ENFANTER LE LIEN - MERE - ENFANT - PERE- jeannette Bessonart

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152 - programme kangourou en Angleterre


page152- - programme kangourou en Angleterre

L'affectivité et la haute technicité, c'est possible... La méthode Kangourou de Colombie en Grande-Bretagne

Dr DOMINIQUE ACOLET pédiatre

 

Adaptation au monde occidental

du « programme Kangourou» de Colombie

 

Une des différences essentielles, c'est qu'en Colombie il y a beaucoup de bébés de faible poids (hypotrophes), et que le souci est de les renvoyer rapidement à la maison afin qu'ils ne meurent pas d'infection, parce que les hôpitaux sont surchargés. En Occident, nous avons la technologie afin que cela n'arrive pas. Notre recherche est de réparer la rupture qui se passe au moment de la prématurité entre une mère et son enfant.

Etre porté, provoque des sentiments de confort et de sécurité.

Les mamans ont toujours porté leurs bébés contre elles afin de leur donner des sentiments de confort et de sécurité, et les interventions autour de la naissance pour améliorer celle-ci ont toujours interféré avec ces conduites ancestrales. La survie de prématurés. de plus en plus petits et malades s'est payée au prix de séparatIOn mère-enfant très important avec les conséquences de stress pour les parents et l'enfant qui culminent parfois avec le syndrome des enfants battus.

Parmi les néo-natologistes, il existe un petit nombre, comme. le docteur Martinez, qui ont essayé d'inverser la tendance et de fal~e que l'affectivité et l'humanisation rentrent dans les services de prematurés afin de favoriser le lien mère/enfant.

 

 

Le contact peau à peau: 1970, premiers travaux aux Etats-Unis

 

Les premiers travaux faits dans les années 1970 qui ont fait penser à l'importance de la relation mère/enfant sont les travaux de Klaus et Kennel aux Etats-Ums. C etalt des enfants à terme que les mères regardaient quelques secondes et qu'on leur apportait à chaque tétée. Cela s'appelait «routine care». Dans un autre groupe expérimental, avec contact étendu «peau à peau» de la naissance à plusieurs jours, les mères passent plus de temps à calmer leur bébé s'il pleure, à le caresser, et cette différence persiste au-delà d'un an.

 

1974: en Suède

 

Quatre ans plus tard, en Suède, Dechateau fait 35 minutes de contact peau à peau pour des enfants à terme, avec un groupe contrôle. Les bébés qui ont eu le contact peau à peau pleurent moins. La lactation de la mère est prolongée.

 

1980-1985: « l'unité Kangourou» à Pithiviers (France)

 

En France, le docteur Odent, suivant la même éthique de soins aux prématurés, a gardé entre 1980 et 1985 une centaine d'enfants prématurés de poids moyen, de 1600 g à 2000 g avec l'incubateur dans la chambre de la mère. Il faisait déjà la méthode Kangourou sans le savoir. Le bébé était mis peau à peau sur la mère.

 

Docteurs Martinez et Rey: les pionniers en Colombie

 

Mais le pionnier des soins peau à peau précoce entre mère et enfants, c'est le docteur Martinez. Il a eu un impact très important da!ls les médias ; les infirmières, les sages-femmes, ont été tout de suite très éprises de cette manière de soigner. Les médecins et les specialIstes ont été plus réticents. Une des réticences est qu'il n'existe pas de. travail initialement scientifique de groupe contrôle. C'est cela qui faIt que les personnes responsables (chefs de services hospitaliers) en OccIdent sont un peu sur la réserve. Il leur faut des expenmentations.

 

 

 

Expérimentation à Londres

 

Ce travail que nous avons effectué pendant deux ans à Londres dans un centre hospltalier universitaire, est Important pour compléter l'idée révolutionnalre et pionière du docteur Martinez.

Il fallait pour cela que le service soit déja réceptif et que le personnel de néonatologle soIt confiant et pret à aider. Dès ce moment la, les  mères, comme dans tous les pays du monde, sont tout de suite receptIves; et en quelques secondes ou minutes les pères aussi. C'est un moment d'émotion intense.

