ENFANTER LE LIEN - MERE - ENFANT - PERE- jeannette Bessonart

ENFANTER LE LIEN - MERE - ENFANT - PERE- jeannette Bessonart

245 - aux Etats Unis d'Amérique


page245 - aux Etats Unis d'Amérique

Les conditions du vécu du lien périnatal mère/enfant/père 
aux Etats-Unis d'Amérique 

CHANTAL BACHOUR  sage-femme 


Dans quel environnement les mères américaines vivent la rencontre avec leur enfant? 

TENDANCES GÉNÉRALES AUX ÉTATS-UNIS 

Les soins de routine 

     Ce travail d'analyse a pu être réalisé grâce aux informations reçues de parents et de sages-femmes des Etats-Unis d'Amérique. 
     La naissance dans la plupart des hôpitaux est régie par des dogmes tout-puissants de l'obstétrique traditionnelle et médicalisée. 

- La future mère est admise d'office si les membranes sont rompues. Autrement, elle est admise à 4 cm de dilatation pour une primipare et à 5 cm pour une multipare. 
- Après un premier examen, les contractions utérines de la mère et les bruits du cœur de l'enfant sont suivis électroniquement. La mère est privée de sa mobilité, et le bébé a une électrode sur la tête. 
- La mère est placée dans une salle de 10 lits, séparée de ses voisines par des rideaux. Cette même salle accueille toutes les urgences. C'est donc une salle très bruyante où les nerfs et l'angoisse de la patiente ne sont pas ménagés. Il n'est pas d'usage pour le personnel, de parler avec la patiente, ni de lui donner des explications. 
- De cette salle, la mère est placée sur un lit-brancard dans une petite salle à 4 lits où elle doit à nouveau changer de lit. 
- Après un second examen et dans le cas où les progrès n'ont pas été jugés suffisants par le médecin, un moniteur interne mesurant les contractions utérines est mis en place, et un médicament pour augmenter les contractions est injecté si elles ne sont pas d'une certaine intensité et au nombre de 3 en la minutes. 
- Pendant ce temps, médecins et infirmières auront déjà fortement conseillé une péridurale, le conseil est suivi par 90 % des patientes. Les la % restantes sont celles qui ont un problème de dos ou bien celles, très rares, qui refusent très fermement d'avoir une anesthésie et une «aiguille dans le dos ». 
- Quand la dilatation arrive à la cm, la mère pousse jusqu'à ce que la tête du bébé soit visible. Elle est ensuite roulée dans la salle d'opération où elle doit à nouveau quitter le lit-brancard pour monter sur la table d'opération. A ce moment-là, elle doit contrôler ses contractions, c'est-à-dire qu'elle ne doit plus pousser jusqu'à ce que l'étudiant médecin soit prêt à l'assister. Celui-ci lui injecte une anesthésie locale si elle n'a pas eu une péridurale et lui fait une épisiotomie systématique. Et l'enfant sort. 

La « Doula » ou la nécessité de la sage-femme expérimentée 

     Une de nos amies, N.P, a participé comme coordonnatrice à un projet de recherche consistant à étudier les effets d'une compa~ gnie féminine assistant une femme durant l'accouchement jusqu'après la naissance. Cette femme donne le maximum de soutien émotionnel et moral à la mère, lui évite anxiété et inquiétude, lui sert de paravent aux abus du système médical, y compris l'abus de médicaments. 
     Cette mère est comparée à d'autres mères (de même catégorie) qui n'ont pas pu bénéficier de cette même protection. 
     L'hôpital où ce projet se réalise s'appelle: J.D.H ... C'est la maternité la plus importante des Etats-Unis (non par la taille, mais de par le nombre de naissances par an: entre 16 000 et 18 000 ; 50 accouchements par jour). 
     Dans son étude, les mères choisies sont toutes primipares à 4 cm de dilatation et sans antécédents médicaux. Pour ce groupe, un protocole particulier a été établi, la rupture des membranes est évitée ainsi que l'usage d'analgésiques et d'anesthésie. 
     Une moitié de ce groupe, dont 135 femmes (appelé groupe A) a bénéficié de l'appui d'une Douala, une femme sans formation d'infirmière qui est restée avec la future mère tout le temps de sa dilatation et jusqu'à la naissance, lui donnant des explications, lui évitant angoisse et solitude, lui procurant un soutien moral et émo- 
tionnel. 
     La seconde moitié des femmes de cette étude ont été simplement observées et prises en main par le personnel obstétrical, travaillant selon son habitude. Le protocole était le même, bien qu'il n'ait pas été suivi avec grand enthousiasme par le personnel obstétrical qui semble l'avoir ressenti comme une intrusion dans son fief. 
     Les résultats sont les suivants: 
- Groupe A avec Doula 
     5 forceps 
     8 césariennes 
     Temps de dilatation: de 2h à 8h 
Groupe B avec protocole traditionnel 
    25 forceps 
    25 césariennes Temps de dilatation: de 5h à 16h 
     Temps de dilatation de 5h à 16h
     Il serait intéressant d'exploiter ces résultats pour reconnaître la profession de sage-femme aux Etats-Unis. 

