde de croire à cet enfant, de lui dire mon désir de lui. Cinquante-neuf jours de tendresse à bâtons rompus, d'amour à l'état pur. 
    Cinquante-neuf jours d'angoisse et d'horreur aussi. Cinquante-neuf jours pendant lesquels ce tout petit bébé va répondre « présent» avec une force et une énergie qui me laissent encore pantelante. 

6 mois et demi: naissance, 930 grammes 
    Mon enfant est né le 9 août 1987, jour de la St Amour. Il pesait 930 grammes pour un terme de six mois et demi. Il a été transféré en SAMU dans un grand centre de médecine néonatale où, là encore, il n'a cessé d'étonner l'équipe soignante par sa force et sa vitalité. Il était dans une couveuse. J'y allais tous les jours, je restais des après-midi entières avec lui, à lui parler, à le caresser, à le prendre dans les bras. J'ai quasiment exigé de le prendre dans mes bras quand il a commencé à peser un kilo trois cents grammes. C'est un service hospitalier où cela ne se pratiquait pas du tout, mais je savais  que cela se faisait ailleurs. Comme j'étais en bons termes avec l'équipe soignante, j'ai exigé. Et presque tous les jours, malgré son intubation, on le sortait de l'incubateur. J'ai eu la grande chance aussi de tirer mon lait dès le début et de pouvoir le mettre au sein assez rapidement à 1 kg 600. Cela ne s'était pas trop vu dans le service. La mise au sein a été difficile, mais j'ai tenu bon, et je l'ai allaité pendant 13 mois, ça valait vraiment le coup. 

C'est à la fois une histoire banale, passionnante et passionnelle 
     Je l'ai sorti sous décharge de l'hôpital. Il pesait à peine 2 kg. Les médecins pensaient qu'il était trop petit. Moi, je leur disais que ça allait. Et pendant presque trois mois, j'ai retrouvé complètement la symbiose qui nous avait manquée. 

3 mois de symbiose avec Valentin pour finir la grossesse 
    J'ai vécu avec lui tout le temps dans les bras, j'ai dormi avec lui parce que c'est une espèce d'attachement. Je ne me suis pas dit «je dors avec cet enfant parce qu'il n'est pas bien ». C'est quelque chose qui s'est fait d'une façon instinctive. Je me suis rendue compte que d'abord par commodité il n'était pas bien tout seul, dans son petit lit et sa chambre. Il était cent fois mieux avec moi dans mon lit. Nous avons vécu comme cela très, très proches pendant trois mois, et, petit à petit, une rupture s'est faite tout doucement. Il a commencé à prendre un rythme de petit bébé un peu plus autonome, à retourner dans son lit et... la routine aidant, il est devenu un petit peu plus grand.
 
Un lien maternel complètement abouti... 
    Cela a été une expérience très, très enrichissante. Sur les trois enfants, c'est probablement lui avec qui j'ai le lien maternel le plus complet. C'était une histoire tellement folle que c'est un lien maternel complètement abouti. Je ne peux pas réussir mieux. C'est un bébé auquel je crois et c'est fondamental. Nous avons une relation de connivence qui fonctionne énormément sur le senti, sur la sensation, et je pense qu'il va bien progresser parce qu'il croit en lui beaucoup. 
Grâce aussi aux frères aînés 
Il y a aussi un facteur important: ses deux frères aînés l'ont ressenti avec beaucoup de respect. Il n'y a pas eu de jalousie qui aurait été oh! combien normale, vu les conditions de sa naissance. Ils l'ont accepté comme un guerrier qui revenait de la guerre, qui avait vécu des choses tellement atroces qu'il fallait faire attention à lui, être très doux et très attentifs avec lui. Je pense que j'ai réussi ma relation avec Valentin parce que les deux frères aînés étaient là.
 
Et grâce au mari 
    Enfin, j'ai un mari qui m'a donné toute latitude. Il avait très peur de cet enfant. Mais il a veillé à ce que j'aie toute la disponibilité pour pouvoir m'occuper de cet enfant confortablement, comme j'en avais envie. Je suis une mère au foyer, et cela a été capital pour moi de ne faire que de m'occuper de Valentin pendant tous ces mois.
 
Valentin va bien 
    A l'heure actuelle, je pense que c'est un bébé qui va bien, psychologiquement et physiquement, parce qu'il y a eu une telle force entre nous. C'est un bébé qui n'a jamais montré ces symptômes d'irritabilité que l'on prévoit chez les prématurés. C'est un bébé qui est très calme. Au grand étonnement de l'équipe médicale qui prend ce calme comme pathologique. Il faut que les médecins qui suivent les prématurés arrêtent, au nom de cette prématurité, d'en faire des enfants malades. Au nom de la prématurité aussi, on a un peu trop tendance à hospitaliser systématiquement et rapidement ces enfants. La médecine fait son métier, mais elle fait aussi prendre des risques à un bébé que de le séparer de sa mère dans les dix premiers mois de la vie, surtout quand ils ont eu tellement de mal à créer des liens. 
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Extrait du livre - ENFANTER le lien mère/enfant/père - publié par J.Bessonart pour sages-femmes du monde - editions Frison Roche Paris

 

 

07/02/2013
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page058 - coeur et corps

L'allaitement au sein

Point de vue de la mère


Lorsque son enfant est né, la mère se trouve bien souvent au centre d'un faisceau de contradictions. Il y a ce qu'elle ressent au profond d'elle-même et puis son ambivalence. Il y a ce qu'elle attendait et ce qu'elle vit réellement, aussi bien au niveau de son accouchement que de son bébé, de ce qu'elle imaginait. Il y a son désir profond et instinctif qui monte d'elle-même et les « diktats» culturels qu'elle a intériorisés ainsi que les avis de son entourage. 

    Certaines mères ont un coup de foudre immédiat pour leur bébé, d'autres sont étonnées par le sentiment d'étrangeté qu'elles ressentent devant le nouveau-né. Une même mère peut vivre ces deux situations avec deux enfants successifs. Deux animatrices de la Leche League du Québec ont écrit un livre qui s'appelle l'Instinct maternel apprivoisé où elles se penchent sur le concept d'instinct maternel qui a très mauvaise presse puisqu'il n'existe pas, paraît-il, chez les humains!

Mais en définitive, Monique Morin et Nicole Marigné disent: « Le rôle de l'instinct n'est pas de contraindre, mais plutôt dans une large mesure d'aider l'individu à accomplir une tâche demandée. La nature n'a pas voulu, semble-t-il, qu'une tâche aussi complexe et importante que le maternage soit accomplie comme un acte héroïque et extrêmement monopolisant de toutes les ressources morales et physiques de la mère. L'instinct maternel permet à la mère de se mettre au même diapason que son bébé, de s'ajuster à son rythme, de décoder ses messages non verbaux...»

    Cet «instinct» n'est pas donné automatiquement. Il se construit à partir de plusieurs facteurs:
- le mode d'accouchement et ce qui se passe immédiatement après l'accouchement;
- le contact avec le bébé;
- l'allaitement au sein.

    Une mère qui allaite son enfant au sein vit cet allaitement dans son corps. La succion du bébé déclenche la production de prolactine, d'ocytocine. La prolactine a un effet très particulier. Si on injecte de la prolactine à un vieux coq agressif, il commence à se comporter en vraie mère poule avec des poussins. On a pu dire que la prolactine est l'hormone de la maternité. La prolactine est stimulée par trois choses essentielles:

- la succion du mamelon par le bébé;
- le toucher peau à peau;
- pendant la nuit et le sommeil.
    Et ce n'est pas pour rien que les bébés se réveillent la nuit, au début de leur existence.

    Une mère exprime cet état en disant:
« L'allaitement entretient chez la mère et l'enfant une relation de grande intimité, et je crois que bien des femmes redoutent cette intimité. Elle est bien douce pourtant. Elle est l'essence même de la joie d'être mère. Je ne peux plus, quant à moi, concevoir la maternité sans l'allaitement au sein ».

    Le lien des creurs passe par le lien des corps, et ceci est également exprimé par Bruno Bettelheim dans son livre Pour être des parents acceptables: «Ce qui, dans l'allaitement, unit solidement la mère et l'enfant, c'est le fait que chacun d'eux donne à l'autre et reçoit de l'autre la satisfaction de ses besoins physiques, le soulagement d'une tension et des gratifications émotionnelles. Par cette action, la mère et l'enfant sont à la fois actifs et passifs. Ils sont totalement eux-mêmes, se rendant personnellement service tout en étant intimement au service de l'autre... Pour que cela ait lieu dans les meilleures conditions possibles, il ne faut pas que la mère, comme c'est souvent le cas, considère la tétée comme une activité inévitable et strictement limitée dans le temps dont le but principal est la nutrition de l'enfant. Dans de nombreux pays, le contact peau à peau est prolongé bien au-delà de la tétée. Le petit enfant peut alors s'endormir sur le sein de sa mère, le mamelon dans la bouche au plus grand plaisir de l'un et de l'autre. Tout cela est facilité quand l'enfant partage le lit de sa mère, comme c'est encore le cas dans denombreuses cultures ».

En conclusion, je veux vous citer cette phrase d'Alexander Lowen qui peut s'adresser aux parents et aux professionnels de la santé et de la naissance:
    «Un engagement total dans ce que l'on fait est la condition fondamentale du plaisir ».

la photo de l'allaitement au sein est extraite du site internet  ci-dessous :

http://www.enfamil.fr/html/L_allaitement-au-sein--preparation-et-premieres-fois-art-120.html


07/02/2013
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page060 - allaiter au sein

L'allaitement au sein  : Point de vue de la mère et du bébé
Point de vue de la mère 

    Lorsque son enfant est né, la mère se trouve bien souvent au centre d'un faisceau de contradictions. Il y a ce qu'elle ressent au profond d'elle-même et puis son ambivalence. Il y a ce qu'elle attendait et ce qu'elle vit réellement, aussi bien au niveau de son accouchement que de son bébé, de ce qu'elle imaginait. Il y a son désir profond et instinctif qui monte d'elle-même et les « diktats» culturels qu'elle a intériorisés ainsi que les avis de son entourage. 
    Certaines mères ont un coup de foudre immédiat pour leur bébé, d'autre: sont étonnées par le sentiment d'étrangeté qu'elles ressentent devant le nouveau-né. Une même mère peut vivre ces deux situations ave< deux enfants successifs. Deux animatrices de la Leche League du Québec ont écrit un livre qui s'appelle l'Instinct maternel apprivoisé où elles se penchent sur le concept d'instinct maternel qui a très mauvaise presse puisqu'il n'existe pas, paraît-il, chez les humains! Mais en définitive, Monique Morin et Nicole Marigné disent: « Le rôle de l'instinct n'est pas de contraindre, mais plutôt dans une large mesure d'aider l'individu à accomplir une tâche demandée. 
    La nature n'a pas voulu, semble-t-il, qu'une tâche aussi complexe et importante que le maternage soit accomplie comme un acte héroÏque et extrêmement monopolisant de toutes les ressources morales et physiques de la mère. L'instinct maternel permet à la mère de se mettre au même diapason que son bébé, de s'ajuster à son rythme, de décoder ses messages non verbaux...» Cet «instinct» n'est pas donné automatiquement. Il se construit à partir de plusieurs facteurs : 

-le mode d'accoucnement et ce qui se passe immedIatement apres l'accouchement;

-le contact avec le bébé; -l'allaitement au sein. Une mère qui allaite son enfant au sein vit cet allaitement dans son corps. La succion du bébé déclenche la production de prolactine, d'ocytocine. La prolactine a un effet très particulier. Si on injecte de la prolactine à un vieux coq agressif, il commence à se comporter en vraie mère poule avec des poussins. On a pu dire que la prolactine est l'hormone de la maternité. La prolactine est stimulée par trois choses essentielles: 

- la succion du mamelon par le bébé; 

-le toucher peau à peau; 

- pendant la nuit et le sommeil. Et ce n'est pas pour rien que les bébés se réveillent la nuit, au début de leur existence. Une mère exprime cet état en disant: « L'allaitement entretient chez la mère et l'enfant une relation de grande intimité, et je crois que bien des femmes redoutent cette intimité. Elle est bien douce pourtant. Elle est l'essence même de la joie d'être mère. Je ne peux plus, quant à moi, concevoir la maternit~ sans l'allaitement au sein ». Le lien des coeurs passe par le lien des corps, et ceci est également exprimé par Bruno Bettelheim dans son livre Pour être des parents acceptables: « Ce qui, dans l'allaitement, unit solidement la mère et l'enfant, c'est le fait que chacun d'eux donne à l'autre el reçoit de l'autre la satisfaction de ses besoins physiques, le soulagement d'une tension et des gratifications émotionnelles. Par cettE action, la mère et l'enfant sont à la fois actifs et passifs. Ils sont totalement eux-mêmes, se rendant personnellement service tout en étant intimement au service de l'autre... Pour que cela ait lieu dam les meilleures conditions possibles, il ne faut pas que la mère comme c'est souvent le cas, considère la tétée comme une activité inévitable et strictement limitée dans le temps dont le but principal est la nutrition de l'enfant. Dans de nombreux pays, le contact peau à peau est prolongé bien au-delà de la tétée. Le petit enfant peUl alors s'endormir sur le sein de sa mère, le mamelon dans la bouche au plus grand plaisir de l'un et de l'autre. Tout cela est facilité quanè l'enfant partage le lit de sa mère, comme c'est encore le cas dans d~ nombreuses cultures ». 
    En conclusion, je veux vous citer cette phrase d'Alexander Lowen qui peut s'adresser aux parents et aux professionnels de la santé et de la naissance: «Un engagement total dans ce que l'on fait est la conditior fondamentale du plaisir ». 