Quelques règles d'or que nous avions dans le service du Professeur Whithelow :

- le père peut toucher le bébé aussi tôt que possible;

- il n'existe pas de bébé, si malade soit-il, qui ne puisse être touché par les parents;

- les visites des parents sont encouragées;

- le père aide la mère aux soins du bébé;

- les autres enfants peuvent être présents dans le service des prématurés.

L'idée était, si la séparation pour quelques minutes ou pour quelques heures a des effets sur des enfants à terme, qu'est-ce que cela peut donner pour des bébés de moins de 1500 g qui vont être séparés pendant des semaines ou des mois? Les mères sentent de l'anxiété, de la culpabilité, de la colère, de la tristesse, un sentiment d'inutilité et la non-certitude que l'enfant va vivre.

Nous avons commencé une étude pilote à Londres avec des bébés que l'on pouvait promener dans les couloirs. Pour les plus fragiles, les mères les prenaient sur un rocking-chair où la mère étai! inclinée à 60 % et confortable pour faire le contact peau à peau auss~ souvent qu'elle le veut. L'enfant a une couverture sur le dos; et SI les enfants sont très petits, on leur met un bonnet.

Nous avons donc fait un travail randomisé sur des enfants de moins de 1500 g, et les objectifs de la recherche sont:. .

- Est-ce que les contacts peau à peau influencent le temps de vIsIte? - Est-ce que les sentiments maternels et la perception du ~bé s~nt influencés par le contact peau à peau à la sortie de l'hôpital et à six mois ? - Est-ce qu'il y a des différences dans la conduite de l'enfant: sommeil, pleurs à six mois?

- Est-ce que le contact peau à peau prolonge la lactation?

La population étudiée, représentait tous les enfants de moins de 1500 g à la maternité, sans problème respiratoire, de paren~s parlant anglais (à cause du questionnaire d'évaluation psycholopque). Les enfants avec malformations congénitales ou hémorragIes intra-crâniennes n'étaient pas exclus.

 

 

Dans le contact peau à peau, l'infirmière introduisait l'idée en montrant des photos. Elle aidait à mettre le bébé sur la poitrine de la mère; le bébé portait une couche. A chaque fois que la mère venait voir l'enfant, elle était encouragée à le faire. Il faut noter que deux mères indiennes n'ont pas accepté le contact peau à peau. Je ense que dans leur culture il y avait une sensation d'impureté jusqu'à quelques semaines après la naissance, jusqu'à une cérémonie religieuse qUI punfialt la mere.

Il faut noter que les mères du groupe contrôle avaient autant de support affectif par l'équipe, qu'on répondait à toutes leurs questions. La seule différence entre les deux groupes c'est qu'elles ne portaient pas leurs enfants peau à peau. Elles pouvaient le porter dans les bras.

L'évaluation psychologique se faisait par un questionnaire néo natal que les mères remplissaient:

_ «Vous sentez-vous confiante quand vous allez rentrer à la maison? Ou non?

_ Connaissez-vous votre bébé ou non?

_ Vous sentez-vous détachée de lui ou très proche? »

Elles avaient le même questionnaire à 6 mois et un carnet à leur disposition pour noter à 5 minutes près la fréquence et la durée de l'alimentation, du sommeil, des pleurs, du temps passé dans les bras et du temps d'éveil.

 

Dans les résultats, on a pu noter:

_ durée de visite identique pour les mères du groupe peau à peau et du groupe contrôle. Ce sont des mères qui viennent de très loin, 50, 100 kilomètres de Londres. Elles passaient environ 30 minutes par jour avec leur enfant.

_ A six mois, les bébés du groupe peau à peau pleurent moins que ceux du groupe contrôle.

_ Une différence significative est ressortie dans la durée de l'allaitement maternel au sein. Les bébés qui ont un contact peau à peau sont allaités en moyenne 9 semaines contre 5 semaines pour ceux du groupe contrôle.

-. La mère se sent aussi confiante avec son bébé peau à peau ou sImplement dans les bras.

