ENFANTER LE LIEN - MERE - ENFANT - PERE- jeannette Bessonart

ENFANTER LE LIEN - MERE - ENFANT - PERE- jeannette Bessonart

211 - maternité et excision


page211 - maternité et excision

CRÉER DES LIENS à la naissance  pour des mères excisées 


Le lien enfant-parents et les pratiques mutilatoires sexuelles féminines 
en Afrique 
Mme COUMBA TOURÉ - Dr M.-H. FRANJOU 

L'excision, l'infibulation 

     On parle souvent de circoncision féminine, notamment dans la littérature anglaise. Ce terme est impropre et prête à confusion avec l'intervention pratiquée sur le garçon. 

     Il s'agit en fait de couper l'équivalent du pénis. Quel que soit leur type, les mutilations sexuelles féminines comprennent toujours une lésion de tout ou partie de la vulve, et en particulier du clitoris et des petites lèvres, et leurs complications sont graves et multiples. 

     La vulve est très richement innervée, la section clitoridienne est responsable de douleurs très violentes et de chocs. La vulve est très vascularisée; et l'excision entraîne souvent une hémorragie, facteur d'anémie, d'hypotension, de collapsus, voire de décès. A distance de l'intervention, on observe des complications génitales. L'étroitesse de l'ouverture vaginale chez une femme infibulée rend très douloureuse la défloration qui nécessite parfois plusieurs jours, voire plusieurs semaines, pour être complète, à moins qu'une désinfibulation soit réalisée par un chirurgien ou par le mari au moyen d'un objet tranchant (couteau, poignard). Par la suite, l'acte sexuel peut rester douloureux, pouvant « conduire la femme à la frigidité» ou à « haïr la sexualité» - je cite ici les termes d'une femme soudanaise, Asma El Dareer. Une étude histologique faite au Soudan en 1982 par le docteur Salah Abubakr a permis de constater que les tissus cicatriciels de vulves excisées ne contenaient plus de récepteurs du toucher ni de terminaisons nerveuses. On peut, de ce fait, affirmer que tous les types de mutilations sexuelles entraînent inéluctablement une altération de la réponse sexuelle chez la femme. 

     On peut sans peine imaginer les complications obstétricales d'une femme infibulée. Les organes génitaux externes sont remplacés ici par un placard cicatriciel et fibreux au milieu duquel un petit orifice permet mal l'écoulement des urines et du sang menstrueL La tête de l'enfant bute sur des tissus rigides et sans aide extérieure, la mère et son enfant sont en danger de mort. Les tissus mortifiés par la tête de l'enfant se rompent, et des fistules vésico-vaginales ou vésico-rectales se créent dont le traitement, lorsqu'il est possible, est difficile. De nombreuses jeunes femmes incontinentes sont rejetées par leur communauté. 

     L'excision, ablation du clitoris et des petites lèvres, n'est pas exempte de risque obstétricaL Les déchirures périnéales sont très fréquentes, et les souffrances fœtales ne sont pas rares. 

     Les complications infectieuses sont multiples: infection du tractus urinaire: cystites, pyélonéphrites; infections pelviennes chroniques: vaginites, cervicites, métrites, salpingites; infections générales: septicémies, tétanos ... Les complications psychiatriques ne sont pas rares. 

     Les mutilations sexuelles féminines ne sont pas «en voie de disparition », comme il est dit parfois. L'explosion démographique sur le continent africain et le maintien de ces pratiques coutumières font que l'on peut estimer à plus de 100 millions le nombre de femmes ayant subi une mutilation sexuelle, c'est-à-dire une femme africaine sur trois. Les mutilations sexuelles féminines sont surtout pratiquées en Afrique Centrale, en Afrique de l'Ouest et de l'Est. L'infibulation est pratiquée en Ethiopie, en Somalie, au Soudan et dans quelques régions du Mali. 

     L'excision est largement pratiquée au Nigéria, au Mali, au Burkina Faso, au Sénégal, en Côte-d'Ivoire, Sierra Leone. 

La mortalité materno-infantile 

     De toutes les disparités entre pays riches et pauvres, celle des mortalités maternelles est parmi les plus grandes. Le risque de décès maternel est 500 fois plus grand en Afrique qu'en Europe du Nord. 
Une femme pour la 000 risque de mourir en donnant la vie en Europe du Nord, une femme sur vingt et une en Afrique. 

     Chaque année dans le monde, 500 000 femmes meurent en couches, la plupart de ces décès sont évitables. 

Manque de personnel de santé. 

     Sur le continent africain, un tiers des femmes enceintes seulement bénéficient du concours de personnel de santé. Les femmes africaines ont en moyenne six enfants (les femmes kényanes en ont huit). 

Travail pénible. 

     Ce sont elles qui s'occupent des enfants, ce sont elles qui cultivent la terre pour les nourrir, ce sont elles qui préparent les repas, ce sont elles qui vont chercher l'eau indispensable à la vie des leurs et le bois nécessaire à la cuisson des aliments (elles consacrent de une à quatre heures par jour à ces seules deux dernières tâches). Leur journée de travail est interminable. 

Des tabous alimentaires les affaiblissent pendant leurs grossesses: la moitié de toutes les femmes en âge de procréer et les deux tiers des femmes enceintes ou allaitantes souffrent d'anémie. Des fillettes à peine pubères sont mariées et deviennent mères quand elles n'ont pas terminé leur croissance. 

En ce qui concerne la mortalité infantile, l'Afrique arrive encore au dernier rang avec 113 décès pour 1 000 naissances quand l'Amérique septentrionale en comptabilise la. 

     Pour que le nouveau-né africain découvre un monde chaleureux où le lien enfant-parents s'établisse dans la joie et la plénitude, les droits de sa mère doivent être pleinement reconnus, et notamment dans le domaine de la santé. 

     En 1977, une O.N.G. (Organisation non gouvernementale) est constituée à Genève. Son objectif est de faciliter l'exécution de projets africains «destinés à améliorer la santé des femmes et des enfants ». Sous son impulsion, une rencontre internationale est organisée en février 1984 à Dakar qui aboutit à la constitution d'un comité inter-africain dont la raison d'être est de suivre l'application des recommandations formulées vis-à-vis des pratiques traditionnelles ayant un effet sur la santé des femmes et de leurs enfants. 

     En ce qui concerne les pratiques mutilatoires, sa position est claire: l'excision, sous toutes ses formes, doit disparaître. Les moyens à privilégier: l'éducation pour la santé et l'interdiction par la loi à tous les professionnels de santé. 

     En 1984, les délégations de six pays africains sont présentes. En avril 1987, à Addis-Abeba où se déroule la dernière rencontre du comité inter-africain, on en observe 25. Un comité ou section national est créé dans quinze pays: un comité dans 13 pays africains, deux sections européennes. 

     Il y a des femmes, de nombreuses femmes dans ces différentes organisations et notamment des africaines. La tâche est énorme et les difficultés innombrables. Il ne suffit pas  de maintenir les projets conçus à ce jour; il faut en accroître l'importance et les multiplier. Pour cela, la solidarité internationale est indispensable.





07/02/2013
0 Poster un commentaire