Point de vue du bébé

    Le point de vue du bébé dans l'allaitement maternel au sein est simple. Lorsqu'il naît, l'enfant est fait pour être mis au sein. Ses réflexes de fouissement, de succion, son odorat qui l'attire vers le sein, la distance d'accommodation visuelle qui est de 30 centimètres (à peu près la distance qui sépare le sein du visage de sa mère), tout cela le programme, en quelque sorte, pour téter le sein. 

    Son organisme est également fait pour recevoir le lait de sa mère. Son immaturité immunologique, ses besoins nutritionnels, ses besoins de contact et de chaleur, sont des facteurs parfaitement couverts dans l'acte de l'allaitement au sein. Gardons-nous cependant de systématiser. Certaines mères pensent que le bébé va téter immédiatement. On a beaucoup parlé de ces minutes qui suivent la naissance et qui sont absolument essentielles. Alors quand le bébé, par hasard, ne veut pas téter malgré de bonnes conditions d'allaitement, c'est le drame. Rien ne va se passer puisqu'il ne s'est rien passé tout de suite? Il faut regarder les bébés et se dire que chacun est différent. Ce qui est important, c'est que la relation d'allaitement puisse s'instaurer sans entrave, ni facteurs extérieurs qui viennent interférer. La liberté du bébé et celle de la mère doivent être respectées. 

    Si un bébé tète immédiatement, il faudra à un autre un temps plus long. Une étude a été faite par les sages-lemmes suédoises pou évaluer l'impact de l'aspiration systématique à la naissance chez le nouveau-nés. Elles ont filmé et photographié les gestes spontané des bébés qu'elles avaient décidé de ne pas aspirer. Et certains de ces bébés, laissés sur le ventre de leur mère sans intervention intempestive, ont mis jusqu'à 50 minutes avant de prendre réellement 1 sein après toute une phase d'exploration: ils rampaient, ils léchaient le sein, ils lâchaient le sein, et ce n'est qu'au bout de 50 minute qu'ils se sont mis à téter vigoureusement. D'autres, par contre tétaient tout de suite. Nous avons vu l'importance, dans la prématurité et pour le bébés de petit poids, de la méthode « Kangourou» qui fait croître l'enfant peau à peau sur la poitrine de la mère. Mais à la limite, tous les bébés sont faits pour être des bébés kangourous. 

    Dans son livre la Peau et le Toucher, Ashley Montaigu, psychologue anglais, souligne le fait que le nouveau-né humain n'est pas, à sa naissance, au même degré de compétence que d'autres petits mammifères. Ceux-ci peuvent d'eux-mêmes venir prendre la mamelle ou s'éloigner de leur mère; le bébé humain n'a pas cette compétence. Tout bébé humain naît donc un peu prématurément. Et à 9 mois de grossesse correspond une durée à peu près identlque de 9 mois de vie qui va être le temps pendant lequel l'enfant va maturer pour s'éloigner lui-même de sa mère. C'est à peu près ver les 9 mois que le bébé peut partir et revenir vers sa mère. Avant, il est totalement dépendant des personnes autour de lui. Il est essentiel que pendant cette période, ses besoins, qui sont des besoins de chaleur d'être porté, d'être allaité à la demande, puissent être respectés.

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Extrait du livre  - ENFANTER le lien mère/enfant/père - publié par J.Bessonart pour sages-femmes du monde - editions frison roche Paris


07/02/2013
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page062 - sons et bruits

LE SON DANS LA RELATION MERE/ENFANT/PERE 

                                                                                A.Tomatis

 

L'oreille foetale 

     Lorsque je commençais à parler d'oreille foetale, il y a quarante ans de cela, j'avais vraiment l'impression de prêcher dans le désert. A chaque fois que j'évoquais cette éventualité qui, pour moi, était une certitude, on me disait que j'avais des fantasmes et l'on me traitait volontiers de «poète de la médecine ». Aujourd'hui, tout le monde admet que le foetus entend. C'est donc un fait acquis. Il reste bien sûr à savoir ce qu'il entend et, là encore, il faut se battre contre certains a priori. Mais l'essentiel est de reconnaître qu'il y a communication entre le foetus (et même l'embryon) et sa mère. Et peut-être aussi avec le père.

Dynamique de l'oreille foetale

    Pour comprendre la dynamique de l'oreille, il est nécessaire de plonger un petit peu dans son embryologie, au moment où elle se construit chez le foetus. Et nous saurons quels peuvent être les sons que le foetus est susceptible d'entendre dans le ventre de sa mère, quels sont ceux qu'il va pouvoir utiliser pour structurer le démarrage de sa linguistique ultérieure et, enfin, ce qu'il va entendre à la naissance. 
    L'oreille commence à se structurer dès les premiers jours de la vie de l'embryon. Vers le quinzième jour, on voit apparaître au niveau du système nerveux ce qu'on nomme la placode auditive, à partir de laquelle va s'élaborer l'oreille. A la troisième semaine, elle s'invagine et se ferme. Dès la quatrième semaine et demie, elle est déjà une vésicule qui va devenir une oreille interne. L'embryon n'a, à ce moment-là, que 6,3 mm. Je pense et j'oserais dire que déjà il commence à entendre quelque chose. En effet, lorsque nous réalisons des rééducations en plongeant les sujets dans l'audition intra-utérine, ceux-ci effectuent de nombreux dessins représentant avec une réalité absolument déconcertante la cavité utérine et ce qui peut se passer à l'intérieur de celle-Ci. On pense generalemenl que l'ensemble n'est pas fonctionnel, car il n'y a pas encore de branchement vers le cerveau, mais cela ne veut pas dire que l'oreille n'engramme pas des faits qu'elle gérera ensuite à l'occasion de la mise en route du système nerveux. 
Vers la vingtième semaine, c'est-à-dire à la moitié de la vie fretale, l'oreille interne est normale. Elle a atteint son état final, elle ne grossira plus. Elle va rester ce qu'elle est à cette époque. En même temps se contruisent, dans des conditions identiques de croissance, l'étrier, l'enclume et le marteau, c'est-à-dire les trois osselets de l'oreille moyenne
    Je précise donc que nous avons là une oreille interne et moyenne adulte qui ne changera plus dans ses dimensions. A cinq mois et dem, les nerfs vestibulaires et cochléaires constituant le nerf auditif vont se myéliniser, c'est-à-dire qu'ils vont avoir une activité fonctionnelle allant jusqu'aux noyaux, pour être ensuite totalement myélinisés sur l'aire corticale à la naissance. Le nerf auditif est le seul nerf complètement fonctionnel à la naissance. L'oeil viendra plus tard. 
    Quant à l'élaboration définitive du système nerveux, elle n'aura pas lieu, sur le plan des fibres associatives, avant l'âge de 42 ans. C'est dire l'énorme précession de l'oreille par rapport à l'ensemble du système nerveux. 
    Nous allons maintenant évoquer un point important concernant la cochlée. Cet appareil contient une cellule exceptionnelle qui s'appelle la cellule de Corti et qui va se répandre d'une manière non homogène sur la rampe cochléaire. Nous touchons du doigt l'une des clés de la communication intra-utérine. La cochlée a 32 mm de long, elle est 100 fois plus mince d'un côté que de l'autre; cela fait que les aigus, les médiums et les graves sont perçus à des endroits différents. Il y a quelques cellules dans les graves, un peu plus dans les médiums et 24.000 dans les aigus. L'écoute des aigus a des effets multiples. Elle stimule le cerveau qui a besoin d'excitation pour fonctionner. Elle prépare la verticalité et la lutte anti-gravifique. Actuellement, on ne sait plus se tenir droit et l'on fabrique des invertébrés à cause de cela. Si vous insonorisez trop, le système nerveux ne perçoit que les sons graves. Les sujets sont alors de plus en plus fatigués; ils s'affaissent, car ils n'ont plus la chance de pouvoir se recharger. 
    Par ailleurs, il est nécessaire de songer au changement de posture de la mère enceinte. Son ventre se place en avant et, peu à peu, il se crée une tension importante de sa colonne vertébrale, chacune des vertèbres étant tendue par les ligaments et les muscles d'une façon particulière. 

    Un véritable arc chantant va ainsi s'élaborer, et la voix de la mère va passer par la colonne vertébrale pour aller atteindre le foetus

    A noter aussi que le diaphragme change un peu de place; il est un peu abaissé. Nous retrouvons ce phénomène chez es grands chanteurs. Vous savez que les lemmes enceimes ont plus de facilité à chanter que les autres; et quand une cantatrice attend un enfant, elle chante encore plus facilement qu'avant. Cela peut se faire parce qu'elle est obligée de se tenir d'une certaine façon. Elle ne peut plus pousser pour chanter, et l'air sort plus naturellement. 
    Dans un autre ordre d'idées, citons le très beau travail réalisé dans une maternité de Vesoul. On a pu démontrer que lorsque la mère parle, les sons de sa voix descendent jusqu'au bassin qui constitue alors un véritable résonateur. Il se prend à chanter très fort au niveau des ailes iliaques, et il n'y a presque pas de perte d'énergie. La mère a donc une communication sonique forte, nette, avec son enfant avant la naissance. Je n'ai pas encore pu mesurer les bruits que réalise le fcetus, mais je pense qu'il en fait aussi et que la mère entend quelque chose. Il s'institue ainsi un vrai dialogue entre les deux protagonistes. 

«Est-ce que la voix du père passe, est-ce que la musique passe?»

    D'autre part, j'aimerais parler d'une autre expérience qui a été faite de nombreuses fois. On a mis des vibrateurs sur le ventre d'une femme, et l'on a placé une sonde dans un utérus (sans embryon ni foetus). On a alors constaté qu'il faut faire passer beaucoup d'énergie, 110 à 115 décibels, pour que le son se transmette d'une manière linéaire. Ce qu'il est intéressant de noter et qui fait l'objet actuellement d'un débat est le problème suivant: «Est-ce que la voix du père passe, est-ce que la musique passe?» Tout passe, certainement, mais en faisant intervenir des intensités importantes. 
    Heureusement, le foetus a une chance, aussi bien le foetus humain que celui des mammifères: son oreille, qui est adulte dès le quatrième mois et demi, ne perçoit pas tout. Sans quoi la vie dans un utérus serait impossible: bruits de creur, bruits du ventre, bruits de la respiration, bruits des mouvements de la mère, bruits du foetus lui-même. Cela ferait un tel tintamarre qu'il serait impossible de vivre dans une telle ambiance. L'oreille fonctionne donc comme un filtre; elle coupe les graves à partir de 2.000 hertz.     Prenez par exemple une voix de mère et faites-la passer dans les graves. L'enfant s'endort tout de suite parce qu'il manque de stimulations. Si l'on veut le dynamiser, lui donner envie de vivre, envie de se redresser, envie d'entrer en communication, donc en verticalité, il faut lui transmettre la voix de sa mère filtrée dans les aigus. A ceci près qu'il faut s'assurer que le message passe bien. En effet, il est nécessaire de trouver un moyen de faire travailler les deux muscles de l'oreille moyenne: le muscle du marteau et le muscle de l'étrier. Pour cela, on doit avoir recours à des bascules électroniques qui « ouvrent la paupière auditive» et permettent à la voix maternelle de passer, notamment, en conduction osseuse. A partir de ce moment-là, il y a transformation de la relation mère-enfan1 et apparition du désir de vivre, du désir d'écouter. 

    On a donc vu que la voix de la mère est transmise au fcetus dans la cavité utérine. 
On peut maintenant se demander si la voix du père est également perçue par l'enfant. Oui sans doute, mais d'une façon tout à fait différente, sous la forme de rythmes qui ne sont pas ceux de la voix maternelle. Il est évident que le fcetus est beaucoup plus sensible à la voix de sa mère qu'à celle de son père, quoi qu'en pensent certains chercheurs. La preuve en est que, si vous faites passer à un enfant après sa naissance la voix de sa mère filtrée à 8000 ou à 12000 Hz et perçue à travers des bascules électroniques, l'enfant réagit immédiatement. Il décode les signaux sonores qui, de prime abord, semblent totalement inaudibles, incompréhensibles. L'enfant, lui, les reconnaît, et il reconnaît uniquement ceux inhérents à la voix de sa mère. Il a une connaissance spécifique de cette voix qui l'a bercé tout au long de son cursus prénatal. Il y a là un important domaine de recherche à explorer, car il s'agit vraiment d'une des clés de l'humanisation au niveau de la communication primordiale, essentielle, qui se constitue pendant ces neuf mois et qui est à la base de la dynamique relationnelle après la naissance. 

