ENFANTER LE LIEN - MERE - ENFANT - PERE- jeannette Bessonart

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135 - sage-femme aux Pays Bas


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Attention portée à la famille et au lien mère/enfant/père 
dans la naissance aux Pays-Bas
    ASTRID LIMBURG  sage-femme



 

Je vais vous présenter le système national de santé néerlandais, les soins obstétricaux, et en particulier, l'attention donnée à la relation de la famille et au lien mère/enfant/père.


Les soins obstétricaux néerlandais

    La philosophie de notre organisation obstétricale est que la grossesse et la naissance sont des événements de base tout à fait normaux et humains, qui demandent une surveillance attentive et des examens réguliers, mais ne demandent pas d'interventions médicales, à moins d'une grave complication médicale.
    La tradition de donner naissance à la maison est considérée comme un droit national en Hollande et est appréciée dans toutes les classes sociales.
    Le pourcentage des naissances à domicile est de 36,8 % et cela est rendu possible par le biais d'une organisation obstétricale spécifique. Cela signifie des soins extensifs pendant la grossesse au cours desquels on met àjour les critères de sélection. Les femmes enceintes avec un facteur de risques important sont filtrées et adressées à un obstétricien. Ces femmes-là n'ont pas le choix et doivent accoucher dans un hôpital bien équipé sous la conduite d'un obstétricien.
    Les femmes ayant une grossesse normale peuvent accoucher à la maison en toute sécurité si elles le désirent. Le choix leur appartient.
    Le dépistage des femmes enceintes à bas et hauts risques protège les femmes à bas risques contre les interventions techniques inutiles pendant la grossesse. Ceci est très important, car nous n'avons, par aucun moyen, été capables d'améliorer le travail spontané chez une femme en bonne santé. C'est un travail naturel à respecter. Et seules les femmes enceintes à hauts risques profitent, à juste titre, de la haute technicité.
    Pour les gens de l'extérieur, notre système est plutôt compliqué, et même qualifié quelquefois de confus. Mais en général, on peut dire qu'il y a deux équipes séparées travaillant dans les soins obstétricaux :
-les obstétriciens, assistés par des infirmières en obstétrique, s'occupent des soins obstétricaux à l'hôpital;
-les sages-femmes, assistées par une aide-infirmière maternelle, s'occupent, elles, des grossesses normales, non compliquées, et des naissances normales à la maison ou à l'hôpital.
    Une partie très importante de notre organisation obstétricale est le système d'aide maternelle à la maison. L'aide infirmière maternelle assiste la sage-femme et prend soin de la mère et de l'enfant, après la naissance, pendant les suites de couches, dans son milieu naturel.

L'accouchement à la maison

    Beaucoup de femmes en Hollande ont expérimenté la naissance à la maison de façon positive. L'influence de ce groupe important dans notre société, fait que même les femmes qui accouchent (volontairement) à l'hôpital sont approchées de façon différente par rapport à celles qui, selon les régions, sont obligées d'accoucher à l'hôpital (sans avoir le choix).
    Donner naissance de façon active, de préférence dans votre propre maison, entourée par des gens avec qui vous avez choisi d'être et des gens en qui vous avez confiance, est une expression de l'individu; dans l'organisation obstétricale hollandaise, il y a de la place et de l'attention pour, l'individu; la femme enceinte est vue en tant qu'individu.

Pour la naissance, obstétriciens et sages-femmes, ce n'est pas pareil

    Dans cette organisation obstétricale particulière, les sentiments peuvent aller très loin dans la confrontation entre les deux professions. Mais ceci est encore une expression de l'individu et de la qualité de l'obstétricien ou de la sage-femme. Cela crée souvent une compétition sportive positive dont bénéficient la femme enceinte et la femme en travail. Comme il y a une différence entre mâle et femelle, il y a aussi une différence entre un bon obstétricien et une bonne sage-femme. Ainsi, par ses études et son attitude, l'obstétricien est plus concentré sur les échecs de la normalité et leur traitement médical. La profession de sage-femme est de permettre à la femme en travail de donner naissance à la maison, et à sa façon, et de dépister les pathologies. L'organisation obstétricale hollandaise a de la place pour les deux praticiens: l'obstétricien et la sagefemme; cela leur permet d'être performants dans leur spécificité.

