ENFANTER LE LIEN - MERE - ENFANT - PERE- jeannette Bessonart

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49 - un enfant cadeau


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Je suis mère d'un enfant porteur d'un handicap moteur cérébral

    J'ai accouché à un terme de six mois. L'accouchement a duré 40 heures parce qu'on a essayé de le retarder au maximum (cerclage, perfusion...). Pendant toutes ces longues heures, il y a eu avec moi une jeune femme, élève sage-femme. Les infirmières, les médecins venaient, partaient... mais cette jeune femme est restée là, pendant 48 heures, assise sur un tabouret. Elle n'a pas été dormir et elle me parlait, m'écoutait, me consolait... Je devais commencer mes cours de« respiration» la semaine suivante et donc, parmi d'autres choses, il incombait à cette jeune femme de tout m'apprendre, en très peu de temps. Sije m'exprime aujourd'hui c'est en partie pour pouvoir dire «merci» à cette jeune femme que je n'ai jamais pu retrouver - et merci à vous toutes sages-femmes d'être si présentes à un moment tellement extraordinaire.

    Un des risques de grande prématurité est le risque de handicap moteur cérébral. Je suis mère d'un enfant porteur de ce handicap. 

    Le lendemain de mon accouchement, j'ai trouvé en face de mon lit un berceau vide avec un panneau marqué «garçon vivant, l kg 600 ». Cinq jours après mon accouchement, est arrivée une équipe de médecins qui m'annonçait que mon fils était transporté d'urgence dans un autre centre hospitalier. J'étais obligée de quitter la maternité, les mains vides, par la petite porte, me disait-on, pour« m'épargner» la vue des mères plus comblées que moi. Car mon fils allait mourir et je ne pouvais pas le voir. Je partais les bras vides. Pour moi, a commencé une période de deuil. Je suis partie au bout de quelques semaines en Corse parce que je ne pouvais pas voir mon fils. Je n'avais qu'une ligne téléphonique qui me reliait à l'infirmière de garde. Mais au bout de deux jours, j'ai appelé l'hôpital encore une fois, et, à mon grand étonnement, mon fils avait presque un mois. On m'a dit: «Il est sorti d'affaire. Vous pouvez venir »... Je me suis reprécipitée à Paris. 
    En fait, la périnatalité, je ne connais pas : ni les mois qui précèdent l'accouchement «normal », ni les moments d'une première rencontre heureuse avec cette partie de nous-mêmes. J'étais jugée incapable et renvoyée. J'ai été privée de tous ces rapports normaux et beaucoup de parents d'enfants grands prématurés ou nés handicapés le sont aussi. Nous ne savons pas ce que c'est d'allaiter un enfant, notre lait n'est pas bon (enfin soi-disant); de toute façon, nous n'avons aucun contact tactile avec cet enfant; souvent on nous impose un deuil non justifié, mais qui prend énormément de temps pour revenir à la vie. On apprend à re-aimer quelque chose qui est mort. J'ai commencé à ce moment-là des visites que vous devez toutes connaître: voir un enfant dans une couveuse, à travers une vitre. Ensuite pouvoir s'habiller en chirurgien complètement stérile et passer sa main dans un gant qui entre dans la couveuse; et on caresse son enfant avec un doigt et éventuellement, grande joie, on peut prendre son enfant dans ses bras. Cette période a duré trois mois. J'avais en même temps recommencé mon travail. Mais comme parent j'étais jugée incapable. Je n'avais que la possibilité d'aller à l'hôpital après mon travail, enfiler une blouse, voir mon enfant 1/4 d'heure ou 1/2 heure, rentrer, faire le dîner de mon mari. Quand mon enfant a eu 4 mois, une assistante sociale m'a annoncé que je pouvais le reprendre à la maison. Il y a une chose qu'il faut expliquer aux professionnels de la santé. 
    Etant mise à l'écart de toute pratique maternelle, je n'en voulais plus de cet enfant. C'est très difficile à vous dire cela, mais, c'est vrai. Et ça demande un certain courage de pouvoir vous le dire. J'avais été très claire avec tous les chefs de service, avec les personnes soignantes : s'il y avait un risque de quelque chose que je n'étais pas capable d'assumer moralement ou physiquement, j'étais tout à fait d'accord pour qu'on ferme les robinets de cette couveuse. Et qu'on n'en parle plus. A partir du moment où on m'a offert mon enfant, je me suis dit: «on me donne mon enfant, c'est que c'est bon ». 
    Là, je suis entrée dans une période que j'appelle l'année de grâce. J'avais une année avec mon bébé. Je le trouvais très beau comme toutes les mères. J'ai appris à jouir de mon enfant et à l'âge de 15 mois, voyant certain retard, je l'ai emmené à l'hôpital. Je l'emmenais souvent à la visite, mais personne ne me disait rien. Les gens prenaient peut-être des gants. De toute façon, me disait-on, le retard était normal pour sa grande prématurité et il n'était jamais question de handicap. Comme mon enfant, à 15 mois, n'était toujours pas en position assise ou debout, j'ai été voir un professeur dans un 3e service hospitalier, et là, on m'a annoncé de but en blanc que mon enfant était débile profond et grabataire. J'ai recommencé un deuxième deuil, mais peut-être parce que j'ai guéri du premier deuil avec un résultat positif, j'ai décidé que cè n'était pas possible et que cette année de grâce m'avait laissé tisser certaines fibres maternelles, que mon enfant allait s'en sortir. Il avait peut-être un corps qui ne fonctionnait pas tout à fait comme les autres, mais il y avait un être humain dedans, et cet être humain avait le droit de vivre aussi complètement que possible. 
    Nous, les parents des enfants nés avec un handicap, nous ne demandons pas que le personnel médical et paramédical assume notre problème, notre «déception », mais nous demandons de ne pas être mis à l'écart, de ne pas être traités seulement en parents. On ne demande pas que ça devienne une affaire de spécialiste, mais on demande aussi un dialogue clair et honnête et d'avoir en face de nous des interlocuteurs qui nous étayent, c'est-à-dire qui nous aident à comprendre et à vivre. On demande à ce que les pédiatres du quartier ne refusent pas de suivre nos bébés, sous prétexte qu'ils sont différents. Après tout, une varicelle ou une rougeole c'est pareil pour tous les enfants. On demande à ce que vous nous aidiez à faire face à la société qui refuse accès ou cache ces enfants différents. On ne veut pas d'argent, on veut ouvrir des écoles « normales» et des centres aérés à nos gosses, on veut des ascenseurs dans les lycées, des « bateaux» sur les trottoirs, avoir accès aux piscines, etc... 
    On vous demande de nous aider à créer un pacte avec l'enfant: un pacte de combativité qui nous permettra de l'aider à se surpasser, à nous surpasser. Il est essentiel que le parent et l'enfant comprennent qu'il y a un travail à deux. Si j'ai une chose, un conseil à vous offrir, il faut bien expliquer aux parents qu'en fait, ils sont privilégiés dans ce rapport parentenfant. 
 Car cet enfant, c'est un enfant cadeau. L'enfant aveugle vous apprendra à voir, l'enfant sourd vous apprendra la valeur du verbe et l'enfant LM.C. vous apprendra le courage du geste quotidien, l'optimisme et surtout à connaître des capacités qu'on a en soi et dont on n'a jamais douté. Mon fils, Balthazar, était « classé» débile profond et grabataire à l'âge de 15 mois. Aujourd'hui, il est valide, en 5eme dans un lycée, un des premiers de sa classe, très indépendant et adolescent. Il boite, c'est vrai, il marche avec des cannes. Mais il marche. Certains de ses camarades portent des lunettes, d'autres des appareils dentaires. 