    La mère va donc inonder tout le corps de son enfant avec les sons qu'elle émet et avec ceux qu'elle entend. 

    Elle va aussi imprégner tout le système nerveux de l'enfant de ces différentes informations soniques. Si bien que l'enfant va, après avoir quitté ce lieu paradisiaque, continuer de dialoguer avec sa mère d'une façon privilégiée. Vous connaissez toutes, vous, sages-femmes, ce que représente une telle communication de l'enfant avec sa mère. A un moment donné, le bébé va s'exprimer par des « areu-areu» s'il a une oreille française, des « hé-hé-hé » s'il est italien, etc. C'est-à-dire selon le milieu acoustique et ethnique auquel il appartient. 

    Ensuite, un autre jeu va se mettre en place. La babillage qui se crée n'a pas de valeur sémantique au départ, même si l'enfant dit : ma, ma, mama; c'est parce qu'il a faim et qu'il allonge ses lèvres que «ma, ma» va apparaître. S'il refuse la nourriture, c'est «pa, pa, pa» qui sera émis. Ce n'est que plus tard que l'enfant va faire la corrélation: tiens, quand je fais ma, ma, c'est ma mère qui arrive et quand je dis pa, pa, c'est mon père. Il y a une autre nuance intéressante, c'est le ton sur lequel cela est dit par l'enfant. Ce n'est pas «ma, ma» ou «pa, pa» sur un mode linéaire qu'il exprime, mais bien avec une intonation et des cadences qui montrent qu'il utilise son oreille droite ou son oreille gauche pour se contrôler. Et ceci est très important, car on voit se profiler tout le problème de la latéralité. 
    Pendant toute la vie, la symbolique droite-gauche jouera sur le comportement relationnel. Le capital maternel sera représenté au départ par les deux oreilles, mais bien vite l'oreille droite deviendra celle qui va contrôler le langage «paternel », celui qui s'imprime sur les «areu areu ». L'oreille droite sera donc l'oreille du père, de l'image solaire, du devenir, tandis que l'oreille gauche sera attribuée symboliquement à la mère, au passé, à la terre. Souvenez-vous, Gargamelle a fait naître son enfant par l'oreille gauche! 

En conclusion 
    Le son est sans conteste le support de la relation verbalisée dans la communication humaine. Celle-ci trouve son origine au plus profond de la nuit utérine, alors même que l'embryon génère son système audio-neuronal C'est grâce à la voix de la mère perçue à travers une oreille précocement conçue, et opérationnelle dès les premières semaines de la vie prénatale, que s'ébauche le désir de communiquer. Dès lors que ce stade est acquis, il se prolonge après la naissance par un langage spécifique qui se caractérise lors des premiers mois par le babil. 
    Le langage social, celui du père, se greffe alors sur les rythmes préétablis lors de l'intégration de la voix de la mère à travers les filtres de l'oreille foetale.
     Ainsi se précisent les stades successifs de la relation verbalisée mère-enfant-père que l'on peut définir de la façon suivante: - stade pré-babil: intra-utérin - stade babil - bégayage-éclosion du langage autocontrôlé - structuration du langage par apprentissage. Tandis que se mettent en place ces différentes étapes, le système nerveux se prépare à répondre à l'organisation imposée par la fonction parolière. 
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Extrait du livre - ENFANTER le lien mère/enfant/père - publié par J.Bessonart pour sages-femmes du monde - editions Frison Roche Paris


07/02/2013
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page067 - le lien périnatal

LE LIEN PERINATAL MERE/ENFANT/PERE,
ni luxe, ni vision de l'esprit mais quelque chose d'essentiel pour l'existence


Pendant la grossesse 

    Je voudrais vous présenter les compétences d'un petit enfant qui n'a décidé de vivre qu'à partir du moment où il a su faire naître le lien entre lui, sa mère et son père. Et il faut bien reconnaître que ce petit enfant, jusqu'à ce que nous le rencontrions, n'avait pas reçu beaucoup d'aide pour faire aboutir son projet.
 
    Les services de Protection maternelle et infantile et l'hôpital de pédiatrie, où Alexandre avait été hospitalisé de longs mois, nous ont mandatés pour le suivre, en nous disant:
 «Voilà un enfant de 8 mois. Il est né avec un poids insuffisant et a dû être transféré dans le service de réanimation où il a été malade. Pendant plusieurs mois, il refuse de grossir, il refuse de manger, il ne suit pas des yeux son entourage et l'on pense qu'il est aveugle. Il n'a aucune communication, et son environnement familial est dramatique. Sa mère a 18 ans et vit seule avec son propre père ». 

    La question se pose de savoir si Alexandre n'est pas le fruit d'une union incestueuse. Ce doute va être levé très vite pour laisser place à la certitude. Nous commençons avec Alexandre un travail pluridisciplinaire dont je ne suis qu'un élément. Et nous rencontrons beaucoup de difficultés, car Alexandre est élevé dans une chambre à part, sans lumière. Il n'en sort jamais, et sa mère n'a pas le droit de le sortir. Au bout de quelque temps, Alexandre nous rassure par ses progrès. Après deux mois de rencontres régulières, il éveille son regard et essaye de rencontrer le nôtre pour communiquer. On essaye alors de faire ressentir à cette maman toutes les capacités de son fils. 

    Il faut dire que la tâche est difficile. La maman a 18 ans. C'est son premier enfant. Elle a fait toute sa jeunesse dans les établissements pour enfants handicapés, car elle était considérée comme handicapée mentale. " Alexandre vit seul avec sa mère et son père/grand-père et nous pose beaucoup de problèmes par rapport au suivi. On essaye de faire comprendre à cette maman et à ce papa qu'Alexandre doit sortir de sa chambre où il vit seul, à longueur de journée. On propose de faire revenir, dans la famille, la grand-mère ainsi que les frères, sreurs, neveux et nièces d'Alexandre. On y arrive tellement bien qu'Alexandre revient vivre avec tout le monde. Il occupe tellement de place dans la maison, qu'on l'a posé sur un fauteuil et que quelqu'un ne l'ayant pas vu, s'est assis dessus. D'où fracture du fémur et plâtre! C'est vous dire le problème que nous rencontrons à ce momentlà. 

Nous nous disons que ce n'est pas possible qu'Alexandre puisse continuer à revendiquer le droit de vivre dans cette famille, d'autant plus que la situation est extrêmement difficile à nouveau. En effet, le ventre de sa maman s'arrondit. Elle est à nouveau enceinte, d'un 2e enfant, de la même origine qu'Alexandre.  

Comment accompagner tout ça ? Comment trouver la solution la moins mauvaise? 

    On va faire résolument confiance à Alexandre. De grandes mesures de séparation vont être prises, mais qui seront calculées de telle manière qu'Alexandre sera attendu par sa maman dans tous les endroits où il ira. Cette mère sera bien accueillie partout, et nous essayons de discuter avec elle de tout ce qu'elle n'a pas pu vivre avec son fils. Nous lui permettons aussi, pendant cette 2e grossesse, d'apaiser toutes les angoisses et toutes les peurs qu'elle pourrait avoir de faire naître un deuxième bébé qui aurait les mêmes difficultés qu'Alexandre. 

    C'est ici que je veux remercier les services de la maternité de Roubaix, les services de pédiatrie, la pouponnière, tout le service de PMI; tout le monde s'est articulé pour aider cette maman afin qu'elle soit capable d'amener progressivement Alexandre sur son creur et de porter ce nouveau bébé dans son ventre. Toute cette équipe va réussir ce miracle incroyable de faire naître cette maman à une double compétence. Alexandre va devoir séjourner pendant un moment en pouponnière, et la mère va devoir sortir tous les jours pour aller le voir. Elle y sera chaque fois très bien accueillie, et c'est en sortant régulièrement de chez elle qu'enfin elle va trouver « l'âme soreur ». C'est-à-dire un ami de ses frères qui, lui aussi, a fait (avec les frères) les établissements pour enfants handicapés mentaux. Cet homme-là va tomber amoureux de cette femme, et la vie va pouvoir commencer. Un jour, naît la petite sreur d'Alexandre, à terme, avec un poids normal. Pendant toute la grossesse, nous avons pu (mois par mois, semaine par semaine, jour par jour et parfois plusieurs fois par jour selon la demande) renforcer cette maman dans l'idée qu'elle était capable de faire naître un bébé qui irait bien, malgré la complexité des origines. Le fait que cette maman rencontre un autre homme que son père, qu'il l'amène vivre dans une autre ville pas trop éloignée, a été capital. Il l'a «kidnappée », arrachée à ses origines, il l'a aidée à faire naître à terme un bébé de poids normal qu'elle a pu garder dans les bras à la maternité, une petite fille qui ne sera jamais hospitalisée. C'est en naissant à cette compétence d'être mère, dans ce 2e accouchement, que cette maman est confortée dans l'idée qu'elle peut être la maman d'Alexandre. 

    C'est à ce moment-là qu'elle le reprend de la pouponnière et qu'elle devient réellement la maman d'Alexandre. Alexandre retrouve sa place dans la nouvelle maison que le nouveau papa lui a donnée ainsi qu'à sa soeur; c'est lui qui est à l'origine de ce lien qui va se tisser entre cet homme et ces deux enfants qu'il va reconnaître et dont il va épouser la mère. Deux ans se sont écoulés depuis notre première rencontre. Et nous mesurons bien que le plus grand danger et le plus grand risque aurait été de ne pas courir de risques, risques qu'il faut calculer de manière consciente et lucide. Il faut être capable de remettre en cause nos stratégies quand on s'est trompé.

     Alexandre commence à se mettre debout et est très fier de cet exploit. Il mettra plusieurs années à récupérer une motricité autonome. Le nouveau papa d'Alexandre est devenu « très fort papa» puisqu'ils attendent le 3e enfant dans cette famille, et les soeurs d'Alexandre n'ont jamais posé aucun problème de santé, de placement, de retard scolaire. Tout s'est « normalisé» au sein de cette famille. 

Remarques en forme de conclusion 

    C'est très essentiel et très important de mesurer que le lien qui existe entre enfant/mère/père, ça n'est pas véritablement ni un luxe, ni une vision de l'esprit. C'est quelque chose d'essentiel et de fondamental.  
    Cela peut passer inaperçu quand la vie est trépidante, quand la vie court et qu'il n'y a pas de problèmes urgents à résoudre dans l'existence. Par contre, cela apparaît comme une entité vitale et fondamentale, à partir du moment où se font jour de graves problèmes existentiels dans la vie. C'est peut-être à ces moments où on se dit que tout va mal, comme cet enfant est malheureux, comme il souffre. On va faire quelque chose. Alors, on sort l'enfant de sa famille. Je pense que c'est toujours dangereux et très risqué de prendre l'enfant à sa famille. 
    On ne mesure pas assez, à ce moment-là, que cet enfant peut être partenaire dans une action de sauvetage et qu'il peut déployer une compétence, un savoir-faire sauveurs. Après tout, il a choisi quelque part, lui, de naître entre cette mère et ce père; il est là vivant. Essayons de réfléchir ensemble, pour savoir quels sont les moyens à mettre à sa disposition, en veillant bien effectivement à ce qu'il soit capable d'en tirer profit, quels sont les moyens à mettre à la disposition de sa famille pour que tous grandissent à la vie.
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Extrait du livre ENFANTER le lien mère/enfant/père publié par J.Bessonart pour sages-femmes du monde - aditions Frison Roche à Paris


07/02/2013
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page071-l'enfant unique en Chine

L'enfant unique en Chine - Dominique Liabeuf-Svartzman

Ce qui nous intéresse aujourd'hui, c'est l'enfant unique en Chine. Mais avant d'en parler, il serait nécessaire de parler de ce qu'était la famille traditionnelle chinoise et de ce qu'elle est dans les endroits où la tradition demeure fortement ancrée. Liu Yutang, un historien chinois, explique comment le régime familial n'existait pas dans le sens sociologique du terme. La famille n'apparaissait que comme base de l'Etat ou plutôt comme base de la cohésion sociale. «Pour bien gouverner un Etat, mets de l'ordre dans ta famille », disait une sentence. A la campagne, la famille est une unité productive. Pour la société chinoise, la famille ou le clan familial était l'unité de base, réuni autour du Temple des Ancêtres. Le mot Guojia (pays, Etat) est d'ailleurs composé du mot guo (fief) et jia (famille).
 