Quelles sont les possibilités, pour une sage-femme hollandaise, de contribuer à la protection du lien mère/enfant/père

    Je vais vous parler de mon travail. Avec deux autres collègues, j'ai un cabinet au centre d'Amsterdam. En 1987, nous avons suivi environ 350 femmes enceintes; 40 % de ces femmes nous ont été adressées par des médecins généralistes, et 60 % par des relations ou amis, ou d'autres mères ayant accouché avec nous ou connaissant notre travail.
    Sur ces femmes enceintes, 8 % ont choisi pour une naissance «plus propre» (avoir moins de travail) d'accoucher à l'hôpital sous notre responsabilité. Donc, plus de 90 % ont choisi l'accouchement à domicile.
    Pendant la grossesse, environ 25 % de nos clientes ont été adressées, par nous, pour accoucher à l'hôpital sous la surveillance d'un obstétricien. Pendant le travail, environ 8 % des femmes ont été envoyées à l'hôpital. Donc, plus de 65 % des femmes qui ont choisi d'accoucher à la maison ont effectivement accouché à la maison.
    Retenez bien qu'en Hollande on apporte un soin particulier au suivi prénatal. C'est le fondement de notre système. Le « filtrage» des pathologies se passe au cabinet de la sage-femme. Une sagefemme est familiarisée avec toutes sortes de pathologies: Son but n'est pas de manier la pathologie, mais de la dépister aussitôt que possible et de l'adresser à l'obstétricien. La sélection, physiologie ou pathologie est entre les mains de la sage-femme.
    D'autre part, il semble très important que ce soit la personne qui s'occupe de la grossesse qui s'occupe aussi de l'accouchement. La charge de la surveillance est un devoir aussi crucial, aussi aigu que la responsabilité d'un accouchement à domicile ou à l'hôpital.
    La femme enceinte va chez sa sage-femme environ 12 à 15 fois pour un contrôle général. La sage-femme suit la femme enceinte sur les plans médical et psychosocial. Pendant la première visite, la sage-femme s'occupe du groupe sanguin et RH de la mère. Lors des visites suivantes, les soins médicaux sont la prise de tension artérielle, les urines et la croissance du fretus. A part les premiers bilans médicaux mentionnés, il n'y a pas d'autre examen vaginal de routine, pas d'ultra-sons ou de glycémie de routine et pas d'intervention médicale de routine. Nous considérons cela comme très important, car il est statistiquement prouvé que les examens médicaux extensifs, faits de façon routinière sur une femme enceinte en bonne santé, ne donnent pas de meilleurs résultats. Ensuite, en faisant les choses de façon routinière, la vigilance, le sens clinique d'observation de la sage-femme ou de l'obstétricien est moins en alerte.     En plus, c'est beaucoup trop cher, et la femme aura le sentiment qu'elle n'est pas en bonne santé, qu'elle a «des risques », et elle perdra confiance. Ce qui est important pour la confiance aussi, c'est que la femme enceinte voit toujours la même sage-femme pendant sa grossesse.
    Lorsqu'une femme nous dit qu'elle est enceinte, nous lui donnons rendez-vous pour un premier bilan à environ 12 semaines de grossesse, le temps de pouvoir écouter les bruits du creur du bébé avec le doppler.    .
    En début de grossesse, la femme rencontre de grands changements physiques et psychiques. Pour elle, il est tout à fait évident qu'elle est enceinte. Ecouter les bruits du cre ur avec ses oreilles pour la première fois est, spécialement pour les parents, le moment où la grossesse devient évidente, et ceci peut être le début du lien plus spécifique enfant/père. J'ai toujours pensé que ce moment est un moment très émouvant pour la mère et le père.
    Lors du bilan prénatal, nous faisons en sorte que la femme enceinte et son partenaire nous voient nous, les trois sages-femmes du cabinet de consultation, pour créer un lien de confiance mutuelle en équipe.
    Les enfants aussi sont impliqués très tôt dans l'histoire de cette naissance. Notre cabinet a été meublé spécialement avec des jouets et beaucoup de couleurs, si bien qu'en dépit des gestes médicaux, les enfants n'associaient pas la visite chez la sage-femme avec la visite chez un docteur. A l'aide de poupées, nous leur montrons la croissance du bébé à l'intérieur de l'utérus, comment il sort. Nous montrons aussi le tabouret d'accouchement dont nous nous servons pour faciliter la naissance verticale, à la maison où à l'hôpital dans 98 % des naissances. Je le prends pour l'hôpital s'il n'yen a pas sur place.
    Puis voici le moment émouvant du début des contractions. Bien qu'attendues, elles viennent toujours par surprise. Sentiments d'émoi. Mais comme nous avons une tradition profondément ancrée de naissance naturelle, les femmes hollandaises sont rarement excitées ou paniquées. La plupart du temps, les femmes nous appellent lorsqu'elles sont en contractions régulières pendant plus de 2 heures. Quelques-unes aiment rester seules le plus longtemps possible et nous appellent même plus tard.