    Personne n'est comme personne, et personne n'est parfait. 

    Mon fils est aujourd'hui un membre à part entière de la société qui n'en voulait pas. Il existe, il vit. Il ne faut pas que cette société refuse accès à nos  entants. :SI VOUS gantez un entant dans une sItuation hospitalière fermée, vous allez en faire un infirme. Vous sortez l'enfant et vous le mettez en combativité avec la société telle qu'elle existe, il va être obligé de faire ses armes et participer. Il faut que vous nous aidiez à cela. 

Conclusion 

Dire enfant handicapé, c'est utiliser un concept global qui me en avant l'étiquette, sous laquelle disparaît l'enfant. Avant tout, c'est d'un enfant qu'il s'agit...Et c'est l'enfant, l'êtfl humain, qu'il faut écouter, comprendre, aimer... C'est avec l'enfan que les liens se créent; avec une étiquette, on n'a pas de lien. San ces liens d'amour, l'enfant ne pourrajamais dépasser son handicap. Aussi, je voudrais dire quelques mots sur la formation ou plutôt le manque de formation du personnel qui est « annonceur» du pro blème. Les premiers contacts, les premiers mots utilisés, seront infiniment importants. Or, dans la plupart des cas, le personnel est tellement gêné paniqué, désolé, horrifié, qu'il ne fait que transmettre son angoissl sur la mère. Cela va de soi. Si elle est traumatisée, l'enfant le ser: aussI. Il faut former des gens pour cette tâche terrible, qui malheureu sement concerne 2 % de toutes les naissances.

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Extrait du livre - ENFANTER le lien mère/enfant/père - publié par J.Bessonart pour sages-femmes du monde - editions Frison Roche Paris

Sandie site : www.satine03.ch | le 17/12/2007 à 10:47:57 
Bonjour Holly, 

Un petit message pour vous dire à quel point votre livre m'a secouru et m'a redonné espoir il y a déjà 3 ans. J'ai retrouvé ma fille dans la volonté, la force, la joie de vivre et le combat contre les frustrations de votre fils! Je me suis reconnue dans vos colères et dans certaines impatiences! Je vous admire et nos enfants aussi! Merci Holly! 
Je me suis aussi décidée à écrire un livre mais le témoignage sera plutôt basé sur les 3 ans d'hospitalisation de ma fille. Je n'ai pas votre talent mais je suis aidée! 

Je vous souhaite de belles fêtes de fin d'année et je vous envoie, à vous et à Baltazar, mes plus respectueuses salutations! 

Sandie


07/02/2013
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