Quels sont les liens familiaux 

    Ils sont tous basés sur les lois confucéennes d'obéissance. Pour l'homme, obéissance à son père, à son suzerain. Pour les femmes, obéissance à son père, puis à son mari, enfin à son fils aîné. Les lois d'obéissance sont consignées dans 24 livres que l'on donnait à lire aux petits garçons. L'idée principale était celle de la piété filiale. Le premier lien qui unit l'enfant à son père, est un lien d'inféodation. L'idée du respect prime, dans la famille chinoise d'autrefois, sur l'idée d'affection. Il y a très peu d'intimité entre un père et son fils, à plus forte raison entre un père et sa fille. Par contre, les liens affectueux ne sont pas inconvenants entre petits-enfants et grands parents. La grossesse éloignait les époux plus qu'elle ne les rapprochait. L'époux se rapprochait de sa femme lorsqu'elle était purifiée des souillures de l'accouchement et que l'enfant pouvait recevoir un nom, environ trois mois après sa naissance. 

Qu'est-ce que le bonheur familial?

 
    Un patriarche qui vit très vieux, entouré d'une nombreuse descendance, surtout des petits-fils qui perpétueront le culte des ancêtres et le nom de la famille. Le bonheur se résume à quatre générations sous le même toit. 

Qu'est-ce que le mariage? 

    Un arrangement décidé par le patriarche, par les grands-parents ou les parents. Les futurs époux n'ont aucun droit quant au choix de leur futur conjoint, et bien souvent ils ne se connaissent pas avant la date de leur mariage. La femme ira vivre dans sa belle famille et se mettra avec plus ou moins de bonheur au service de ses beauxparents, de sa belle-mère et de son mari. Quand un homme se marie, ce n'est pas une femme qu'il épouse, mais une belle-fille. 

Qu'est-ce qu'une naissance?
 
    C'est d'abord un devoir pour la belle-fille que d'assurer une descendance pour la belle-famille. La naissance d'un fils consolide sa position, la mettant à égalité avec son mari. La naissance d'un garçon signifie la perpétuation du groupe, la meilleure garantie de la future existence des parents lorsqu'ils arrivent à un âge avancé. Ce n'est pas un fils qui naît, mais un petit-fils.. En résumé, les liens qui unissaient le père, la mère et l'enfant, n'étaient pas des liens qui se tissaient à trois, mais plutôt des liens par voie hiérarchique. Les époux ne s'étaient pas choisis par amour, l'enfant devait respect à son père. La mère était comme une étrangère dans sa belle-famille, c'était à elle de s'intégrer; elle n'y arrivait parfois jamais jusqu'à ce qu'elle joue elle-même le rôle de belle-mère. Le seul lien affectif qui lui restait, c'était celui qu'elle avait avec son enfant, et l'on comprend alors l'importance de la mère  chinoise et de l'ascendance qu'elle exerce sur ses enfants et surtout sur ses fils qui ne la quitteront jamais. 

Politique de l'enfant en Chine 

    Maintenant, quelle est la situation générale de la politique de l'enfant unique en Chine? Elle est largement suivie dans les villes, où 80 % des couples la respectent; par contre, à la campagne, là où la tradition est vivace, les paysans y sont généralement réticents. Le gouvernement a dû cette année assouplir la loi sur l'enfant unique de 1979 : au cas où le premier descendant est une fille, une deuxième naissance est autorisée. C'est pourquoi nous parlerons de l'enfant unique et de la formation des familles citadines.
 
Qu'est-ce qui a changé maintenant? 

    En 1949, la polygamie a été abolie. Les femmes se sont mises à travailler et ont pu toucher un salaire, ce qui leur a donné une certaine autonomie au moins financière. Elles peuvent - quand elles vivent encore sous le toit de la belle-famille - dire leur mot quant aux dépenses du ménage. On voit alors une belle-fille plus forte face à sa belle-mère. 
    Il y a ensuite une tendance à la dispersion de la grande famille au profit de la famille nucléaire. Cependant ces dernières années, en raison du manque de logements, la tendance s'inverse. Les jeunes couples vivent avec les parents. Mais même parmi les jeunes gens à la mode, l'importance du clan familial se fait toujours sentir. Le nouveau mode d'habitation, petits appartements dans de grands immeubles, ne permet plus à la grande famille de vivre selon le mode de famille associée. Mais même si l'on y voit un phénomène de nucléarisation de la famille, il s'agit plutôt d'une grande famille éclatée. Malgré le système de retraite et les soins médicaux gratuits dont jouissent en ville les personnes âgées, le gouvernement encourage la solidarité familiale; et le code du mariage stipule que tous les membres d'une famille se doivent assistance: parents, enfants, petits-enfants. Cette entraide familiale était large du fait du nombre de branches qu'elle comportait, oncles, tantes, cousins, etc. Mais avec la politique de l'enfant unique, tout repose sur ce dernier. On parle en Chine du «symptôme 4.2.1. »: tant que l'enfant est petit, six personnes s'occupent de lui; arrivé à l'âge adulte, il aura à charge six personnes, ses 4 grands-parents et ses deux parents, sans compter la famille qu'il formera lui-même. On peut comprendre la préoccupation des autorités pour le phénomène de vieillissement de la population. On peut aussi comprendre la préoccupation de toute la famille pour cet unique héritier Tout le monde s'y met pour lui offrir ce qu'il y a de mieux.
     Il faudra prendre en compte deux aspects pour cerner les liens qui unissent mère-enfant-père : 
1/ Inclure, dans ces liens, la présence des grands-parents; 
2/ Constater l'apparition du père dans l'éducation de l'enfant et par là même du rapprochement affectif père-enfant. Le père actuel entre dans le domaine autrefois réservé aux femmes, alors que cela fait bien longtemps que la mère est entrée dans le monde « masculin» du travail. La présence des grands-parents est primordiale. C'est bien sou vent eux qui s'occupent des petits-enfants pendant que les parents travaillent. Les liens affectifs qui existaient autrefois entre petits enfants et grands-parents, sont restés tels quels. Qui s'est promené en Chine, a pu remarquer l'extrême bienveillance des personne: âgées à l'égard des enfants. Alors, même si ce n'est plus l'ancienne génération qui prend toutes les décisions familiales, elle n'en reste pas moins active dans la répartition des rôles familiaux. 
    Peu à peu, la société chinoise devient une société concurrentielle. Les parents, dès la naissance de leur enfant, s'inquiètent e tâchent de lui donner ce qu'ils ont de mieux. Cela commence par la nourriture, ils n'hésitent pas à achete les produits les plus chers, pensant qu'ils sont plus nutritifs. Chacun connaît les inquiétudes des parents pour leur premie enfant, surtout quand il arrive tard. La marque la plus visible de cette inquiétude chez les jeunes parents chinois, est la surprotection de l'enfant. Tout lui est dû : il est au centre de la famille, le petit génie, le petit bijou. Il ne faut surtout pas le contrarier afin de ne pas gâter son caractère. Lorsqu'on demande aux parents ce qu'ils attendent de leur enfant, la réponse est très nette. Conforme à la société, il devra être performant. On ne lui laisse guère le choix. Bien souvent, les parent super-éduquent leur fille ou fils sans s'inquiéter de ses goûts personnels. On achète violon, piano. Les résultats ne sont pas toujour bons, et c'est le drame si l'enfant ne donne pas ce qu'on attend de lui. Dans un autre ordre des choses, on peut dire que ce n'est pas le père qui sépare le fils de la mère; l'enfant, d'habitude, dort dans le lit parental, d'où le père est parfois éjecté. 
    C'est la société « sans intermédiaIre », qui s'occupera d'enfiler  le coin qui apprendra a l'enfant l'existence de l'autre. La « société », ça peut commencer à 3 ans, à la maternelle, ou à 6 ans, au moment de la scolarisation. Dans tous les cas, elle cherchera un développement intensif des vertus de participation dans un groupe rarement organisé autour d'activités spontanées, mais toujours surcodé par les initiatives de la maîtresse; dur apprentissage du principe de réalité. « Pédagogie» est le grand mot à la mode. Tous les médias donnent d'incessants conseils aux parents désemparés face aux enfants. Pour cela, la société a dû entamer une délicate et courageuse mise en cause des vertus traditionnelles et des tabous ancestraux: on commence à parler, par exemple, de la problématique sexuelle chez parents et enfants. On invoque la «scientificité» des méfaits des rapports sexuels après le 7ème mois de la grossesse; ça provoquerait des contractions utérines. On admet de même la reprise des rapports trois mois après l'accouchement. Tout le monde s'accorde là-dessus: il faut « éduquer les parents ». Cela se passe pardes prêches et des conseils, mais aussi par leur culpabilisation. Le cas d'un garçon battu à mort par sa mère à cause des mauvais résultats scolaires, provoqua bien plus que de l'indignation; il donna lieu récemment à une grande discussion nationale sur les exigences qui pèsent sur les «petits empereurs» et les moyens qu'on utilise pour «transformer au plus vite le fer en acier ».
 
Politique actuelle 

    Selon Lester R. Brown, il faudrait, pour résoudre l'équation population-nourriture au niveau mondial, compter beaucoup plus sur le planning familial que sur la culture à haut rendement qui épuiserait rapidement les ressources hydrauliques. Pour certains pays, le fragile équilibre entre population et production agricole est précaire. C'est le cas de la Chine qui doit faire face à une démographie galopante. Ces dernières années, ce pays enregistre son troisième baby-boom, contrecoup de celui des années 60 - 70. D'autre part, il est particulièrement et fréquemment frappé de calamités naturelles qui ne font qu'aggraver le problème; inondations, érosion des terres cultivables ainsi que leur salinisation, qui font perdre chaque année plusieurs millions de terres arables. 
    C'est pourquoi, dès 1979, la Chine entreprend d'appliquer un rigoureux planning familial; un couple = un enfant. Les mariages tardifs et les naissances tardives sont également encouragés. Mais la politique de l'enfant unique est une raison d'Etat qui  ne correspond que rarement au désir individuel des citoyens. C'est pourquoi les résistances au planning familial sont grandes. Deux cas de figures se dessinent nettement, l'un en ville, l'autre à la campagne. 

Prise de conscience en ville 

    C'est en ville que les couples n'ont droit qu'à un seul enfant. Il n'est pas rare d'entendre cette phrase: « nous sommes vraiment trop en Chine, c'est insupportable ». Il faut faire face à la crise du logement qui, pour les jeunes couples, représente le problème majeur avant celui de l'enfant unique. La population civile est bien informée par les mass-média, et il semble qu'il y ait une réelle prise de conscience. 80 % des couples respectent la politique de l'enfant unique. Mais, malgré tout, l'idée de n'avoir qu'un enfant est vécue comme un sacrifice (à part une infime proportion de parents). Les autres regrettent amèrement que l'on n'ait pas écouté les conseils de Zhou En Laï et du célèbre démographe des années cinquante, Ma Yin Chu (traité à l'époque de malthusien) : tous deux préconisaient deux enfants par couple. «Nous n'en serions pas là maintenant », entend-on encore. Mais déjà, l'idée d'un troisième enfant semble avoir disparu.
 
A la campagne 

    Les campagnes ont toujours été plus réticentes que les villes à n'importe quel genre de planning familial. La réforme à la campagne a encore accentué cette tendance. Évidemment, les terres sont distribuées au prorata des habitants, et plus que jamais la famille paysanne, qui constitue une véritable unité productive, a besoin de bras forts pour labourer la terre, en l'occurrence d'une descendance masculine abondante. D'autre part, à la campagne, la tradition familiale est encore très vivace; la structure de base repose sur la succession patrilinéale. La famille idéale est composée de plusieurs générations vivant sous le même toit, d'une nombreuse descendance et surtout de nombreux fils: ce sont eux qui perpétueront le nom du clan. Ce sont eux aussi qui assureront la vieillesse des anciens, car le système de retraite n'existe pas à la campagne (à part dans quelques communes enrichies). Les filles, elles, quittent la maison lorsqu'elles se marient et vont vivre dans leurs belles-familles, les garçons restant chez leurs pères. On comprend alors très bien ce que représente, pour les paysans, une brusque réduction de la descendance, d'autant plus si le bébé est une fille. C'est pourquoi les autorités chinoises autorisent une deuxième tentative si le premier enfant est une fille. 

En résumé, une famille qui comprend plusieurs fils est capable d'assumer le soutien des plus âgés, mais elle est aussi un obstacle au planning familial. 

Problème de sexe 

    Il est bien évident qu'à la campagne, le sexe masculin est valorisé par rapport au sexe féminin. La recherche du garçon à tout prix est la plus grande cause de l'échec du planning familial à la campagne. Cependant, il se dessine en Chine de petits changements. De nombreuses entreprises rurales se montent et emploient une majorité de femmes. Celles-ci ramènent à la maison un salaire qui leur donne une certaine autonomie, leur rôle dans la société est revalorisé et permet à la jeune femme de ne plus être totalement sous la coupe de la belle-mère. Malgré tout, les chiffres sont parlants. 
    Au niveau national, il y a 107 garçons pour 100 filles! Ce phénomène n'est pas nouveau en Chine, il a toujours existé. Dans certains districts, la proportion peut atteindre 125 garçons pour 100 filles (selon Domenach et Hua Chi Min dans Le Mariage en Chine). Mais de telles proportions sont des cas isolés et épisodiques qui dépendent essentiellement des conditions de pauvreté. Il se peut aussi que si l'on se base sur les registres officiels, les naissances des filles ne sont pas déclarées pour permettre aux familles d'avoir enfin le garçon tant désiré. 