     A Houston, la femme reste seulement 24 heures pour un accouchement normal, en hôpital privé ou public. A l.D.H., elle sort souvent avant les 24 heures et devra revenir rechercher son bébé qui, lui, doit rester 48 heures. Ceci sans exception, même pour les pauvres mères qui allaitent au sein. Les mères qui restent plus longtemps sont celles ayant eu besoin d'une césarienne, les mères au-dessous de 15 ans (et il y en a pas mal) et celles qui ont une complication en post partum : fièvre, infection, hémorragie ... Elles restent 48 heures et plus. 

     Pour 24 heures de séjour, les tarifs varient selon le praticien. 

Un pays avec 100 ans de retard en médecine sociale 

     Sans aucun doute, ce n'est pas la société idéale à copier pour une vieille nation civilisée et cultivée comme la France, où les sagesfemmes peuvent encore accompagner les naissances alors que chez nous elles sont « hors la loi ». 
     Malheureusement, les pays européens copient les Etats-Unis. 
     Ce système a 100 ans de retard sur 1'Europe en médecine sociale: en éducation même. En Europe, l'Amérique brille comme un énorme astre. Les Américains ont su très bien se vendre depuis toujours. Il faut vivre la vie américaine pour se rendre compte combien ce système est dur et déshumanisé et combien de misères existent ici. Aucun Français n'accepterait chez lui cette situation: aucune garantie d'emploi, soins médicaux pratiquement inexistants, quand on a des revenus limités (ici, beaucoup de gens sont dans ce cas), sans parler des gens réellement pauvres. L'analyse des soins faits dans l'Ohio reflète une situation privilégiée. Dans beaucoup d'Etats de l'Union américaine, la situation est beaucoup plus dure ... 

Les centres de la naissance (birth centers) 

     Et pourtant, il est clair que la naissance est une expénence psychique aussi bien que physique. Lorsque la mère est consciente d'elle, qu'elle n'est pas «droguée» et qu'elle n'a pas d'angoisse, la naissance vient plus facilement et sans complications majeures. Dans ce cas, la naissance du point de vue psychique n'est pas une expérience doµloureuse, mais une expérience euphorique. 
     A Houston, de puissantes organisations de femmes ont imposé et payé l'installation d'un centre de naissance (birth centers) dans un hôpital public qui a pour objet de répondre aux besoins primaires d'une famille attendant un bébé. Malheureusement, il ne contient que 4 lits. 