    La plupart des bébés naissent dans les heures calmes de la nuit. Bien sûr, comme tout le monde, j'aime dormir la nuit. Mais conduire dans les rues désertes d'Amsterdam pour un accouchement à domicile est quelque chose de très spécial. Lorsqu'une femme accouche à la maison, la sage-femme et l'infirmière aide-maternelle sont comme des invitées; elles s'adaptent aux circonstances particulières. Cet environnement de la maison, familier pour le couple, augmente la confiance et l'autonomie de la femme en travail et celle de son compagnon.
La confiance est cruciale car la peur, l'anxiété et la douleur forment un cercle vicieux. Lorsqu'une femme fait l'expérience d'un accouchement comme un événement naturel créatif, elle accouche avec plus de plaisir et moins de problèmes.
    La sage-femme guide la mère à travers le processus de la naissance et essaiera toujours d'éviter le moindre événement qui POU1rait la déranger. Pour une femme en travail qui est dérangée, les contractions cesseront, et elle ne pourra pas terminer l'accouchement par elle-même. Et comme vous le savez, les interventions médicales pendant l'accouchement suggèrent le forceps ou la ventouse.
    Nous favorisons l'autonomie de la mère et la liberté du père dans l'accouchement à domicile. Ainsi, les mères accouchent comme elles le désirent: assise, accroupie, debout ou couchée, comme elles se sentent le mieux. Nous avons observé que la position debout favorise à son maximum, par l'effet de la gravité, la circulation sanguine de la mère et son bien-être pendant l'accouchement.
    Donner naissance en position horizontale fait que souvent les femmes se sentent impuissantes, et cela dérange leur self-contrôle. En position verticale, elles se contrôlent mieux.
    Une femme accroupie ou debout est au même niveau que les gens autour d'elle. Socialement, elle est leur égale, et, quand elle est assise, elle participe à tout ce qui l'entoure, elle parle, boit et dit ce dont elle a besoin. Elle sent comment elle doit pousser. Elle est beaucoup moins dépendante des conseils d'autres personnes, elle est moins handicapée, et cela renforce sa confiance.
    Physiquement et psychologiquement, elle est activement impliquée dans le processus de la naissance ainsi que son partenaire. Etant dans sa propre maison, il réconforte mieux sa femme, peut lui masser le dos ou lui faire un café frais, stimulant; et cette gentillesse fait une pause agréable dans le travail de l'accouchement. Ensemble, ils traversent un moment de leur vie très important émo
tionnellement. Ensemble, ils créent une histoire. 
    A distance, la sage-femme observe tout ce qui se passe avec satisfaction: elle voit une femme et un homme devenir ensemble parents.
    Lorsque la femme accouche alors qu'elle est assise, elle est capable de donner un maximum de ce moment étonnant d'émotion qu'est le premier contact avec l'enfant. Elle voit le bébé naître de son corps. La plupart du temps, elle le prend avec ses mains et caresse son petit visage et son corps. Elle lui parle à voix basse et le rassure.
Nous remarquons souvent que le bébé bouge sa tête en direction de la voix. Ceci est souvent le moment où la mère soulève son enfant et le prend dans ses bras. Cela stimule le bébé à ouvrir les yeux, et là, se crée un puissant contact. Particulièrement pendant les premières heures après sa naissance, le bébé semble être plutôt éveillé, et cela produit une réaction chez sa mère.    .
    Ce qui est émouvant aussi, c'est le regard du frère et de la soeur sur le bébé. Cette période de premier contact est très importante pour le lien mère/enfant père/enfant ou entre ceux qui se sentent concernés. Ce qui est important est le fait que nous, en tant que sages-femmes, restions à l'arrière-plan. Nous devons laisser une grande place pour ce premier contact. Nous avons une très grande expérience de la présence des enfants à un accouchement. Si c'est la nuit, nous ne les réveillons pas exprès, mais s'ils sont là, c'est fantastique.
    Je vous parlais du service de soins postnatals qui est très développé en Hollande. C'est aussi parce que nous considérons que la période postnatale est très improtante. C'est un service de prévention sociale.
    En résumé, la question est de savoir si les liens familiaux sont protégés par le département de santé nationale en Hollande, en obstétrique? Nous donnons une réponse affirmative. Il y a d'énormes responsabilités pour toutes les personnes qui travaillent en obstétrique, gestionnaires de santé et professionnels, pour assurer la qualité des soins dans la naissance et pour les améliorer.
    Les sages-femmes hollandaises, pour sauvegarder la qualité de leur travail, doivent veiller d'abord à sauvegarder leur propre santé, car les sages-femmes doivent être des femmes fortes physiquement et moralement, de préférence les deux à la fois.
    J'aimerais terminer avec quelques phrases du livre des sages-femmes écrit par Caroline Flynn:
    « Sages-femmes et femmes s'entremêlent; tout ce qui affecte une femme affecte une sage-femme et vice versa. Nous sommes en interrelation, et lorsque les sages-femmes sont fortes, les femmes sont capables de vivre un travail en sécurité et sans interférences. Lorsque les sages-femmes sont faibles, le corps des femmes est dépassé, et le processus de la naissance en est influencé, au détriment des femmes. »



07/02/2013
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