En conclusion 

    Le lien mère-enfant-père n'est pas un lien en soi. Il ne prend toute sa valeur et son importance que parce que cette unité qu'est la famille se trouve à la base de la société. . En ce qui concerne la Chine, il me semble essentiel, pour comprendre ce que sont les liens qui unissent les membres d'une famille, de retracer dans les grandes lignes l'histoire de la famille traditionnelle chinoise et les grands changements de la Chine actuelle. Les liens familiaux ont toujours été les charnières de l'organisation sociale et institutionnelle de la Chine. La lignée patriarcale, le culte des ancêtres, la morale confucéenne, la dépendance de la femme, d'abord de son père, puis de son mari, et enfin de son fils aîné, ont depuis toujours soustrait la famille à la sphère du« privé », pour la placer au centre du domaine «public ». Depuis quelques années, ce schéma culturel se trouve bouleversé par la politique de l'enfant unique. 
    La disparition de la «grande famille, où quatre générations vivent sous le même toit », entraîne dès maintenant une redistribution des rôles et soulève une infinité de nouveaux problèmes: systèmes de retraite, système de garde d'enfants, redéfinition du rôle de la femme dans le marché du travail, et du statut juridique du couple. Tous ces changements ont fondamentalement modifié l'attitude familiale vis-à-vis de «l'enfant »... unique héritier. S'en trouvent profondément modifiés les liens mère-enfant, père-mère, mère-enfant-père. Une fois que le contrôle de natalité aura réussi, au moins en ville, et que la majorité des personnes ne connaîtra plus l'usage des mots «frère aîné », «sceur cadette », «grand cousin », etc., à quoi ressemblera cette société fondée depuis des millénaires sur de tels rapports? 
    A la campagne, le schéma est différent, car la tradition régit encore fortement les comportements sociaux et familiaux. Les entorses faites à la politique de natalité actuelle ont contraint à l'assouplissement de la loi sur l'enfant unique (on laisse les couples faire un «nouvel essai» au cas où ils auraient procréé une fille à la première tentative). Il y aurait encore beaucoup à dire sur les minorités nationales, sur les enfants nés «hors la loi », etc., mais le propos est plutôt de faire le tour de la société moderne actuelle dans son ensemble et d'en tirer les traits les plus marquants. 
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Extrait du livre - ENFANTER le lien mère/enfant/père - publié par J.Bessonart pour sages-femmes du monde - editions Frison Roche Paris
 

07/02/2013
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page079 - être père aujourd'hui

PAROLES DE PERES

                               « Le père c'est celui qui aime... » Marcel Pagnol 

                                                 Mongabay.com

                    Etre père aujourd'hui en France RONALD MARY journaliste
 
Dans notre enquête, la plupart du temps la paternité nous a paru être menée en commun avec la maternité, en parallèle. Je voudrais parler tout de suite d'une chose: A la question: « Qu'est-ce qui aurait pu empêcher l'éclosion du sentiment de paternité? », beaucoup de pères ne nous ont pas répondu parce que cela ne les concernait pas. Et ceux qui nous en ont parlé l'ont fait assez rapidement.

L'harmonie  
    Pour le père, l'harmonie c'est aussi important que pour la mère, et cette rupture d'harmonie est une raison souvent avancée par les pères comme ne facilitant pas la paternité. Roger, animateur en entreprises, explique qu'il a eu plus de mal à se sentir père pour son second enfant que pour son premier à cause de la séparation familiale entraînée par la naissance en maternité. Sa fille de trois ans ne pouvait pas entrer dans la chambre de sa mère où était le bébé. Cela a duré quelques semaines avant que le père investisse de son amour cet enfant qui était en chambre. Les pères reviennent souvent sur cette séparation du début. Il y a aussi la césarienne urgente où l'instant se transfor-
me en intervention chirurgicale ..., la mésentente du couple, etc. 

Etre père, c'est un jour... à une occasion 
    Il n'y a pas de moment précis, défini, où le père se sent concerné par son enfant... c'est un jour, à une occasion. Mais ce qui importe, c'est la structure du lieu où naît l'enfant. Peut-être que la naissance à domicile pourrait favoriser un attachement précoce des pères à leurs enfants? Mais quand se sent-on père? Il n'y a aucun moment précis et beaucoup de moments à la fois. Il y a ce couple qui dit: «Nous avons eu beaucoup de mal à faire cet enfant pendant 18 mois. Nous avons subi des inséminations artificielles». Il y a là une osmose complète entre l'homme et la femme. Et Alain me disait:« Je me suis senti père dans une cabine téléphonique» quand au téléphone le laboratoire lui a confirmé que c'était positif. Vous voyez que les lieux et les moments peuvent paraître incon-
grus! 
    Autre moment, le moment de la conception. Plusieurs hommes nous ont affirmé avoir fait l'amour d'une façon très particulière en pensant, à ce moment-là, que c'était pour faire un enfant. Ils se sont dit: «Je fais un enfant». Encore un moment très important lié à notre société de technologie, c'est l'échographie. C'est vrai que la mère ressent en elle un bouleversement physiologique. Mais pour le père ce n'est qu'une idée, de la théorie, un concept et soudain, sur un écran, ça existe, ça vit, ça bouge. C'est un moment important pour les pères, et beaucoup d'entre eux, depuis quelques années, récupèrent la petite photo pour la mettre au début de l'album de photos de leur enfant. 
    Il y a aussi ce sentiment vécu depuis très longtemps et dont on commence un peu à reparler: la couvade. Beaucoup de pères expliquent maintenant qu'ils se sont sentis pères au moment des rondeurs de leurs femmes; plus ça s'arrondit, et plus ils se sentent investis et responsables. Je connais un père qui aidait sa femme à monter les escaliers parce qu'elle était un peu lourde. Il se mettait derrière et il la poussait. Cette façon de s'investir dans l'espace vital de sa femme a été sa façon de devenir père, de s'assumer et de dire à sa compagne: «tu vois, je suis père aussi ».
 
Le grand moment... le jour de l'accouchement 
    Mais le grand moment où le père commence à se sentir père, c'est le moment de l'accouchement. Et alors là, il y a autant d'histoires qu'il y a d'accouchements.  J'en ai retenu un qui est brocanteur et poète. Il s'appelle Alain et il dit : «J'ai eu la sensation de devenir père le jour où les douleurs ont commencé pour ma femme. Auparavant, je n'avais pas eu l'impression de participer à sa grossesse, mais j'ai éprouvé ces douleurs d'une façon très particulière: ça a duré très longtemps, six ou sept heures. Pendant tout ce temps-là, je souffrais avec elle et j'écrivais ». Sa façon d'accoucher c'était d'écrire. « Le troisième être existait déjà avec nous par l'intermédiaire de cette souffrance que je ne pouvais partager que mentalement». Voilà quelqu'un qui vit la douleur de l'accouchement en même temps que sa femme et qui trouve un palliatif à cette douleur (qu'il ne vit pas dans son corps) en écrivant. 

Le moment où on devient «copain avec ce petit bout-là... » 
    D'autres ont vécu ce moment de façon très particulière, moment de tension: «le bébé s'est trouvé coincé dans l'utérus, explique un père, on voyait très nettement qu'il souffrait sur le monitoring. J'ai senti une telle proximité entre la vie et la mort que j'en ai été bouleversé. Et c'est là que je me suis senti père, soudain investi d'une responsabilité. Je me suis tout de suite senti très, très copain avec ce petit bout-là». 
    A ce moment de l'accouchement, il y a aussi des pères pour qui c'est pénible. C'est vrai que les hommes ont envie de s'investir dans l'accouchement, dans la grossesse de leurs épouses, mais peut-être ne faudrait-il pas qu'il y ait des règles définies .., Il y en a un qui souffre avec sa femme et qui est bien. Si vous l'enlevez de la proximité de sa femme, il souffrira encore plus. Un autre est dans la salle de naissance, et le médecin lui tend «ce paquet gluant et verdâtre que je n'ai pas envie de toucher». Il ne va accepter son enfant, sa fille, que le lendemain quand elle a été lavée, quand c'est un bébé présentable du même type que celui des magazines. Ne pas imposer aux pères une attitude ou une autre. 
Il faut aussi qu'ils puissent avoir le choix de dire oui ou non.
 
C'est le bébé qui fait naître le père 
    Pour d'autres pères, l'accouchement a été le bouleversement de leur vie. Certains d'entre eux nous ont parlé de ce moment où l'on pose le bébé sur le ventre de la mère, silence... et le papa parle. Alors, l'enfant se retourne et regarde vers cette voix qu'il reconnaît. Et là le père se sent reconnu, et naît le sentiment de paternité sur un regard, quelque chose d'impalpable et que seuls deux êtres pouvaient ressentir: le père et cet enfant. En fait, c'est le bébé qui fait naître le père. Plus schématiquement après ce moment de l'accouchement quelques hommes se sentent pères dans les premiers jours du retour à la maison; d'autres, c'est au premier biberon qu'ils vont prendre en charge. Encore une fois cette idée de responsabilité. 
    Certains pères ne se sentent pas pères tant qu'ils n'ont pas assuré un minimum de responsabilité à quelque niveau que ce fût, changer l'enfant ou passer l'aspirateur. Parfois aussi, et c'est fréquent, ce sont les pères qui ont passr leur première nuit blanche auprès du bébé. Ça a été un moment de réflexion et de tête-à-tête intéressant avec ce bébé qui vit. Le père se sent concerné par cet enfant. 

Le rite de l'état-civil 
    On vit une société qui n'a plus beaucoup de rites, et c'est vrai qu'un des rites attachés à la naissance est le rite de l'état civil. 95 % des pères se sont sentis pères et investis au moment où ils ont signé l'état civil et au sortir de la mairie où il y a ces quelques minute! de béatitude « sur un petit nuage» : «je ne suis plus le même. Ma vie ne sera plus comme avant ». 
    Aussi, il semble que ce soit um erreur que les lieux d'accouchement déclarent les enfants systématiquement à la place des parents. Que ce service existe, parce qu'il  a des gens qui en ont envie, soit. Mais, encore une fois, il ne faut pas l'imposer. Car beaucoup de pères, en allant à la mairie, et au sortir de la mairie, ont vécu quelque chose de très particulier, ur moment de passage. Et une société qui n'a plus de moment de passage devrait conserver ou retrouver certains de ces moment! pour s'équilibrer.
  
LE PÈRE, C'EST L'AMOUR       
    Enfin, l'idée qui revient chez les pères c'est l'amour. On devient père au moment où l'on aime. Je me souviens de Marcel Pagnol faisant s'exprimer César, le père de Marius, disant à celui-ci, à propos de l'enfant qu'il avait fait à Fanny avant de fuir: «quand il est né ton petit, il pesait 4 kilos, aujourd'hui il pèse 9 kilos et ces 5 kilos: c'est 5 kilos d'amour ». Et lorsque Marius proteste, arguant que c'est lui qui lui a donné la vie, César répond: «les chiens aussi donnent la vie, et la vie tu ne la lui as pas donnée, il te l'a prise. Le père c'est celui qui aime... » 
En effet, le moment où l'on se sent père, c'est le moment où l'on commence à aimer. 

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Extrait du livre - ENFANTER le lien mère/enfant/père - publié par J.Bessonart pour sages-femmes du monde - editions Frison Roche Paris

07/02/2013
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page104 - naître du XV° au XX° siècles

La relation du couple avec l'enfant en Europe 
au cours des quatre derniers siècles
XV° au XX° siècles

    JACQUES GELIS
historien



    Pour comprendre ce qu'était le lien mère/enfant/père autrefois, il faut avoir en mémoire trois données qui, à toute époque, font l'homme au quotidien: d'abord sa vision du monde et de l'espace, ensuite sa conception de la vie et de la succession des générations, donc de l'écoulement du temps, enfin sa conscience du corps, de ce corps qui fait l'individu, puisque la naissance est la production d'un corps par un autre corps, et au sens fort du terme une incarnation.