Il existe d'autres centres de naissance, et celui de Delaware est fort intéressant pour les soins humains en toute sécurité. 
La surveillance dans le centre de naissance (CN) de Delaware a pour objet de répondre aux besoins primaires d'une famille attendant un enfant. L'encadrement médical, l'éducation de la naissance et du nouvel état de parent ainsi que l'appui émotionnel, tout est apporté par un personnel peu nombreux dans un cadre familial. Le personnel est composé de sages-femmes-infirmières (SPI) diplômées, d'infirmières éducatrices, obstétriciens, diététiciennes, aides- familiales et pédiatres. 
Orientation. Les parents sont introduits dans le CN pour une session d'orientation libre. Une SFI donne des cours du soir de 2 heures pendant lesquels elle présente le programme des cours et l'équipe médicale, ainsi que l'affiliation du eN à un hôpital. 
Surveillance prénatale de routine. Elle est pratiquée par les SPI chaque mois, quinzaine ou semaine, selon un plan de surveillance discuté lors de la première visite chez l'obstétricien. C'est en effet là l'occasion d'apprécier les antécédents médicaux, l'examen physique, les résultats de laboratoire, et d'établir le plan de surveillance avec la SFI. Pour la famille, c'est l'occasion de s'acclimater avec la philosophie des soins et du groupe médical qui assumera la responsabilité de la surveillance. 
     A chaque visite, seront réévalués les critères de risque pour diagnostiquer tout écart anormal et pouvoir adresser la femme à l'obstétricien. 
     Pendant le suivi de la grossesse, environ 3 % des femmes inscrites présenteront un problème, nécessitant d'être dirigées vers l'hôpital. La SPI du eN accompagne la femme à son admission à l'hôpital pour aider et atténuer la transition du eN à l'hôpital. En général, même si une femme a dû être dirigée à l'hôpital, les parents complètent tout le programme du CN. 
Formation-éducation. C'est le sine qua non de la surveillance dans les CN. L'équipe de formation est composée d'un « éducateur de naissance », une diététicienne et une SFI, et commence les cours dès l'inscription au CN. 
- Les premiers cours sont de 4 x 2 heures et parlent du changement physique de la grossesse, de la nutrition, de l'acceptation de sa propre grossesse, des besoins émotionnels, de la relaxation et du bienêtre physique. Les familles apprennent à tester les urines, la prise de tension, la mesure de la hauteur utérine et le palper de la position fœtale. 
- Les cours de préparation à la « fraternité» se font en 2 sessions: un cours en début de grossesse destiné aux parents pour préparer leur(s) propre(s) enfant(s) à un nouveau petit frère ou petite sœur, et qui aborde l'importance avec laquelle leur(s) enfant(s) seront impliqués dans le travail et la naissance. Si les enfants viennent au eN, on demande aux parents qu'ils soient accompagnés par un responsable. 
     Plus tard, pendant la grossesse, il y a un cours pour les enfants et les personnes qui s'en occupent. 
La librairie du CN contient de nombreux livres sur la naissance et le nouveau-né, écrits pour les différents groupes d'âge. Des bébés-poupées sont disponibles dans les salles de jeu, et des films sont disponibles pour les parents qui veulent aller plus loin dans le processus de la naissance avec leurs enfants.
Les grands-parents expectants peuvent suivre des cours de rapprochement des générations, expliquant l'évolution des pratiques de naissance qui se sont produites depuis leur jeunesse. Cela comprend aussi des suggestions sur la façon d'aider le jeune couple à travers la grossesse, la naissance et les premiers jours de la vie de famille. 
Les cours de préparation à la naissance sont offerts plus tard dans la grossesse. Il y a 6 cours pour les primipares et 3 cours de remise en mémoire pour les multipares. La préparation est orientée sur l'expérience de la naissance au Centre, mais comprend un cours sur les soins hospitaliers dans l'éventualité d'un transfert ou d'une intervention médicale à l'hôpital. 
La relation mère-enfant. Ce cours prépare le couple à un accompagnement précoce à la naissance; Le couple apprend à connaître les signes fœtaux vitaux et les décalages par rapport à la normale. 
Travail et naissance. Donner naissance dans le CN, c'est comme accoucher à la maison, dans un environnement et avec un personnel devenus familiers pendant les 12 à 14 visites prénatales. Les femmes en travail peuvent s'allonger dans une pièce confortable, se relaxer dans un bain chaud, s'asseoir sur une chaise à bascule devant un bon feu de bois ou se promener dans la salle de naissance préparée comme une chambre à coucher. Le lit à 2 places dans une salle de naissance est bien approprié pour le soutien pendant le travail et le lien familial. Lorsqu'ils sont prêts, les parents participent à l'examen pédiatrique de l'enfant. Après une douche rafraîchissante, un repas de fête avec la famille et les amis et un temps de repos, les familles sont prêtes à quitter le centre, pressées de rentrer à la maison, et ce, dans les 4 ou 6 heures après la naissance. 
Transfert à l'hôpital. S'il y a nécessité d'un transfert à l'hôpital pendant le travail, les obstétriciens et l'hôpital sont prévenus. La SPI accompagne la famille à l'hôpital et reste avec elle jusqu'après la délivrance. Son interprétation de la progression du travail est vitale pour la continuité de la surveillance, mais elle se fait aussi avocate de la famille à l'hôpital pour ne pas casser le support émotionnel dans le travail. Sauf pour les parents nécessitant une césarienne, la plupart des couples sont capables de quitter l'hôpital dans les 4 heures qui suivent la délivrance et retournent au eN pour la surveillance du post-partum. 
Suivi de la mère et de l'enfant. Les plans de surveillance du nouveau-né (N.Né) sont établis avec le pédiatre lors d'une visite pendant la grossesse. Après la naissance, la SFI appelle le pédiatre qui examine le nouveau-né dans les 24 heures. Le troisième jour après la naissance, une infirmière du eN va voir la mère et l'enfant à la maison. En cas d'ictère, on fait une bilirubinémie, et les résultats sont transmis directement au pédiatre. Une semaine après l'accouchement, la mère et l'enfant ont tous les deux un examen médical. 
Les services d'aide à domicile s'occupent d'une famille aussi longtemps que cela est nécessaire. Les aides familiales sont de jeunes mères préparées par le personnel professionnel du eN, conseillant sur la nutrition de l'enfant et l'organisation familiale. Le but de ce service est de rendre « mère» la nouvelle mère pour qu'elle puisse récupérer du travail et de la naissance et se lier à son bébé, sachant que sa maison sera bien tenue par une mère expérimentée. 
Aide continue. Un groupe de conseils continue avec les nouveaux parents. Sitôt que la nouvelle maman et son bébé sont prêts à voyager, ils peuvent rejoindre le groupe pour une série de 4 cours avec une infirmière éducatrice qui a été leur instructeur pour les cours de préparation à la naissance. 
     Pour les couples transférés à l'hôpital pendant le travail, ce groupe de rencontre est une façon merveilleuse de trouver un réconfort dans le syndrome du «Pourquoi cela m'est-il arrivé à moi?» et se sentir uni au eN. Les discussions sont très diverses: allaitement maternel, modes de pleurs et de sommeil de l'enfant, massage et exercice pour le bébé, organisation parentale, comportement avec un bébé malade, gestes à faire avant d'appeler le pédiatre, maniement des petits problèmes des jeunes enfants ... 