- On n'a pas eu plus d'infection dans les deux groupes, ni plus de mortalIté, ni plus d'accidents. Il y a eu deux décès dans chaque groupe.

Mais ce que nous voulions savoir surtout, c'est comment des bébés si petits se comportent-ils au niveau de la mise en route de l~urs grandes fonctions physiologiques: creur, respiration, oxygénatIon dans une position si différente de celle instituée habituellement: c'est-à-dire allongés dans des incubateurs, alors qu'ils Sont en position inclinée dans la méthode « kangourou ».

D'autre part, sortis de l'incubateur, ne vont-ils pas prendre un refroidissement ? Cela a été le sujet de la deuxième recherche que nous avons faIte.

Tout d'abord, il est très important pour les petits prématurés surtout ceux limités en oxygène, de les faire reposer avec tout leur corps en appui contre la mère. Il ne faut pas les laisser se plier, sinon leur fonction d'oxygénation subit une baisse.

D'autre part, pour les enfants présentant « la maladie des ventilés» et qui ont besoin d'oxygène en continu, le peau à peau en position semi-inclinée sur la poitrine de la mère est plus appréciable que couché dans un incubateur avec une « cloche» à oxygène. Plus que d'autres enfants, ceux-là doivent avoir notre attention. Il suffit de leur ajouter une sonde nasale à oxygène. Et la mère peut prendre son enfant.

14 enfants ont été étudiés; 9 avec des poumons normaux et 5 avec une maladie des ventilés: 3 respiraient à l'air et 2 avaient un cathéter nasal avec oxygène. Le poids moyen était de 1000 g (6001400 g poids de naissance). L'âge gestationnel était de 28 semaines (25-31 semaines). Ils ont été étudiés à l'âge post-natal de 35 jours en moyenne, au poids de 1500 g.

Il a été étudié: l'oxygénation, les bruits du creur, la température chez des enfants allongés en incubateur et dans une position semiinclinée peau à peau contre leur mère.

Il n'y a pas de différence significative dans l'oxygénation des enfants des deux groupes.

Dans le groupe des enfants avec maladie des ventilés, on voit une différence significative de taux d'oxygénation s'ils sont couchés dans l'incubateur ou inclinés sur leur mère (60°). C'est l'inclinaison qui favorise une meilleure oxygénation.

 

Pour l'étude sur la température, il a été sélectionné les trois plus petits enfants: 29, 26, 25 semaines avec un poids de 1000; 1100, 1250 g. Ils étaient nus, à l'exception d'une couche, et portaIent un chapeau et une couverture sur le dos. La température ambiante dans l'unité de soins était de 26 à 29°.

Il n'y a pas de déperdition de chaleur dans le contact peau à peau, la mère joue entièrement son rôle d'incubateur. Mais on peut voir comme ces enfants sont fragiles et petits. Car le faIt de les sortir de l'incubateur, leur fait perdre quelques dlzI.emes de degré de chaleur qui sont vite récupérés contre les sems et la poitrine de la mère.

Quelques pères ont aussi pris leurs enfants peau à peau, et il serait très intéressant de savoir ce qui se passe dans leur tête et si cela peut modifier leur comportement paternel.

 

Je voudrais terminer en vous disant que le risque de mort par diarrhée pour un enfant dans le Tiers monde (Sud du Brésil) dans les deux premiers mois de vie, pour un enfant complètement sevré, est 23 fois plus grand que pour un enfant nourri au lait maternel. . Monsieur Martinez a été un pionnier et a montré que c'était possible d'élever un enfant si petit grâce  à la, mère. C'est le grand progrès non technologique de cette dernière decenme en matlere de prématuré. Nous avons pu confirmer scientifiquement son travail en l'élargIssant a 

l'OccIdent.

Il est à souhaiter que cela soit élargi dans tous les services de soins des prématurés en France. Faire rentrer l'affectivité, main dans la main avec la haute technologie, dans les services de soins et de réanimation, c'est possible.

 

 


07/02/2013
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