Deux approches contradictoires

    Le lien mère/enfant/père aux siècles passés a fait l'objet de deux approches contradictoires, aussi éloignées l'une que l'autre de la réalité. La première donnait une vision optimiste du passé; elle reprenait les idées de Rousseau qui, au XVIIIème siècle, avait voulu réhabiliter «les liens naturels» dégradés à ses yeux par la civilisation. Cette approche pleine de bons sentiments usait beaucoup de l'image idéalisée du bon père et de la bonne mère; elle avait la faveur du mouvement intellectuel, était portée par les médias de l'époque, et correspondait à une sensibilité qui allait s'exprimer jusqu'à l'époque romantique.
    L'autre approche condamnait au contraire sévèrement les relations que les parents entretenaient autrefois avec leurs enfants, surtout à la campagne. On estimait en effet que le père et la mère n'avaient pas le comportement que l'on aurait été en droit d'exiger d'eux. On croyait voir dans leur conduite beaucoup de négligence coupable, d'insensibilité, bref une relation quasi anormale. Cette thèse reprise récemment allait jusqu'à énoncer que ces parents-là n'aimaient pas leurs enfants... C'était tout bonnement juger les attitudes passées avec des critères d'aujourd'hui, et par là se priver de comprendre ce que ressentaient réellement les parents à l'égard de leurs enfants.

Des liens autres, mais bien réels

    Ces deux regards, on le voit bien, sont excessifs; ils offrent l'un et l'autre une image déformée de la réalité. Les parents d'autrefois n'étaient ni de très bons, ni de très mauvais parents; mais ils vivaient dans un autre milieu, ils avaient d'autres valeurs, et donc une manière différente d'envisager leurs relations avec leurs enfants.

    Si l'on veut découvrir ce qu'était réellement le lien mère/enfant/ père aux siècles passés, il faut repousser à tout prix les clichés réducteurs et éviter de confondre deux choses: la nature des sentiments et leur expression. On sait bien que la qualité des sentiments est toujours difficile à saisir; l'entreprise d'ailleurs est encore plus hasardeuse lorsqu'il s'agit du passé, parce que la mémoire ne conserve bien souvent que l'anormal. Seules les causes exceptionnelles - celles qui ont été portées devant les tribunaux par exempleont laissé une trace. Et la tentation est grande alors de prendre l'anormal pour la norme.

Un partage des tâches?

    Entre le père et la mère, le partage des tâches était la règle; un partage des tâches et des rôles qui commençait dès l'apparition de l'enfant. L'accouchement dans les sociétés à dominante rurale du monde occidental était du ressort exclusif des femmes; jusqu'au XIXe siècle, l'homme n'assitait pas à l'accouchement; il demeurait à l'extérieur de la pièce où la femme donnait naissance à son enfant. L'appel au père ne se justifiait qu'exception-
nellement, lorsque les choses tournaient mal; la femme tardait à accoucher, se débattait de douleur? On faisait alors entrer le mari pour la tenir. L'arrivée du père sur la scène de l'accouchement n'était donc pas très bon signe. L'image d'un père assistant sa femme pendant ses couches n'est pas historiquement fondée.
    Le père n'intervient guère non plus dans la manière d'élever l'enfant; ce n'est que lorsque l'enfant mâle reçoit ses premières culottes, à trois ou quatre ans, que le père commence à prendre en charge son éducation. Et encore faudrait-il faire une distinction entre ville et campagne. 
    Quant à la fille, elle demeure toujours « du côté» de la mère. Le partage des tâches ne signifie pourtant pas que les cloisons sont parfaitement étanches. Il peut y avoir de temps à autre des passages, entre ce qui est du ressort du père et ce qui est du ressort de la mère. Il y a surtout dans les sociétés rurales des siècles passés une influence très forte du milieu, du groupe familial, de la communauté dans laquelle l'enfant vit. Ce qui signifie qu'on ne peut réellement comprendre ce qui se passe entre mère/enfant/père qu'en sortant de cette trilogie. 
    L'enfant appartient en effet tout autant à la lignée, à la communauté qu'à ses parents. Il est vraiment considéré comme un produit collectif. En coupant le cordon, on donnait bien entendu son autonomie au corps de l'enfant; mais cette autonomie était socialement fictive, car l'enfant ne cessait jamais vraiment d'être solidaire du grand corps de la lignée. Et ce sentiment d'appartenance était tellement fort qu'il se perpétuait toute la vie.

Une nouvelle conception du monde et de la vie

    Un changement d'attitude commence à se manifester dans les sociétés urbaines du monde occidental, à partir de la Renaissance, parallèlement à l'émergence de l'individu. Dans les villes de Randre et d'Italie, au XV, siècle, l'homme commence à prendre ses distances avec le grand corps de la lignée. La ville est un milieu construit par l'homme, où la perception de la « nature)) s'estompe progressivement aux siècles modernes. La conscience d'un rapport avec la Terre-Mère tend ici à disparaître. Et les relations familiales vont s'en trouver affectées. Désormais, la famille large compte moins; on accorde par contre beaucoup plus d'importance à la famille étroite: le père, la mère et les enfants. Or ce changement dans les relations au sein de la famille résulte d'un certain nombre de modifications fondamentales.
    Trois faits ont fortement contribué à la mutation des comportements. D'abord la nouvelle image du cosmos, avec Copernic et Galilée: à la conception d'un « monde clos se substitue alors celle d'un « univers infini : une autre manière de se situer par rapport à la création. Les grandes découvertes, celle du continent américain surtout, sont venues également bouleverser le rapport à l'espace; alors que le rapport au temps venait justement lui aussi de changer avec l'apparition des premières horloges. 
    Enfin, l'intérêt pour le corps, pour l'intérieur du corps, pour l'anatomie, faisait au même moment l'objet d'un véritable engouement. Explorer la terre, explorer le corps, procédait d'un même désir d'investigation, d'une même volonté de savoir. Connaître l'étrange mécanique corporelle, pour vaincre la mort...

La demande sociale

    La solidarité avec la lignée tend alors à se distendre, et l'émergence de l'individu s'accompagne d'une individualisation du corps: l'homme réalise maintenant qu'il peut disposer de son corps. Mais il prend conscience en même temps que ce corps est fragile et qu'il faut donc le protéger. Jusqu'alors en effet, la maladie et la souffrance étaient considérées comme de l'ordre de nature, aux yeux de l'Eglise, elles étaient même nécessaires, expiation de la faute commise. 
    Désormais l'emporte une plus grande volonté de se sauver, de refuser la maladie, la souffrance et la mort prématurée de l'enfant. A la passivité, à une sorte de fatalisme qui était le propre des sociétés rurales, fait place une aspiration aux soins, une volonté de se sauver, en faisant appel à celui qui fait profession de soigner le corps souffrant, au médecin.
    C'est en effet la demande sociale qui a été à l'origine de la médicalisation des couches. Or les médecins n'ont pas senti venir cette mutation des sensibilités, cette volonté nouvelle de guérir. Les charges de Molière.contre les praticiens illustrent parfaitement l'incapacité des médecins d'alors à répondre au voeu des populations. Et ce n'est qu'à la fin du XVIIIe siècle, que le corps médical sera en mesure de répondre aux exigences de la société.
    Cette émergence, chez l'individu, d'un ardent désir de durer a été l'un des moteurs des sociétés occidentales au cours des derniers siècles. Là se trouve sans doute aussi l'origine d'un «investissement» dans l'enfant. Progressivement émergent des comportements contemporains: souci de rompre avec le cycle jugé infernal des maternités à répétition, désir d'avoir des enfants non plus avec l'obsession de la permanence du cycle vital, mais simplement pour les aimer et en être aimé. Ce qui ne signifie pas, une fois de plus, que les parents d'autrefois n'aimaient pas leurs enfants. Seulement, ils étaient pris dans une grande mécanique universelle où la vie et la mort se côtoyaient sans cesse. Et dans un tel contexte, perdre un enfant était de l'ordre de la nature.

L'enfant, la vie, la mort

Ce qui a fondamentalement changé au cours des derniers siècles, c'est bien notre conscience de la nature et du cycle de vie. L'enfant, dans les cultures rurales occidentales, était considéré comme un produit du terroir. Et les rites de fécondité qui se déroulaient dans la nature devaient permettre à la femme de recueillir les «graines d'ancêtres» en attente d'une réincarnation. C'est ce lien étroit avec la lignée, avec la mère nourricière origine de toute espèce vivante, qui s'est brisé très lentement à partir des XV /XVJe siècles.

    Nous avons voulu évacuer la mort de notre horizon quotidien, sans nous rendre compte qu'elle était indissociable de la vie. Si le lien mère/enfant/père pose aujourd'hui question, n'est-ce pas parce ce que nous faisons comme si la mort n'existait plus? Cette difficulté de l'homme contemporain à penser sa mort, ce refus de l'inéluctable, constitue assurément l'une des clés du comportement actuel des parents à l'égard de leur enfant.
Pourquoi un enfant? Suspendre le temps et rendre le corps immortel... Pourquoi mourir?



07/02/2013
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page109 - maternités assistées (FIV)

Des femmes, des hommes, des embryons... et des blouses blanches

LAURENCE GAVARINI sociologue

Les nouveaux maîtres de la fécondité


    Après avoir assisté à de multiples représentations grandiloquentes et médiatiques de médecins et scientifiques de la procréation artificielle, j'ai décidé de me rendre sur les lieux, d'aller de l'autre côté du miroir pour sortir de l'évidence selon laquelle ces techniques sont là pour répondre à l'irrésistible désir d'enfant (1). Je m'attendais à trouver des laboratoires « c1ean » et aseptisés, un travail rationalisé, sur lequel auraient régné des « blouses blanches» sérieuses ainsi qu'agitées par l'aventure à laquelle elles président... Qu'en était-il de ces « nouveaux maîtres de la fécondité» consacrés par les média tantôt comme mythes vivants, tantôt comme Frankenstein mais « humains », sorte de « super boss» de la biologie et de la médecine.

(1) J'ai effectué une recherche comparée (France/Québec, ATP du CNRS, programme 1985) sur les sciences et technologies de la reproduction, en collaboration avec Louise Vandelac (professeur de sociologie, université de Montréal). Pour la France, deux grands centres de fécondation in vitro parisiens ont constitué notre terrain d'investigations. Nous avons aussi effectué une cinquantaine d'entretiens auprès de scientifiques de la reproduction (humaine et animale), de médecins gynécologues et obstétriciens, de « décideurs» et gestionnaires. J'ai en outre commencépersonnellement à interviewer, depuis, des femmes entrant dans le protocole de la fécondation in vitro. Je précise que le présent texte n'engage que moi!

Un artisanat plutôt modeste 

                          
 L'ICSI, une fécondation in vitro quasiment manuelle : le biologiste introduit un spermatozoïde au sein de l'ovule. Photo © DR 
extrait de http://www.linternaute.com/science/biologie/dossiers/06/0611-bebe/3.shtml

    L'image spontanée qui s'est imposée à moi fut celle d'un artisanat d'apparence plutôt modeste, bien que reposant sur une haute technicité. Vu de ce côté plus trivial, je continuais de me demander comment pouvait prendre place l'histoire intime et ordinaire d'une femme, d'un homme et d'un potentiel enfant entre ces techniques qui impliquent un si long et discontinu parcours de combattant. Comment pouvait se faire le travail psychique qui accompagne la gestation, tandis que la grossesse se trouve morcelée et prolongée, comme suspendue dans le temps par la congélation des embryons. 
Voici, mêlées, quelques-unes de mes observations.


La procréation en laboratoire

    Lors d'un de mes premiers «voyages» à l'hôpital B., mettant à profit le retard d'un médecin que je venais interviewer, je descendis un peu par hasard au laboratoire de FlV, là où se produisent les fécondations externes qui font tant fantasmer les profanes. Loin de la frénésie de la maternité et de la consultation médicale, une équipe plutôt «rigolarde» et décontractée, toute blouse blanche ouverte, m'accueillit, amusée semble-t-il de mon regard étranger qui s'étonnait de tout. Je remarquai spontanément l'exiguïté des locaux, décalée par rapport à la place emphatique qu'occupe la FlV dans les médias et dans la société. Ces locaux étaient aussi tout à fait semblables aux labos ordinaires: paillasses, lamelles, éprouvettes, microscopes, flacons divers, etc. Je me trouvais dans un espace scientifique banalisé que seule une opération mentale me permettait de percevoir dans sa singularité: là se produisaient des enfants! Il n'y avait pour me le rappeler que la présence, étrangère aux habituels mobiliers de labos, d'une centrifugeuse à sperme et d'une machine d'où sortait une impressionnante vapeur, quand le biologiste, surveillant une congélation d'embryons, en manipulait le couvercle. Mon imaginaire était rivé, sans que je n'y prenne garde, à cet instantané de la procréation en laboratoire, comme si tout était contenu dans cette saynète: la magie et la sorcellerie, la technicité et le bricolage simultanément, la toute-puissance du technicien maniant des embryons de vie congelés, auxquels les volutes de vapeur de l'azote ajoutaient leur mystère, dérisoire et éphémère.