L'examen du post-partum est fait au CN par la SFI à 6 semaines. Il comprend l'involution utérine et la discussion du planning familial et de la contraception. 
Le lunch du vendredi. L'expérience a montré que la plupart des familles veulent continuer le contact avec le CN. Pour satisfaire ce besoin et offrir un forum éducatif aux jeunes couples, on a organisé un buffet-lunch pour une rencontre-échange le premier vendredi de chaque mois; les mères viennent avec leurs enfants et leur repas. Le groupe propose des thèmes de discussion: fertilité, parents en tant qu'enseignants, sexualité chez les jeunes enfants, développement des facultés motrices, changement de relation d'un couple à parents, etc ... 
Surveillance des femmes en bonne santé. C'est un service du CN et une façon pour beaucoup de femmes de se connaître: méthode de planning familial, auto-examen des seins, conscience et compréhension de la fertilité, information nutritionnelle, syndrome pré-menstruel et santé pré-conceptuelle, infections vaginales mineures ... sont des thèmes de ces cours. 
Journal éducatif. C'est une lettre publiée par le CN. Les articles sont écrits par les parents, les professionnels et le personnel du CN. C'est devenu un véhicule de communication, idées et nouveautés. 

Conclusion 

     Les CN sont des endroits très petits, à l'échelle d'une maison familiale. Ce qu'il faut y voir et comprendre n'est-il pas une nouvelle philosophie de la vie, qui commence bien sûr, bien avant la naissance, pour une humanité meilleure, celle que nous nous devons de construire avec nos enfants? 
Bien accueillir un hôte, c'est le convier à la paix de l'amour. 
Etre bien accueilli sur terre, c'est avoir envie d'y vivre fort. 






07/02/2013
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