Un projet d'enfant dans des fioles

    A cette vision, je me demandais comment des femmes et des hommes pouvaient se prêter en confiance à de telles opérations et supporter que leur projet d'enfant fût maintenu dans ces fioles étiquetées, et immergé dans l'azote, aux mains de la science. Il me revenait en mémoire les paroles d'angoisse de jeunes accouchées, qui, dans une réaction quasi animale, redoutaient qu'on leur échangeât, par mégarde ou malveillance, leur enfant. L'acharnement des couples stériles à s'établir une filiation génétique, me paraissaitdéplacée par rapport à la gestion de la chose par une équipe et par une institution, d'autant que ce lieu de fabrication et de conservation des embryons était vide des personnes les plus concernées que sont les candidat(e)s à la FlV. Presqu'instinctivement, je m'attendais à en rencontrer certains ici. Comme si leur présence avait pu réparer la discontinuité et les ruptures produites par la FlV entre le prélèvement des gamètes, la fécondation et la gestation. J'étais avant tout préoccupée de savoir comment ces ruptures-là étaient gérées par les femmes en particulier, pour qui la procréation a toujours été une fonction globale, c'est-à-dire non éclatée ou parcellisée.

                                  

L'absence des parents

    Lors de mes visites successives dans ces labos où sont activés leurs matériaux biologiques et conservés leurs embryons, je ne les ai pas plus rencontrés, ces candidats à la parentalité, si ce n'est en transit pour une opération technique brève comme le recueil de sperme ou le transfert embryonnaire.
    L'absence de ces potentiels «parents» dans les labos FIV révélerait qu'ils ne veulent ou ne peuvent se sentir concernés par le suivi d'une procréation fragmentée de la sorte, ni en imaginer le processus global, ni même s'en représenter par avance le résultat final: la naissance de leur enfant. D'où l'abandon du terrain à l'équipe bio-médicale qui; elle seule, maîtrise l'ensemble de ce processus décousu, en miettes, et pouvant durer des mois. Cette parcellisation, cette atomisation dans le temps et dans l'espace, fait des couples demandeurs, des parents, certes, mais au terme d'un long processus technique qui leur échappe en grande partie. De plus, comment pourraient-ils établir un lien, fréquenter ces lieux qui sous-tendent leur procréation, alors que l'échec est plus que vraisemblable (malgré ce qu'en suggèrent certains discours médiatiques et médicaux triomphalistes, ça ne marche pas, la FlVETE, dans 90 % des cas...). On est bien obligé de s'attacher et de se détacher simultanément...
    Cette absence, alors qu'à l'étage supérieur où se trouve la maternité, elles étaient ommniprésentes et questionnantes, m'incitait à penser que le protocole FIV met les femmes dans une position, vis-à-vis de la procréation, symétrique à celle des hommes.
    Avec la fécondation in vitro, les femmes mettent en jeu leurs substances germinales en dehors de leurs corps, un peu comme il peut en être du flux spermatique. C'est là une première rupture, spatiale, dans la représentation d'une continuité de la reproduction féminine. Avec la congélation des embryons, une nouvelle discontinuité, temporelle, intervient, entre la fécondation et la nidation.
    Les femmes, en FlV, se retrouveraient donc en quelque sorte dans la classique position masculine à devoir imaginer le lien, en dehors de leurs corps, avec ces enfants potentiels que sont ces embryons fécondés par le corps médical. Pour utiliser une métaphore, je dirais que la bio-médecine serait un corps tiers dans lequel s'opère la fécondation de l'ovule et du spermatozoïde, puis se nident, à moins 196°, les embryons, avant d'être hypothétiquement adoptés par les femmes en vue de devenir leurs enfants. Hypothétiquement, car rien n'est moins sûr qu'un embryon congelé puisse devenir réellement l'enfant de ces femmes, et sortir donc de l'état fusionnel qui semble les lier au corps médical.

la labo de F.I.V. comme une manufacture proprette et organisée

    J'étais visiblement à cet instant la seule à être traversée par ces questions dans la pièce principale du labo où s'effectuaient des tâches routinières et prosaïques: les uns chiffraient les activités (mettant à jour les données statistiques, objet de tant de rivalités entre les équipes nationales et internationales); les autres, après avoir recueilli du sperme, le préparaient activement pour l'opération suivante: la fécondation en tube à essai... Tout ce qui se donnait à voir ici n'était plus la mise en scène médiatique fantastique, mais évoquait plutôt l'ambiance d'un atelier ou d'une petite manufacture proprette, organisée en postes de travail, avec toutefois la souplesse d'une organisation pré-taylorienne. Dans ce local étroit, cohabitaient les activités les plus variées, hétéroclites même, qui, de la statistique à la manipulation biologique, constituent le procès de production de la FlV.
    Cette terminologie qui me venait à l'esprit avait quelque chose d'incongru et adapté, à la fois. C'était impossible d'objectiver totalement ce qui se passait dans ce labo. Ce qui en faisait un lieu de travail était partiellement invisible en raison de l'activité imaginaire que la fécondation artificielle pouvait inspirer. Mais, parce que les usagers étaient totalement absents, parce que les territoires où l'on traite les patients étaient savamment séparés de ceux où l'on traite leurs matériaux biologiques, parce que les flux de circulation entre la consultation et le labo paraissaient avoir été rigoureusement canalisés, ces lieux prenaient une apparence d'institution hospitalière comme les autres. 

La fragmentation de la maternité et de la paternité

    Je me demandais tout à coup si la fragmentation de la maternité, de la paternité et de la filiation sur laquelle se portait la réflexion bio-éthique et sociale à l'extérieur de l'hôpital, ne s'incarnait pas ici dans la façon dont l'activité FlV s'était mise en place: des tâches médicales et biologiques, correspondant à des territoires (géographiques et de pouvoir) savamment découpés. Peut-être, me disais-je, la véritable rupture réalisée par la procréation artificielle se résumait-elle à ce que je voyais s'amorcer ici entre une institution bio-médicale, ses agents et ses ressortissants. Une institution faite de médiations entre le but poursuivi et les usagers, dans laquelle ceux-ci sont plus ou moins tenus à distance et où les parcours et itinéraires sont méticuleusement fléchés. L'absence physique des acteurs de premier rang de la FlV, et même leur absence d'évocation dans ce labo où se fabriquaient leurs enfants, en faisait effectivement une institution ordinaire. Et leurs embryons devenaient du même coup des embryons « surnumérai; » ou « superfétatoires », comme je l'ai entendu dire depuis, par l'autorité belge, aux Journées annuelles du Comité national d'éthique, en décembre 1986.
    Il y avait là en cette pièce, sous mes yeux, à l'état embryonnaire, tant d'investissements, de «parcours de la combattante », d'histoire de souffrance, de deuil, d'impossibles, de ruptures, d'attentes, d'angoisses... canalisés dans l'espoir que peut-être un jour ça marcherait, grâce à la science. Ce que je savais des itinéraires des couples aux prises avec la stérilité ne me permettait pas d'être convaincue que ce que je voyais là, dans cet hôpital, fût la bonne réponse, imposant même progressivement comme la réponse unique à la stérilité. De quoi parlait-on, d'ailleurs, quand on utilisait ce mot?
    Si elle justifiait une telle mobilisation scientifique, je ne comprenais pas pourquoi la recherche et la prévention de ses causes, ainsi que son traitement, étaient à ce point impuissants par rapport à l'engouement passionnel pour des techniques qui ne sont qu'orthodiques ou prothésiques. Il me revenait le propos d'un médecin biologiste qui m'avait dit, pour justifier ses tentatives de FlV en cas déficience spermatique: «la FlV est de toute façon un merveilleux instrument de connaissance de la reproduction humaine, parce qu'on peut voir... ». Ce fantasme du regard, ce désir de transparence, : vouloir visualiser (voyeurisme?) et peut-être maîtriser, ce qui d'ordinaire se passait dans l'opacité du corps féminin, me semblait . appeler un autre, plus infantile, celui de la scène primitive. 
    Ces considérations défilaient dans ma tête, sans que je puisse évidement y réduire l'organisation de tout un secteur économique et médical comme celui-ci et le crédit social qui lui était accordé. Je ressentais que, sous l'impact médiatique des techniques, la demande s'élargirait, et s'élargiraient du même coup la définition : la stérilité et les indications médicales de la procréation artificielle. N'allait-on pas désormais étendre la stérilité à l'ensemble des difficultés procréatives ?

Un embryon conservé par le froid !

    Suspendue à la vapeur de l'azote s'échappant de la machine à congeler, une autre question me traversa, plus lancinante à propos : la congélation. Sans sacraliser l'embryon humain, j'éprouvais des difficultés à conceptualiser sa conservation par le froid et son maintien hors du temps au moyen d'une telle technique. J'associais librement. Pour avoir mené une étude, plusieurs années auparavant, sur les attitudes des consommateurs face aux produits surgelés, il me venait, non sans m'amuser de l'évocation surréaliste de l'oralité en ce lieu, que les personnes interviewées en avaient souligné le caractère «trafiqué». Je n'aurais pas été étonnée que certains couples aient eu la même pensée... Quel crédit pouvait-on faire à la technique de cryo-conservation? Etait-on sûr de la bien maîtrise et qu'elle ne comportait pas de risque d'altération pour les enfants à en naître? (2)
Comment nier l'effet délétère de la congélation sur l'embryon humain quand plus de 30 % d'entre eux ne survivent pas à la décongélation. Actuellement, l'évaluation qualitative de l'embryon en vue de sa réimplantation se fait au juger... c'est-à-dire à l'observation au microscope de son aspect et de sa morphologie.

(2) Certes, les premiers résultats de congélation chez les mammifères datent de 1972 pour la souris, 1974 pour la brebis, 1978 pour la vache. Leurs premières applications humaines, 4 à 5 ans plus tard, permettaient de parler d'un certain recul. A ceci près qu'il n'y a pas de transfert technologique possible terme à terme pour deux raisons: d'une part, parce que les espèces ne réagissent pas de la même manière à la congélation; d'autre part, parce que les expérimentations animales se sont faites sur embryons fécondés in vivo, récupérés ensuite par lavages utérins, à la différence des congélations embryonnaires humaines intervenant après FlV.

Un médecin, personnalité influente du secteur, m'avait fait peu de temps avant une réponse surprenante, laissant à penser que la congélation embryonnaire était utilisée de manière beaucoup plus empirique qu'expérimentale:
«La congélation, moi je pense effectivement qu'elle est jouable, sur les arguments théoriques, sur l'expérience animale et sur le fait que ça donne une chance supplémentaire aux femmes. Bon, si on démontre a posteriori qu'effectivement il y a des malformations, qu'il peut y avoir un problème... bon d'accord, on aura créé 15 malformés... Il vaut mieux faire 15 malformés pour savoir qu'il faut arrêter, le problème on l'aura résolu. Enfin, si on perd 15 malformés c'est pas dramatique parce que des malformés il y en a tous les jours? »
    S'il est dans la logique médicale classique de prendre certains risques thérapeutiques, lorsque des processus vitaux sont en jeu, s'agissant de la stérilité, justifie-t-elle qu'un tel risque (malformation de l'enfant à naître) soit pris empiriquement, même si les femmes et les hommes qui en sont atteints la vivent comme une blessure profonde, entâchée imaginairement de mort? La stérilité met-elle les gynécologues en crise au point qu'ils en perdent de vue la démarche scientifique, se repliant sur des tâtonnements, faisant adopter des thérapeutiques potentiellement iatrogènes, pour «savoir qu'il faut arrêter» ? Dans certains discours de médecins et à travers certaines formes de dérapage de la pratique (dévoiement des indications, acharnement procréatif, expérimentation tous azimuts, etc.), tout se passe comme si l'enfant était une thérapeutique, un traitement, un médicament, ou, comme le dit G. Delaisy de Parseval, une prothèse posée pour imaginairement guérir ses parents. C'est d'emblée lui assigner une place médicale. 

Les raisons qui font appel à la fécondation in vitro

    Les raisons faisant que l'on puisse se soumettre à de tels protocoles techniques et à un tel conditionnement médical n'étaient pas toujours pénétrables rationnellement. J'étais intriguée par la distance, visible ici, entre ces «irrésistibles désirs» d'enfanter, dont parle Frydman, et leur matérialisation dans cet espace hôpital laboratoire. Je ne voyais pas comment pouvait venir se greffer l'imaginaire parental, maintenu aux portes du travail bio-technologique, sur ces embryons en surnombre, stockés, conditionnés, congelés, gérés statistiquement et technologiquement. 
    Autant d'opérations techniques et de valeur ajoutée qui donnaient en quelque sorte à ces embryons un statut de matériaux biologiques. L'opération mentale demandée aux couples me semblait difficile à soutenir. Il fallait qu'ils y croient, qu'ils tournent totalement leur projet d'enfant pendant des mois vers ces éprouvettes, ces cathéters, ces conteneurs, ces labos... mais simultanément ils ne devaient pas accrocher quoi que ce fût sur ces embryons détenus dans les laboratoires biomédicaux. D'ailleurs comment investir, imaginer ce qui était ici considéré comme du surnombre, de l'au-cas-où-ça-ne-marcheraitpas, du mis en attente, entre parenthèses ou au placard? L'embryon congelé n'est-il pas, en quelque sorte,doublement un embryon?
    Etait-ce ce «tas de cellules », cet «amas cellulaire », selon l'expression d'une biologiste de la FlV qui récemment avait voulu me faire partager ses craintes, en tant que scientifique et femme, que l'on «statue sur l'embryon ». Elle en appelait à ma conscience féministe: si l'on statuait, aucune recherche ne serait plus possible et, en outre, il nous faudrait redescendre dans la rue pour que nos filles puissent encore bénéficier du droit à l'avortement...
    Certes, qu'est-ce qu'un embryon humain issu de la fécondation in vitro: 4 cellules entremêlées, invisibles sans l'oeil du microscope et parfaitement non discriminables d'un embryon d'une autre espèce, voire d'un autre « matériel biologique» par les profanes. En poussant à l'extrême la conceptualisation scientifique et biologique, me disais-je intérieurement, qu'étions-nous nous-mêmes de plus qu'un tas de cellules! Mais là, j'exagérais...
    Le fait de ne pouvoir donner, dans le discours, qu'un poids de  « réel» à ces embryons, déniant a priori qu'ils puissent être investis par leurs géniteurs, me paraissait significatif des actuels enjeux autour de l'appropriation des embryons de la FlV. Sans doute fallaitil à certains scientifiques et médecins les percevoir ainsi, identiques aux autres matériaux biologiques transitant entre leurs mains (sang, tissus, organes) pour asseoir leur légitimité à orchestrer, tous seuls, leur conservation in vitro, voire leur circulation entre les couples.

des médecins comme médiateurs d'embryons surnuméraires

    On peut se demander de quelle autorisation jouissent ceux qui, médecins ou biologistes, se proposent comme entremetteurs conjugaux, médiateurs d'embryons surnuméraires. Là encore, il y avait du décalage entre le recours par des individus à des techniques pouvant leur assurer une filiation génétique et un certain discours scientifique et médical, discours de gestionnaires de stocks de matériaux, équivalents les uns aux autres, par définition.
    Par ailleurs, l'association avec l'avortement me paraissait quelque peu spécieuse. Cet amalgame paraissait mettre en équivalence le rapport d'une femme à l'embryon non désiré en son corps, et celui des médecins et chercheurs à des stocks d'embryons in vitro appartenant, jusqu'à preuve du contraire, aux couples géniteurs. On était en train de construire de toutes pièces une pseudo-Iégitimité des équipes bio-médicales à décider de garder des embryons de la FlV pour en faire ce que bon leur semblent, tout comme des femmes enceintes ont le pouvoir de décider d'interrompre leur grossesse parce qu'elles sont dans l'impossibilité d'aliéner une partie d'elles-mêmes dans une maternité.
    Les embryons surnuméraires de la FlV seraient donc fantasmatiquement pour ceux qui les détiennent par devers eux, leurs matériaux, leur propriété. La bio-médecine de la procréation se fantasmerait donc bien comme un corps réceptacle de ces embryons produits en dehors du corps des femmes. D'ailleurs, cette même biologiste qui aujourd'hui veut protéger les embryons de l'ingérence que serait une éventuelle réglementation, nous avait également parlé, en des termes fortement investis et émerveillés, de la «beauté» de « ses petits embryons »...
    Autre exemple d'appropriation, un médecin de la FlV qui, pour m'expliquer la répartition des rôles et fonctions entre médecins et biologistes, s'était appuyé sur les embryons, concluant par cette question relativement surprenante:
«A qui l'embryon ?... au médecin ou au biologiste? Je répondrai au médecin parce que c'est lui qui est en relation avec la patiente ».
Cette petite phrase montre bien la fonction institutionnelle que peuvent remplir ces embryons, marquage d'un territoire auquel est affecté du pouvoir.
    Au-delà de leur statut légitime de potentiels enfants pour des couples stériles, voire de leur statut d'objet d'expérimentation et de recherche, les embryons conservés in vitro semblent être devenus un capital entre les mains de la science, capital qui peut servir à délimiter, voire à hiérarchiser les rôles et pouvoirs respectifs. L'appropriation des embryons et leur détention semblent conférer, àl'intérieur de l'institution bio-médicale, une puissance évidente. 

Les embryons surnuméraires

    Il est à préciser, pour la compréhension de cet enjeu, que ne sont pas concernés que quelques dizaines d'embryons, mais d'ores et déjà 5 000 se trouvent conservés in vitro. (Depuis les débuts de la congé
lation embryonnaire, 10 103 embryons ont été congelés, 4 813 ont été décongelés, 81 enfants sont nés vivants (communication personnelle Jacques Testart).
    Au-delà des questions philosophiques et éthiques, ces embryons « surnuméraires» de la FlV posent une question politique: une population en germe est en effet conservée in vitro pour l'instant, hors loi, hors norme, hors du droit de regard de la Cité, donnant un pouvoir inédit à ses détenteurs.
    A regarder le conteneur et les quelques centaines d'embryons qui le remplissaient, ce stockage en nombre prenait soudain d'autres dimensions que la simple étape technique d'un protocole FlV donnant plus de chances aux femmes d'avoir un enfant. 
    Comment ne pas voir fonctionner ici une certaine dérive liée aux transferts technologiques terme à terme de l'animal à l'humain? Avec la congélation embryonnaire inventée de fait pour rationaliser et intensifier la reproduction animale, n'est-ce pas aussi un modèle de développement qui s'impose, sans que l'on y prenne garde: celui qui consiste à faire produire toujours plus d'ovules et plus d'embryons, pour plus de chances d'enfanter. Ces superlatifs caractéristiques de la compétition que se livrent les médecins, sont à bien des égards ingérables par le commun des mortels qui constitue la clientèle FlV. Tout comme il est, semble-t-il, difficile d'assumer ce qu'impose la technique, et qui pourtant ne fait pas partie des considérations éthiques; ce corps de femme programmé, stimulé, stoppé, ponctionné, devant faire l'amour sur commande pour être testé, prendre sa température, se voir poser une «pompe LH-RH »... objet d'expérimentation.

Espérons qu'il se trouvera de plus en plus de praticiennes à l'écoute des patientes et des patients, pour dire que le transfert d'une technologie appartenant au modèle productiviste de la zootechnie n'est pas totalement adéquat pour traiter les problèmes de procréation humaine.

  Pour en savoir plus sur Laurence Gavarini :

http://recherche.univ-paris8.fr/red_fich_pers.php?PersNum=288 



07/02/2013
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page118 - enfanter, c'est quoi ?

                                

1-ENFANTER, C'EST CRÉER DES LIENS ? EST-CE TOUJOURS VRAI ?

Un sondage, initié  en 1988, par l'Association Sages-Femmes du Monde,   auprès de 1215 personnes représentatives de la population française fait ressortir un ensemble d'informations très intéressantes.  Sont-elle encore aujourd'hui, presque 2O ans après, une réalité ?  Afin que vous puissiez en juger, voici les résultats détaillés de ce sondage.

DU DÉSIR A LA RÉALITÉ

Questionnés sur les éléments qui peuvent favoriser ou, au contraire, empêcher des relations entre les parents et les enfants, les français ont répondu avec beaucoup d'affectivité et de bon sens. 

LA NAISSANCE DOIT ÊTRE PREPARÉE

     UN ÉVÈNEMENT COMME LA VENUE AU MONDE D'UN ENFANT, POUR ÊTRE BIEN VÉCU, DOIT FAIRE L'OBJET DE BEAUCOUP D'ATTENTIONS ET D'UNE BONNE PREPARATION.  C'est l'avis de 86,2 des personnes consultées, avec autant d'hommes que de femmes qui estiment que l'organisation matérielle et psychologique de la naissance a une grande influence.

     ET QUAND L'ENFANT PARAÎT, LUI PARLER, LUI DIRE QU'ON L'AIME, C'EST S'EN FAIRE AIMER. Peu importe quele nouveau-né ne comprenne rien directement du langage qui lui est tenu. L'impôrtant est qu'il comprenne l'attention dont il est l'objet. 85% des femmes le jugent ainsi et un peu moins d'hommes. Peut-être ceux-ci craignent-ils un certain ridicule en faisant "aga-aga"

     Un taux de réponses important, de l'ordre de 85%, insiste sur LE RÔLE-CLÉ DU SEJOUR A LA MATERNITÉ. LA MERE DOIT S'Y SENTIR COMME CHEZ ELLE. L'enfant en bénéficiera. De plus, pendant la durée du séjour, la mère "DOIT ÊTRE ECOUTEE ET ENTENDUE PAR LE PERSONNEL SOIGNANT". 
     A cela s'ajoute un autre élément tissant les liens affectifs et facilitant les rapports familiaux futurs , c'est LE RESPECT DU CHOIX DE LA MERE POUR L'ALLAITEMENT. Pas de contrainte, pas d'autoritarisme, seul le libre choix... Mais le père, que devient-il pendant la naissance  ? doit-il se cantonner dans attentepassive, grillant cigarette sur cigarette dans le hall d'entrée dela maternité ? 
Certainement pas  réondent 77% des interviewés. LE PERE DOIT SE MANIFESTER, PAR UNE PRÉSENCE ACTIVE. Très précisément même, le père doit prendre le bébé dans ses bras, le masser, couper le cordon ombilical ... Parmi les personnes interrogées, celles de la sensibilité écologiste, n'hésitent pas : elles sont unanimes à juger que LA PARTICIPATION RÉELLE DU PERE EST NÉCESSAIRE. 

MAIS ATTENTION AUX EMBÛCHES

     DE NOMBREUX ÉLÉMENTS PEUVENT PERTURBER LA RELATION ENTRE LES ENFANTS ET LES PARENTS
     En premier lieu, à 75,6% C'EST LE MANQUE DE CONFIANCE EN SOI qui est cité. Comment assumer sa maternité ou sa paternité si l'on hésite sur soi-même ? Le retentissement du malaise moral des parents est préjudiciable pour l'enfant, pensent le plus grand nombre de personnes interrogées. Il y a beaucoup de sagesse dans cette réflexion : en cas de détresse, il vaut mieux ne pas compter sur une naissance our tout arranger !
     Un autre élément presque aussi important que le manque de confiance en soi, ressort de l'analyse des embûches.  A 74% les réponses désignent L'ENFANT NON DÉSIRÉ COMMEUNE CIRCONSTANCE TRÈS NÉGATIVE DANS L'AVENIR DES RELATIONS FUTURES DE L'ENFANT AVEC SES PARENTS.
     Ensuite, viennent par ordre décroissant, L'IMPACT DÉFAVORABLE DU TRAVAIL A L'EXTÉRIEUR DU FOYER (65,8%) ET LA SOLITUDE DE LA MÈRE (61,8%) Une maman solitaire ne semble pas une garantie assurée de réussiteour l'avenir.
     Une inquiétude pèse toujours sur le déroulement de la naissance. Aussi, pour 71% des femmes et des hommes, UNE INFORMATION INCOMPLETE ET MAL FAITE SUR LE VÉCU DE LA MATERNITÉ RISQUE DE RETENTIR SUR LE LIEN FAMILIAL.
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Retrouvez la totalité des résultats de ce sondage dans le livre ENFANTER LE LIEN MERE-ENFANT-PERE - Guide le la création des liens à la naissance pour donner à la vie toutes ses chances - de J.Bessonart/Sages-Femmes du Monde (Editions Frison Roche 18 rue Dauphine 75006 Paris)
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Ce sondage a été demandé,  dans les années 8O/90  par l'Association SAGES-FEMMES DU MONDE À L'INSTITUT quotas sur une simple question :

"QUE PENSENT LES FRANçAISES ET LES FRANçAIS DE LA CRÉATION DES LIENS MERE/ENFANT/PERE A LA NAISSANCE.

     Un large ensemble de questions ont été mises en forme par Sages-femmes du Monde et l'Institut Quotas selon l'expérience des sages-femmes et de parents qui ont participé à l'élaborration du questionnaire

    Il serait interessant, 20 ans après ce premier sondage de voir, par un nouveau sondage, quel est l'état actuel du suivi de la création des liens mère/enfant/père autour de la naissance ou de l'adoption de leur enfant.
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Retrouvez d'autres résultats du sondage sur  : 

2- ENFANTER, C'EST CRÉER DES LIENS - QU'EST-CE QUE LE LIEN MERE/ ENFANT/ PERE     A LA NAISSANCE ? le choix des mots
3- ENFANTER, C'EST CRÉER DES LIENS - QUAND SE CRÉÉ LE LIEN MERE/ENFANT/PERE     EN PERINATALITÉ ? le choix des moments
4- ENFANTER, C'EST CRÉER DES LIENS - COMMENT SE CRÉENT LES LIENS A LA NAISSANCE ? 
5- ENFANTER, C'EST CRÉER DES LIENS - PROPOSITIONS FAITES PAR LES PERSONNES     INTERROGÉES  POUR REUSSIR LA NAISSANCE ET DONNER À LA VIE TOUTES DES CHANCES.

 


07/02/2013
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